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Le triomphe de la vérité

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Editorial:La démocratie paralysée


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Sur fond de tension, de défiance et de méfiance, la démocratie sénégalaise. Tout visiteur au pays de la Téranga peut se rendre compte d’une atmosphère plus que délétère marquée la semaine dernière par sept morts, victimes de la violence politique qui s’est emparée du pays à quelques jours du lancement de la campagne comptant pour l’élection présidentielle du 26 février prochain.

Le Sénégal joue à se faire peur tout en inquiétant la communauté internationale face au déchaînement des passions politiques dans un pays relativement épargné par l’instabilité que l’on connaît ailleurs en Afrique. Malgré cela, il y a lieu de se rappeler que le Sénégal reste relativement habitué au phénomène.

Assassinat de personnalités politiques tel le ministre des sports Demba Diop tué en février 1967 ou encore le président du Conseil Constitutionnel Maître Babacar Sèye en 1993, tentative d’assassinat de Senghor lui-même, le personnel politique est constamment menacé par des passions en alerte. Ce sont aussi des injures qui volent en éclats à la veille des consultations comme Senghor qui traita son adversaire Abdoulaye Wade de « Laye Diombor » (laye le lièvre) au cours de la campagne présidentielle de 1978, une caricature injurieuse faisant allusion aux oreilles de son challenger.

Mais ce sont les violences de foule qui embrasent le plus ce beau pays. Aux législatives de 1988, dès la victoire d’Abdou Diouf, des émeutes ont éclaté à Dakar : magasins pillés, kiosques éventrés, abris-bus saccagés, bus de transport collectif endommagés, etc. Beaucoup de quartiers de la banlieue s’adonnent alors à la violence pour manifester leur mécontentement vis-à-vis de la victoire du président sortant. L’avènement de Wade au pouvoir en 2000 installe le pays dans un regain de violence. Il crée lui-même une milice « les cabots bleus ».

Déjà en octobre 2003, il y eut une tentative d’assassinat à coups de marteaux contre Talla Sylla, un grand pourfendeur du régime Wade. 2009 verra un ministre de la république, Farba Senghor, proche de Wade, ordonner à des nervis le saccage des sièges des quotidiens dakarois « L’AS » et « 24 heures chrono ». En janvier 2010, des militants du PDS, parti du Président, opèrent de violentes attaques au cortège de l’ancien Premier ministre Macky Sall, leader de l’APR-Yaakar.

En janvier 2010, c’est Mouhamadou Massaly, responsable de la jeunesse libérale, qui met le feu à la tribune officielle occupée par les principaux dirigeants du Parti socialiste lors d’un meeting dans la ville de Thiès. A tout ceci, s’ajoutent les ravages de la rébellion casamançaise qui écument Ziguinchor et région depuis les années 80.

Et donc tout le monde retient son souffle. Le Sénégal va-t-il sombrer dans une nouvelle violence, plus dure celle-là du fait du pourrissement de la situation ? Si la France et les Etats-Unis et presque toute la communauté internationale voient d’un très mauvais œil la volonté de Maitre Wade de se représenter envers et contre tous, Gorgui comme le surnomment ses compatriotes, ne semble pas s’émouvoir. Il promet que rien ne se passera.

Vainqueur en 2007 avec 55,90 % des voix, il symbolise une superbe, celle des hommes de pouvoir qui semblent voir les leurs du haut de leur tour d’ivoire. Comme disait La Bruyère, « les postes éminents rendent les hommes grands encore plus grands, et les hommes petits encore plus petits». Wade ne pense à rien d’autre qu’à sa victoire presque assurée dans une sociologie politique marquée par la prééminence indestructible de l’image présidentielle et la ruralité désespérante de l’électorat.

Face à cette démocratie chancelante, il y a quand même une fierté d’être Béninois au cœur d’un continent pris au piège des présidents qui s’éternisent. Au moment où la mode semble s’être instaurée de perpétuer le règne des princes qui nous gouvernent, le Bénin a définitivement tourné la page en se dotant d’une armure constitutionnelle inviolable sur ce sujet. Idem sur l’âge.

Une quinzaine de Chefs d’Etats africains ont plus de 70 ans, le records étant détenu en l’espèce par le Zimbabwéen Robert Mugabé (87 ans), l’Ethiopien Girma Wolde-Giorgis (86 ans) et Wade le Sénégalais (85 ans). La démocratie béninoise, bien que de date récente, est ainsi comme un îlot de paix et de stabilité au milieu d’une Afrique en proie à des incertitudes politiques sans fin.

Olivier ALLOCHEME

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