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Le triomphe de la vérité

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Santé publique au Bénin: L’alimentation de rue, source de nos maladies


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L’alimentation de rue est une réalité sociale du Bénin. Cependant, l’absence de conditions hygiéniques dans la mise sur le marché de ces denrées alimentaires constitue une menace pour la santé des populations. Et les maladies d’origine alimentaire dont souffrent plusieurs patients béninois en font foi.

Assis sur sa moto au carrefour Cica-Toyota de Cotonou, Sylvestre Gbèmanvo savoure à pleine gorgée, le sourire aux coins des lèvres, le plat de riz qui vient de lui être servi. Car depuis son départ de la maison aux environs de quatre heures du matin, son activité de conducteur de taxi moto, n’a pas encore permis à cet homme d’une trentaine d’année de répondre aux besoins de son estomac. « Sans toi, j’allais mourir de faim», plaisante t-il à l’endroit de la vendeuse ambulante, le front moite de sueur qui s’attelle à repousser les mouches en concert autour de ses marchandises.
A l’instar de cet homme, des millions de béninois ont recours de façon occasionnelle ou quotidienne à l’alimentation de rue pour se nourrir. « Depuis que je travaille ici, j’ai toujours pris mon repas de la journée dans les maquis ou autres lieux de vente aux alentours de mon service sans jamais savoir à Cotonou dans quelles conditions sa préparation se fait», explique Prosper Sènou, un jeune agent de sécurité exerçant à Cotonou,  la capitale économique. Comme pour ces derniers, les aliments vendus sur les voies publiques représentent une part importante de la consommation alimentaire urbaine des béninois. Ainsi, des établissements aux marchés en passant par les gares routières, les stades de football, les lieux de spectacles… le recours journalier aux aliments et boissons prêts à consommer préparés et/ou vendus par des vendeurs ambulants constitue une réalité pour satisfaire l’un des besoins reconnus comme fondamentaux de l’homme, se nourrir.

Un phénomène aux sources multiples
Vivants pour leur grande majorité sans revenus ou avec des revenus faibles ou moyens, les béninois évoquent leur faible pouvoir d’achat comme la principale des raisons justifiant pour expliquer leur penchant pour les restaurants en bordure des voies publiques. Pour eux, ils constituent un moyen de s’adapter aux exigences de la vie moderne en ayant accès à des repas prêts à consommer en fonction de leurs revenus et pouvoir d’achat.
En effet, pour un grand nombre de ces personnes aux ressources limitées, les aliments de rue sont souvent le moyen le moins coûteux et le plus accessible pour obtenir, notamment dans les zones urbaines, un plat équilibré au plan nutritionnel hors de la maison. « Avec ce que je gagne comme revenu¸ je ne peux pas me permettre d’aller dans un grand restaurant où la nourriture coûte chère », dixit Dame Rosine T. secrétaire dans une société privée à Fifadji, cuillère en mains devant son plat « d’Agbéli » (Ndlr : Nourriture locale béninoise). Le phénomène se développe aussi parce qu’il joue un rôle socio-économique considérable aussi bien pour les vendeurs que pour les consommateurs, les travailleurs des secteurs formel et informel, étudiants et élèves  qui  passent en effet la journée à leurs lieux de travail et ne rentrent à domicile que le soir.
Les fondements de l’alimentation de rue sont de ce fait l’urbanisation rapide, les multiples contraintes quotidiennes, la création des pôles de développement industriel et la ville qui est obligée de nourrir un grand nombre de travailleurs loin de leur domicile. Ainsi, dans les grandes villes du pays, l’alimentation de rue s’explique par la distance, bien longue souvent, qui sépare les lieux de travail des habitations des travailleurs.  « Moi, je suis obligé de me contenter de ce qu’il y a au bord des voies parce que j’habite à Akassato alors que je suis ouvrier au Port autonome de Cotonou, soit à plus d’une vingtaine de kilomètres. Je préfère donc prendre quelque chose n’importe où aux heures de pause et bien manger le soir quand je serai à la maison », explique Félicien Sohoun, docker au port. L’alimentation de rue trouve aussi un terrain fertile dans la forte démographie observée au Bénin. En effet, avec l’accroissement de la demande qui découle de l’explosion démographique, l’offre d’aliments ne répond plus aux attentes. Dès lors, les restaurants de rue sont mis en place surtout pour satisfaire la demande de populations pauvres dont le nombre s’accroît sans cesse du fait de l’exode rural et de la dégradation de la situation de l’emploi dans les villes. S’il est indéniable que l’alimentation de rue joue un rôle socio-économique important en ce qu’il s’agit d’une activité économique à faible niveau d’investissement qui est prépondérante en milieu urbain et absorbe une part importante de la production locale d’aliments et constitue une source considérable d’emplois, ce secteur pose cependant d’importants problèmes nutritionnels, sanitaires et environnementaux qui sont de nature à compromettre la sécurité alimentaire des populations.

