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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Cinéma béninois ?


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Olivier ALLOCHEME, Editorialiste-Secrétaire de Rédaction

Le cinéma béninois est pratiquement mort. Au moment où le Festival de Cannes ferme ses portes, c’est vers le septième art béninois que les regards se tournent pour mesurer le fossé. Ou l’océan. Entre la débauche de luxe, de glamour et de somptuosité exquise qui s’expose avec ostentation sur la Croisette et le dépit, la médiocrité et l’approximation que véhicule le cinéma béninois, il y a en effet des années-lumière.

J’admire en ce festival, cette quête presque maniaque du grand, du beau et du sublime ramené à ses proportions les plus ahurissantes. La montée des marches, symbole d’un univers où l’exhibitionnisme est roi, est aussi le signe d’une réussite qui crève l’œil.

Et c’est en plein délire que le jury délibère sur une trentaine de prix destinés avant tout à célébrer la qualité des acteurs et de la mise en scène, l’originalité du scénario et l’audace de la liberté. Tel est Cannes, rendez-vous d’un monde qui croit en sa supériorité et exhibe jusqu’à l’adulation les frasques et splendeurs de ses génies.

En comparaison, quel cruel fossé avec le Bénin ! Ici, on ne peut déplorer que la ruine de tout le septième art, définitivement mort sous les coups de boutoir de la léthargie des acteurs et du profond sommeil des structures publiques en charge du secteur. Non, il y a chaque année des dizaines de films béninois.

Les Pipi Wobaho, icônes du théâtre populaire du Bénin, témoignent de cette vitalité qui se laisse à voir dans la multiplication presque capillaire de leur production. Leurs scénettes publicitaires nous rappellent chaque jour que le Bénin n’est pas un désert de talent. S’ils s’occupent souvent des histoires de bas-quartiers caractéristiques de ces vaudevilles en vogue, ils ont tiré de cette proximité avec les petites gens, une célébrité qui ne se dément jamais.

De sorte qu’il paraît anodin de mener le débat sur le point de savoir s’ils font du théâtre filmé ou de vrais films, s’ils font des sketches ou de véritables productions cinématographiques. Tous les observateurs attentifs peuvent répondre de manière tranchée que ceci est tout sauf du cinéma.

Et les nationalistes, partisans d’un regard plus conciliant suggèrent de mettre en standby notre rigorisme trop penché vers les canons du cinéma euraméricain ou même asiatique, pour saluer la passion d’hommes et de femmes qui se battent les mains nues contre les difficultés du système béninois.

Mais en dehors de ce cinéma d’essence populaire, il y a celui conventionnel où prospèrent quelques têtes de proue comme Sylvestre Amoussou ou encore Jean Odoutan. Celui-ci est initiateur du festival Quintessence qui a achevé en janvier sa neuvième édition pour une sélection qui a atteint le record de 140 films dont 94 en compétition sur un total de 1447 dossiers reçus.

 Il faut même espérer que se tienne effectivement le séminaire de reprofilage prévu cette année par le ministère de la culture pour améliorer le concept. Il s’agit d’une initiative pouvant donner du sens à la politique de l’Etat dans le cadre d’une émergence véritable des industries culturelles. Cependant, je ne me fais aucune illusion.

Avec des investissements très limités dans le secteur, le septième art béninois souffre d’un mal qui s’aggrave : la piraterie. Cette peste de l’art moderne prospère par les soins de l’Etat démissionnaire. Derrière l’Etat lui-même, se trouve la population qui aime les VCD, DVD et autres CD dupliqués et vendus bon marché à tous les coins de rue.

Résultats, toutes les salles noires sont fermées et Cotonou est inconnu sur le grand écran africain. Tous les investissements dans le secteur sont voués à la perte, à moins d’être subventionnés par quelque institution comme le CIRTEF ou des mécènes passionnés comme Abdel Hakim Aziz Latoundji alias Laha.

Il faut mettre au compte de celui-ci un activisme transfrontalier qui aura permis de livrer jusqu’ici quelques titres d’envergure nationale comme Tcha alifin, Agbako, Assou gbô, Classe B, Héélou gbètoh, Tangny pompy ou encore Abèni. Mais entre cette production minée par la piraterie et le Bollywood nigérian même tâtonnant, il y a encore un vrai fossé.

J’incline malgré tout à croire que notre septième art mérite mieux que cette stagnation à la station zéro qui attend le réveil de tous ceux qui veulent sauver l’image de notre culture pour offrir à nos enfants et aux jeunes rassasiés de culture blanche, le génie de nos acteurs.

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