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Le triomphe de la vérité

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Enseignement primaire:Le grand retour de l’ancien programme


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L’approche par compétence (APC) est-elle déjà rangée dans les placards du passé ? c’est la grande question que se posent aujourd’hui les acteurs de l’enseignement primaire face à la multiplication des mesures correctives destinées à pallier les effets néfastes de ce programme d’enseignement introduit dans le système éducatif béninois depuis une quinzaine d’années. De correction en correction, une bonne partie des enseignants estiment aujourd’hui que l’ancien programme a finalement été remis en scelle. Après plus d’une décennie d’errances.

Koffi ne tarit pas de commentaires sur les réformes intervenues cette année encore dans l’approche par compétence (APC). Instituteur dans une école privée de Cotonou, il jette un regard sans complesance sur l’APC. Cette approche pédagogique progressivement généralisée dans les classes du primaire puis du secondaire depuis 1998 subit encore cette année scolaire de nouvelles mutations.

Suite aux critiques récurrentes de nombreux acteurs du système éducatif, des mesures correctives ont été entreprises au cours de l’année scolaire 2005-2006 au CI et au CP. Celles de 2007-2008 touchant le CE1 et le CE2 n’ont pas été mises en œuvre pour diverses raisons. C’est cette année, précisément pendant les vacances dernières, que les nouvelles mesures correctives ont touché le CE1, le CE2, le CM1 et le CM2.

Des changements obligés

« Nos enfants ne savent plus lire », indique Antoine Hèvou, enseignant à l’EPP Zounzounsa, dans la commune de Bohicon. Les mesures correctives se sont imposées du fait de dysfonctionnements relevés notamment par les parents au niveau de la lecture et des mathématiques. Pour nombre d’instituteurs, ces réformes s’expliquent par les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de l’APC.* « On a voulu apporter quelques innovations soit par rapport à la démarche soit à la pédagogie, » indique pour sa part Mme Assani Isbatou KOUKPONOU, Institutrice à l’EPP Minnontin (Cotonou). Quant à Florentin Mètengni, instituteur à Abomey, il estime que « les enfants ont des difficultés à écrire des textes de façon cohérente et également de la peine à lire des textes. »

 « Nous-même on a des enfants à la maison. On a vu que le niveau baisse tellement que l’enfant ne distingue plus A de B » indique Soglo Jocelyne, enseignante à Cana dans la circonscription scolaire de Zogbodomey qui ajoute : « Si tu dis à un enfant 1+1, il ne peut plus répondre correctement. » Les mesures correctives sont apportées à deux disciplines à savoir le Français et les Mathématique. Ainsi, en Français on note le retour de l’enseignement des diphtongues, des exercices structuraux, de l’utilisation des raccourcis et l’exigence de la dictée. En mathématique, on note le retour du calcul mental ainsi que des exercices structuraux.

 En ce qui concerne l’éducation sociale (ES), elle enregistre l’insertion des leçons de morale et de l’éducation civique. La réintroduction des exercices structuraux et de la conjugaison orale au niveau du Français, permettra de donner des outils linguistiques aux enfants dans leur communication quotidienne. Au niveau des mathématiques, la réhabilitation du calcul mental est vue par Florentin Mètengni comme un grand pas en avant. Appolinaire ABIMBOLA, enseignant à l’école primaire publique de Houndon A dans la commune de Bohicon clarifie : « Dans le nouveau programme, Il y a ces notions mais c’est diffus. »

Le retour à l’ancien programme ?

Pour la plupart des enseignants, les formations organisées pendant les vacances dans certains départements et en pleine année scolaire pour d’autres ont été mal ficelées. « La façon dont la formation se passe ne permet pas de changer véritablement un comportement c’est-à-dire la mentalité de l’être humain que nous sommes tous » , estime Appolinaire ABIMBOLA parlant des leçons de morale et de civisme avant d’ajouter : « Ça doit être une leçon d’éducation et non un simple enseignement. L’enseignant même doit être un modèle d’abord pour l’apprenant ».

Il y a aussi le gros problème de la surcharge de travail imposé aux enseignants à travers ces réformes. « Ce qui existait est déjà trop surchargé », se plaint Antoine Hèvou qui note : « Le nouveau programme n’a même pas laissé une seule seconde de repos à l’enseignant. Mais voilà que de mesures correctives en mesures correctives, on surcharge encore le programme. » Pendant ce temps, les effectifs dans les classes sont pléthoriques, notamment du fait de la gratuité de l’enseignement maternel et primaire. « Un enseignant qui a gardé le CE1 l’année dernière ne peut plus utiliser ses anciennes fiches.

 Il est condamné par ces mesures correctives apportées à aller à une reformulation. Ce qui n’est pas chose aisée », assure un enseignant de Cotonou qui a requis l’anonymat. Près d’une quinzaine d’années après la généralisation de l’APC, la question se pose de savoir si les enseignants ne font pas un retour à l’ancien programme, du fait de l’échec des nouveaux. « Je dirai simplement que c’est le programme intermédiaire rechemisé », assure Mme Assani Isbatou KOUKPONOU. « Les gens veulent peut-être revenir à l’ancien programme mais ils ne pourront pas », avertit Apollinaire ABIMBOLA.

 Selon lui, « avec l’approche par compétences l’apprenant est au centre des compétences. et face aux réalités de notre temps il le faut, » dit-il. Et Antoine Hèvou d’ajouter : « Nous nous sommes senti au pied de la falaise. Un proverbe bantou a dit qu’au bord de la falaise, le vieillard définit le progrès comme un pas en arrière… Progressivement, nous sommes en train de revenir à l’ancien programme.» Koffi informe d’ailleurs que les inspecteurs et autres conseillers pédagogiques interdisent aux enseignants de parler même de retour en arrière. Il s’interroge alors : « Pourquoi avoir attendu de sacrifier pendant si longtemps autant d’enfants ? »

Olivier ALLOCHEME

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