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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Un duel à distance


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Olivier ALLOCHEME, Editorialiste-Secrétaire de Rédaction

André Biaou Okounlola a désormais fière allure. Au-delà du député qu’il est devenu à la force du poignet, il sait avoir gagné un immense défi en siégeant au palais des Gouverneurs, bercé par le doux ronronnement des débats parlementaires et les chaudes empoignades qui en donnent la saveur.

Il fait partie de ceux qui construisent leur destin à force de combats et de détermination, rarement dans l’acceptation, plus souvent dans l’adversité. Physiquement, il en a la carrure de boxeur aux allures de Casus Clay. Intellectuellement, ses anciens camarades de classe le décrivent comme un scientifique brillant. Et son parcours le montre d’ailleurs. Ingénieur du génie rural, il s’est spécialisé en mécanisation agricole, ce qui lui a valu d’être nommé en décembre 2007 à la tête du Programme de promotion de la mécanisation agricole (PPMA).

Ce programme a dû brasser une dizaine de milliards pour mettre en œuvre le volet mécanisation du Plan stratégique de relance du secteur agricole (PSRA) censé faire du Bénin une puissance agricole d’ici l’horizon 2020. Des milliards, mais aussi l’immense clameur créée par certains députés convaincus que le programme couvre des détournements odieux. Janvier Yahouédéou, président de la commission parlementaire mise sur pied pour connaître de l’affaire, n’hésite pas à le tancer vertement et à le défier.

30 juin 2010, l’accusé s’offre un entretien sur la télévision nationale où il passe en revue les critiques acerbes décochées par les parlementaires contre le programme. Le lendemain, le 1er juillet 2011, il est pratiquement chassé de l’hémicycle par les députés frondeurs, Rosine Soglo en tête, qui lui infligent une mémorable humiliation devant les cameras de toutes les chaines de télévision. Moins d’un an après, le voilà parlementaire lui-même.

Cerise sur le gâteau, il est élu vendredi dernier deuxième secrétaire parlementaire. Pendant au moins quatre ans, personne ne pourra le chasser du Palais des Gouverneurs. Comme si un bonheur n’arrivait jamais seul, son principal accusateur, Janvier Yahouédéou n’est pas réélu. Il devra suivre les débats parlementaires depuis sa maison, après avoir été l’un des plus chauds opposants de Yayi.

A vrai dire, Janvier Yahouédéou et sa commission d’enquête ont mené la vie dure au coordonnateur national du PPMA. Ils sont allés aux quatre coins du Bénin fouiller les dessous de ces machines réputées peu adaptées aux conditions agropédologiques du pays. Ils ont entendu sans doute les mêmes choses que moi, lorsque j’ai effectué la même enquête aux fins de vérifier l’utilité ou non de ce programme dont les agriculteurs souhaitent encore le renforcement.

 Yahouédéou aura ramené de ses pérégrinations dans les campagnes béninoises comme dans les usines indiennes et chinoises, une bonne moisson de preuves accablantes pour confirmer ses soupçons. Seulement, depuis quelques mois, le rapport de la commission attend toujours de passer en plénière.

Après avoir coûté près de 100 millions de FCFA, la commission Yahouédéou a tout l’air d’un éléphant blanc. D’autant plus que le principal accusé dans son brûlot est maintenant au Parlement et précisément même au bureau de la sixième législature. En parlera-t-on jamais à l’hémicycle? Je n’ose pas croire que non.

En réalité, André Biaou Okounlola a pris sa revanche sur le destin, une double revanche qui le donne vainqueur provisoire du duel à distance qui se nouait entre lui et ses adversaires. Son succès fait en réalité le malheur de Benoît Dègla, cet autre challenger de la cinquième législature qui l’aura marqué à la culotte à Ouèssè.

Il a arraché son siège en surfant sur la géopolitique complexe de la dixième circonscription électorale. En place à l’Assemblée, il s’emploiera à être un député modèle, proche de ses électeurs mais aussi un fin tacticien, fidèle défenseur du Chef de l’Etat. Candidat pour la énième fois, c’est seulement cette année que la chance du Palais des Gouverneurs lui sourit.

 Et le PPMA en est pour beaucoup, qui a servi à le mettre sur les devants de la scène. Personne ne pourra dire avec certitude s’il en a profité pour se donner les moyens de ses ambitions. A l’heure où les joutes de l’Assemblée viennent à peine de commencer, Boni Yayi sait pouvoir compter sur ce soldat prêt au combat.

Olivier ALLOCHEME

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