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Le triomphe de la vérité

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PVI:Une épée de Damoclès sur l’économie béninoise


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Patrice Talon, Pdg de la société Bénin control S.A

Environ trois mois après le démarrage de sa mise en œuvre effective, le Programme de vérification des importations (PVI) de nouvelle génération constitue une innovation mal maîtrisée. Concocté par la douane elle-même suite à plusieurs études datant pour la plupart de 2004, le programme vient répondre au besoin qu’avait la douane d’accroitre ses recettes, tout en préservant la compétitivité du Bénin dans la sous-région.

C’est au Conseil des ministres du 05 janvier 2011 que le gouvernement a accordé au Groupement SGS-Benin Control le marché relatif à la mise en place du PVI. Ceci est intervenu après plusieurs séances de négociation entre le gouvernement et le Groupement dirigé par Patrice Talon avec la participation de l’Agent judiciaire du Trésor aux fins de s’entendre sur les frais de ses prestations et le contenu du contrat à signer. Benin Control s’est engagé à investir dans la mise en œuvre du programme environ 24,5 milliards de F CFA hors taxes sur la durée du Contrat (entre dix et seize ans).

Les négociations ont permis de doter Bénin Control de l’exonération en franchise des droits et taxes d’entrée à l’importation pour ses matériels d’exploitation ainsi que des matériaux de construction et agencements relatifs aux sites d’exploitation des activités. Le contrat signé le 09 Février 2011, stipule que Benin Control aura en charge l’Inspection Avant Embarquement (IAE), le scanning des conteneurs, du tracking des marchandises en Transit, la certification des poids et quantités des biens débarqués en vrac ainsi que la certification des poids et valeurs aux frontières. Les 22 et 31 mars, le décret présidentiel et l’arrêté interministériel fixant les conditions d’exercice de Benin Control sont signés.

Les nouveaux frais institués effraient les importateurs qui y voient une nette augmentation des anciens tarifs pratiqués au cordon douanier. Même les cargaisons en transit, autrefois exonérées, sont désormais frappées d’une redevance allant de 82 600 FCFA à 147 146 FCFA. Un certain Comité général de lutte des travailleurs de l’administration des douanes et droits indirects s’insurge contre les nouvelles mesures. Dès le 07 juin, il rend public une virulente déclaration signé de son président, le Brigadier des Douanes Antonin Mahouna SEKEDE qui dit notamment : « Il s’agit en fait de la privatisation des activités douanières au port de Cotonou et aux frontières de Hilla-Condji, de Kraké, d’Igolo etc…. » Et d’ajouter : « Tout pouvoir politique a le droit et le devoir de contrôler les recettes et les dépenses de son pays, mais il n’a pas le droit et le devoir de les confier aux hommes d’affaires. C’est horrible et inadmissible ». Parlant de la « nouvelle catastrophe économique », le comité estime que « nous assistons à un véritable braquage économique à travers ce contrat odieux ».

Malgré cela, le 1er juillet voit l’entrée en vigueur du programme. Quelques semaines plus tard, c’est Thomas Agbotounso, Président du Haut-commissariat des transitaires mandataires du Bénin (Hctm-Bénin), qui monte au créneau pour fustiger à nouveau les conséquences du programme sur les coûts des tarifs douaniers. Le Chef de l’Etat rencontre alors les importateurs et de nouveaux tarifs sont fixés lors du Conseil de ministres du 14 août 2011 pour enrayer la flambée des prix des produits de première nécessité sur le marché.

A travers un communiqué signé de son secrétaire général, le gouvernement estime alors que « cette hausse des prix ne se justifie en aucune manière », d’autant plus qu’il n’y a pas selon lui une hausse des tarifs douaniers. Sur instruction du Chef de l’Etat, les ministres ont été instruits pour « informer amplement les citoyens béninois sur les prix réguliers et normaux des produits de grande consommation dans les marchés » selon les termes même du conseil des ministres de ce 14 août. Dans le même temps, la mise en œuvre du PVI est jugée « irréversible ». Mais rien n’y fit. La réalité sur les marchés est en porte-à-faux avec les déclarations des ministres envoyés en tournée de sensibilisation dans tout le pays.

