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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Au souffle des jeunes


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Gorgui est en passe de perdre le pouvoir. Le vieux président sénégalais qui se faisait fort de rempiler à la tête du pays va enfin partir pour laisser place à son ancien premier ministre, Macky Sall. Pour le pays qu’il a roulé dans la farine tant de fois, le départ d’Abdoulaye Wade sonne comme la fin d’une époque, celle de la vieille génération attachée à ses privilèges sans nombre.

Il y a en effet comme une rupture schismatique qui s’opère aujourd’hui entre les classes politiques africaines vieillissantes et les jeunesses du continent. Celles-ci ne savent que compter sur les vieilles ficelles de la corruption et du chantage électoral, celles-là ont besoin au contraire de nouvelles espérances. De rêve pour exorciser un horizon de plus en plus sombre, de concret pour vivre, mais surtout d’une classe dirigeante intègre.

De rêve parce qu’au milieu d’un chômage galopant et d’un mal-être exacerbé, il constitue la bouée de sauvetage qui maintient hors du flot. C’est un exutoire à un présent insupportable face à une soif de réalisation de soi qui s’aiguise au contact des merveilles technologiques du moment. Cette jeunesse qui a très tôt saisi le sens de son devoir citoyen est avide de savoir, fertile en innovation, foncièrement et dangereusement branchée sur son époque.

 C’est d’elle seule qu’a dépendu l’ampleur titanesque de la contestation de la rue sénégalaise constamment envahie par des hordes de diplômés, de chômeurs, d’artistes, d’intellectuels et même de vendeurs à la sauvette révoltés contre une gouvernance sénile et bouchée. Comme Wade, les dirigeants africains raisonnent encore comme s’ils avaient à faire à un peuple d’ignorants dont il suffirait seulement de quelques billets de banque pour obtenir le silence et la soumission. Erreur.

 Avec les chaines satellitaires qui foisonnent de-ci de-là, avec l’internet et le téléphone portable aujourd’hui triomphants, le monde ne se réduit plus au seul cercle du village. Tout le monde voit que les chaines nationales de télévision, embrigadées dans des conceptions antiques, ne sont plus que des caisses de résonnance du pouvoir. Il y a longtemps qu’elles ont perdu partout sur le continent leur capacité à impacter les masses.

Pire encore, les jeunes d’aujourd’hui, sont surdiplômés, masteurisés pour ainsi dire au moment où certaines élites politiques veulent continuer à croire à l’Afrique des CEP à peine ou des BEPC. Nous sommes dans un contexte de mouvement absolu au moment où les vieux qui nous dirigent croient encore à l’immobilisme rural d’il y a cinquante ans. Voilà encore l’erreur.

Mais il y a partout aussi une soif d’intégrité. Même si une certaine jeunesse reste encore prisonnière de la corruption et de la mauvaise gouvernance des ainés, ceux qui regardent la télé et sont informés de ce qui se passe ailleurs, savent bien que le salut pour nous tous réside dans la culture de la vertu. Wade a péché pour avoir feint d’ignorer la fameuse sentence de Poniatowski : « On ne peut tromper tout le peuple tout le temps. » La politique comme art de la ruse passe mal.

Passe mal encore la corruption érigée en système de gestion, la gabegie, la concussion et le népotisme. A voir le train de vie de l’Etat en Afrique, on se demande si nos dirigeants entendent le cri abyssal de cette jeunesse qui hurle sa désapprobation à plein poumon. A Dakar, la présidence seule a un budget d’environ cent milliards !

A Cotonou, ministres et directeurs généraux, cadres et agents à divers niveaux s’embourgeoisent dans le luxe et le pillage. Partout sévit une mentalité de pillard, au moment où la jeunesse aspire de toute son énergie à une juste répartition des richesses et des revenus. Même le slogan de la lutte contre la corruption, dans une société gangrenée dans toute sa superstructure, ne trompe personne.

Le départ de Wade est donc comme le signe du début de la rupture d’avec l’antique ravalement de l’homo africanus qui aime à descendre dans les profondeurs du mal. Macky Sall, ce nouveau messie né sur les décombres du Sopi, tentera de porter le flambeau d’une renaissance. Comme naguère Prométhée, c’est à lui qu’il revient maintenant d’aller par vaux et par monts quérir le bonheur de son peuple pour faire se lever une nouvelle aube. Car l’heure de la jeunesse a sonné.

Olivier ALLOCHEME

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