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Le triomphe de la vérité

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EDITORIAL: Une mort tout à fait politique


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Le coton béninois est mort. La lente agonie qu’il enregistre depuis quelques années est devenue un râle de désespoir poussé par des milliers de producteurs désabusés, frustrés, floués. La production ne cesse pas de baisser, atteignant pour la campagne 2008-2010, le très bas chiffre de 210.120 tonnes. Dans le même temps, le Burkina a pu faire 450 000 tonnes. C’est dans ce contexte d’apocalypse qu’est intervenue cette semaine la déclaration des producteurs partis à Abidjan où ils ont rencontré l’un des acteurs clés du secteur, Martin Rodriguez PDG du groupe MCI.
Leurs déclarations sont des cris de détresse invitant à une réelle démonopolisation de la commercialisation de l’or blanc dans notre pays. En ligne de mire, les cotonculteurs visent la SODECO, société d’économie mixte mise sur pieds l’année dernière et détenue à 49% par l’Etat. La manœuvre de regroupement et d’incitation des producteurs pour sortir de la léthargie actuelle apparaît comme une critique à peine voilée adressée aux dernières ” réformettes ”  qui n’ont pas sauvé le secteur. Au contraire.
Chaque année, l’Etat déverse dans le secteur des subventions qui tombent comme dans un tonneau de Danaïdes, sans effet. Pour la campagne écoulée, les subventions sont montées à 6,466 milliards de FCFA, soit 30 FCFA par kg pour une production de 210.000 tonnes à peine. Pour la campagne 2009-2010, ces subventions ont atteint 11,280 milliards de FCFA, portant à environ 40 millions l’ensemble des subventions engagées par l’Etat au profit du secteur depuis 2006. Mais les perspectives pour cette campagne ne sont pas bonnes. Elles sont simplement travesties par l’Etat. Pour des raisons éminemment politiques, les prévisions de la campagne en cours ont été exagérément gonflées, passant d’une production de 210 120 tonnes à   420 000 tonnes, c’est-à-dire exactement le double. Sur quoi comptent les responsables étatiques pour réaliser ce miracle cotonnier en une seule année ? Sans doute sur le même coup de baguette magique qui avait permis le bond verbal des 600 000 tonnes voulues par Boni Yayi dès son accession au pouvoir alors que la campagne précédente était montée à 190 000 tonnes seulement !
Pour les cotonculteurs habitués désormais à la manne empoisonnée des subventions, rien n’est plus pénible. Les intrants payés à crédit sont utilisés en grande partie, non pas pour la production cotonnière mais pour les cultures vivrières qui prennent de l’envol. C’est le cas du maïs dont la production a dépassé en 2009 la barre historique de un million de tonnes de production, en partie grâce aux jeunes agriculteurs subventionnés par l’Etat.   Mais en même temps, le prix payé au cotonculteur béninois est le plus élevé de la sous-région, 210F le kilo. Il est de 165F au Burkina qui fait pourtant de meilleures campagnes depuis des années…
C’est que le coton béninois est devenu une plateforme politique de première importance. C’est en faisant des promesses mielleuses aux cotonculteurs que Boni Yayi a été adoubé en 2006 dans les zones productrices. D’où son empressement à injecter des milliards pour éponger les dettes dues aux producteurs dès 2006. D’où aussi sa fougue cotonnière de début de règne qui s’est soldée par un échec prévisible. L’image aseptisée de Boni Yayi filmé dans les champs de coton de Banikoara caressant les cotonniers comme un vieux connaisseur, apparait davantage comme un des nombreux avatars de la propagande gouvernementale.  Le Chef de l’Etat avait pensé sincèrement pouvoir sauver le secteur. Mais il s’est heurté à des handicaps gigantesques dus à ses engagements politiques. Il faut peut-être espérer que le plan de relance du secteur adopté en janvier dernier dope effectivement le coton béninois pour les trois années à venir. Mieux encore, il faut souhaiter que les enjeux électoraux de 2011 ne fassent faire d’autres promesses politiques qui vont inhiber les efforts en cours.
Dans un cas comme dans l’autre, les imbrications politiques et agricoles sont nuisibles à toutes les réformes engagées. Elles travestissent la vision des politiques et des producteurs. Et tuent les industriels du secteur.

Olivier ALLOCHEME

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