Le problème de la compétitivité du port

Lors d’une rencontre organisée au profit de la presse le 23 août 2011, Anicet Houngbo, directeur des opérations de la société Benin Control martèle, une fois encore que le PVI est appliqué dans 153 Etats dans le monde et qu’il le Bénin pourra disposer de six scanners, dont deux au port de Cotonou, deux à l’aéroport, un à la frontière de Sèmè Kraké et un à la frontière d’Hillacondji. Un pays comme la Côte-d’Ivoire dispose d’un seul scanner depuis plus d’une décennie.

« Le scanning permet d’enrayer la fraude sur la nature des marchandises », dira-t-il avant de reconnaître que cette méthode joue un rôle important dans la rapidité de l’enlèvement des marchandises et la sécurité du pays. Pour sa part, le Directeur Général de la Douane Théophile Soussia, a indiqué que le PVI est bien un programme de la douane qui permettra de renflouer davantage les caisses de l’Etat. Tandis qu’un communiqué du ministre des finances donne un ultimatum à tous les importateurs afin qu’ils procèdent à l’enlèvement de leurs marchandises qui s’accumulent non seulement au port mais aussi aux frontières terrestres. Cet ultimatum qui court jusqu’au 30 septembre, indique qu’ « à titre exceptionnel et par mesure de souplesse » les cargaisons en attente depuis des semaines sont dispensées de pénalité.

Mais les importateurs restent encore sceptiques. Au port, la situation est encore plus complexe. Soumis à la vague des investissements du Millenium Challenge Account (MCA) en place depuis cinq ans, le Port autonome de Cotonou connait, du fait du PVI, une congestion supplémentaire de son espace. Pour des raisons de lenteur excessive des opérations et du fait du scepticisme des importateurs, les camions attendant d’achever les formalités s’accumulent. Une analyse réalisée par un comité de la cellule d’analyse économique de l’Union fait la Nation (UN) sous la supervision de l’Honorable Comlan Léon AHOSSI, Inspecteur des douanes à la retraite , donne l’une des nombreuses raisons de ce blocage : « A l’épreuve, le scanning de tous les conteneurs débarqués au Port n’est pas possible. » Et pour cause, en 2010, deux cent quatorze mille cinq cent quatre vingt et six (214.586) conteneurs de 20 pieds ont été débarqués au Bénin contre cent quatre vingt et seize mille quatre cent quatre vingt et six (196.486) en 2009.

Les projections pour 2011 selon les analyses du Port de Cotonou sont d’environ deux cent soixante mille (260.000) conteneurs. Aux yeux du comité, passer tous ces conteneurs au scanner sera impossible, sans compter le vrac dont il est prévu pour 2011 deux millions neuf cent trente sept mille deux cent neuf (2.937.209) tonnes. L’UN note alors qu’il faudra scanner environ Cent quarante six mille huit cent soixante (146.860) voyages de camions de 20 tonnes dans cette rubrique, avant d’indiquer que les installations de Benin Control n’y pourront rien.

Le MCA oppose son véto

Le 15 juillet dernier, le vice-Président du Millenium Challenge (MCC dont dépend le MCA) écrit au gouvernement béninois pour exprimer sa désapprobation par rapport au PVI. Selon Jonathan Bloom, citant des études de la Banque Mondiale, « l’augmentation du coût du transport entrainera la réduction du commerce des marchandises ». Il indique alors que « ces nouveaux frais se traduiront par la réorientation des cargaisons importantes du Port vers des ports concurrents, affectant ainsi la compétitivité du Port et sapant ainsi les investissements réalisés par le Gouvernement des Etats-Unis. » Jonathan conclut sa correspondance par des menaces à peine voilées : « En tant que tel, les préoccupations de MCC au sujet de ces nouveaux frais seront nécessairement un facteur examiné par le MCC et notre Conseil d’administration, si le Bénin est à considérer pour un deuxième Accord de Don. »

Les mesures prises quelques semaines après cette correspondance pourraient-elles atténuer le poids de cette menace ? Rien n’est moins sûr, d’autant plus que le MCA tient beaucoup à la compétitivité du port où il a investi ces cinq dernières années environ 82 milliards de FCFA (précisément 82.183.250.000 FCFA). A une semaine exactement de la fin de l’ultimatum lancé par le ministre des finances (30 septembre), la question se pose de savoir si les importateurs pourront être à jour, alors qu’hier encore, jeudi 22 septembre, un nombre impressionnant de marchandises attendait encore d’être dédouané dans tous les postes frontières que nous avons sillonnés.

Olivier ALLOCHEME

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