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Le triomphe de la vérité

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EDITORIAL: Ce qui arrive à Yayi


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Après avoir passé les deux premières années de son quinquennat à affronter l’ancienne classe politique et une  bonne partie de ses alliés objectifs de 2006, Boni Yayi affronte maintenant les syndicats. Le communiqué de la présidence présentant des menaces claires contre les travailleurs grévistes confirme aujourd’hui que le Chef de l’Etat n’était pas étranger à l’interdiction de la marche de la semaine dernière. Et que les menaces proférées n’étaient en définitive qu’un signe d’impuissance face à la détermination des travailleurs. Pour avoir pu empêcher la contestation de la semaine dernière, il ne réussira pas à contrecarrer le débrayage général contre lequel toute la machine administrative et policière dont il dispose ne pourra rien. Curieusement, ce communiqué de la présidence est aussi virulent que vain voire maladroit. Pourquoi ne pas laisser le ministre de la fonction publique jouer son rôle en trouvant les termes appropriés pour répondre à la grève qui est un droit souverain des travailleurs, même s’il est assorti de pénalités ? Et pourtant, en prenant simplement par le canal de Christophe Kint Aguiar, comme naguère celui de Armand Zinzindohoué, Boni Yayi éviterait de donner l’impression de chercher à en découdre directement avec les travailleurs. Il éviterait de laisser l’impression d’une désastreuse impuissance à arrêter un mouvement prévisible et à tout le moins inévitable au regard de l’interdiction de la marche de protestation. Il y a donc là une mauvaise manœuvre emblématique des erreurs de gouvernance de la semaine dernière. Le Chef de l’Etat s’est jeté à l’eau tout seul et récoltera seul les fruits amers de sa hardiesse. Car, au lieu de s’en prendre à Zinzindohoué comme elles ont fait jusqu’ici, les centrales syndicales s’attaqueront personnellement à lui. C’est un combat à armes inégales dont l’issue est connue d’avance.
Dans un autre contexte, cette propension à s’exposer et  à se faire menaçant, pourrait se comprendre.  On se  rappelle qu’en 1965, face à la grève des travailleurs réagissant aux effets néfastes des mesures d’austérité du gouvernement, Justin Tométin Ahomadégbé, alors vice-président, ne se priva pas de passer de service en service pour tancer les grévistes, en s’en prenant parfois physiquement à certains. Il jouissait de la force que donne l’Etat. Mais, comme dirait Paul Valéry ”  la faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force. ” Obnubilé par l’omnipotence présidentielle, nos dirigeants oublient l’histoire des luttes sociales faites nécessairement de rapports de force qui basculent presque toujours du côté des travailleurs en régime démocratique. Dans le contexte actuel, le pouvoir Yayi doit affronter une grève dite politique aux implications claires. Malgré les défalcations qui sont un corollaire inévitable du droit de grève, et  malgré les syndicats jaunes fabriqués de part en part pour briser l’unité des syndicalistes, la confrontation se soldera par la victoire des travailleurs puisqu’ils forment une masse critique solidaire dans la contestation du régime.
Face à cet échec qui profile à l’horizon, Boni Yayi se retrouve réellement au creux de la vague.  La classe politique ancienne a eu raison de lui, comme l’atteste la configuration actuelle du Parlement où la majorité appartient à une opposition plus que jamais unie contre lui. Même dans son propre camp, les FCBE n’ont jamais enregistré autant de défections significatives qu’en ce moment du pseudo-scandale de la CEN-SAD. La naissance samedi du parti ANFANI de Samou Adambi a permis de se rendre compte que le feu couve au sein de la mouvance. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, la mouvance présidentielle ne sert pas ici à défendre le Chef de l’Etat en cas de coup dur. En un moment aussi crucial de son mandat où il a posé des actes d’une rare témérité pour un Président béninois en ouvrant un dossier où il sait son régime en porte-à-faux, il était en droit de bénéficier du soutien franc et massif de toute la mouvance parlementaire. Au contraire, c’est de son propre camp qu’on lui demande de faire sortir les autres dossiers présumés scandaleux.
Ce qui arrive à Boni Yayi c’est donc cette conjugaison des malheurs à la fois au plan social et au plan politique. Les rares soutiens dont il pourra bénéficier dans ces conditions seront de simples proclamations verbales offertes au cours des marches et dont la sincérité n’a jamais dépassé le seuil des agitations de rue.

Olivier Djidénou

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