Dr Henriette Koura, Directrice de l’Hygiène et de l’assainissement de base (Dhab) au Ministère de la Santé

Dr Henriette Koura, Directrice de l’Hygiène et de l’assainissement de base (Dhab) au Ministère de la Santé

Alimentation de rue ou santé en péril

Denrée appartenant au groupe «des aliments et des boissons prêts à être consommés, préparés ou vendus par des vendeurs et des marchands installés souvent dans les rues et autres lieux publics» selon l’Organisation Mondiale de la Santé (Oms), l’alimentation de rue constitue à bien des égards un danger pour la santé humaine. En effet, des recherches menées par la Faculté des Sciences Agronomiques (Fsa) de l’Université d’Abomey-Calavi dans ce domaine dans différentes localités du pays ont révélé que l’alimentation de rue fait apparaître de graves problèmes d’hygiène et d’insalubrité inhérents à l’inobservation des règles élémentaires d’hygiène dans la préparation, la vente et la consommation des aliments vendus. Ainsi, le manque d’hygiène affecte la vente de nombreux aliments de rue tels que les poissons, les viandes de boucherie et de volaille, les produits maraîchers, les farines de céréales, les rôtis de porcs, les aliments vendus à côté des latrines publiques mal entretenues et ou dans un environnement insalubre. Ainsi, selon le Dr Henriette Koura, Directrice de l’Hygiène et de l’assainissement de base (Dhab) au Ministère de la Santé, « Les conditions de vente d’aliments cuits favorisent la prolifération des maladies d’origine alimentaire ».
Ainsi, la recrudescence des restaurants de rue peut devenir une véritable menace pour la santé publique en raison du laxisme des autorités dans le processus de contrôle de ces sites qui foulent aux pas les règles de l’hygiène alimentaire.  En attestent des manquements à ces dernières durant les préparations avec l’utilisation d’eau non potable sous forme de boissons diverses ou sous forme de glaçon, de vaisselle impropre ou insuffisamment nettoyée, l’utilisation de matières premières et ingrédients de mauvaises qualités…qui exposent les consommateurs à plusieurs maladies d’origine alimentaire telles que la diarrhée, le choléra, la fièvre entérique (typhoïde), les maladies de peau, l’intoxication alimentaire, les vers intestinaux etc. Les contaminations liées à la préparation et à la vente des aliments dans un environnement précaire (voisinage avec les égouts et les tas d’ordures) font aussi l’objet des inquiétudes du Représentant Résident de l’Oms au Bénin, Dr Raphaël Akpa Gbary. Car, dira t-il lors de la célébration de la 2ème journée nationale de l’Hygiène et de l’Assainissement célébrée le 15 avril 2009 placée sous le thème « Protégeons les aliments pour préserver la santé », « Les épidémies de choléra que le pays (Bénin) a connu en 2008 ont été pour la plupart provoquées par des aliments contaminés. Et les maladies diarrhéiques occupent le 3ème rang sur la liste des motifs de consultation dans nos formations sanitaires ». A l’instar de nombreux pays sous-développés, les investissements réalisés pour le contrôle de la qualité des aliments de rue au Bénin demeurent encore faibles alors que les problèmes de santé que pose ce secteur constituent une énorme charge sociale et économique pour le pays avec des conséquences directes sur la productivité et sur le fonctionnement des formations sanitaires.
D’ailleurs, les cas d’intoxication alimentaire intervenus à Dassa-Zoumé, Parakou, Toviklin…ces dernières années témoignent de l’ampleur du danger. Ces cas de contaminations, imputables aux mauvaises pratiques hygiéniques depuis la préparation jusqu’à la consommation des aliments, à la substitutions par des vendeurs des ingrédients de qualité passable ou bon marché à des ingrédients coûteux, l’utilisation des additifs alimentaires interdits, l’usage courant des emballages de fortune (papiers de sacs de ciment, papiers de journaux conservés dans des endroits douteux, de matériaux biodégradables pour emballer les aliments en lieu et place des sacs de polythène actuellement utilisés, la qualité hygiénique de l’eau servant aux multiples manipulations des aliments, à la vaisselle et à la boisson non garantie…ont coûté la vie à de nombreuses personnes et laissé de graves séquelles à d’autres qui ont été épargnées.

Préserver sa santé par des aliments protégés
Face aux dangers encourus par les populations dans le recours à l’alimentation de rue, « Les consommateurs et les vendeurs doivent prendre conscience afin d’éviter le pire car chacun doit se sentir concerné d’abord par sa propre santé », préconise le Dr Henriette Koura. Dans cette perspective, poursuit-elle, « La Direction de l’Hygiène et de l’Assainissement de Base (Dahb) oeuvre à la formation et au recyclage des vendeurs en vue de les aider à améliorer leurs pratiques et attitudes en matière d’hygiène alimentaire, au renforcement du contrôle de la salubrité et de la qualité des aliments, à la promotion de l’éducation d’hygiène dans le système scolaire grâce, entre autres, à la sensibilisation des directeurs d’écoles sur la question, mène des campagnes de sensibilisation de longue durée sur les notions d’hygiène à l’endroit des vendeurs et consommateurs aussi bien dans les écoles, les formations sanitaires, les lieux publics… promeut les bonnes pratiques de fabrication et informe les détaillants et les consommateurs sur la bonne manière de manipuler les aliments, éduque les consommateurs et forme les personnes chargées de manipuler les aliments et  les responsables des associations de consommateurs à l’hygiène alimentaire, mène des actions de contrôle et de répression contre ceux qui vendraient des aliments impropres à la consommation à travers des visites inopinées de la Police sanitaire sur les marchés et les lieux de vente d’aliments, milite pour une meilleure organisation du secteur, compte tenu de son importance (source d’emploi et de revenu, gain de temps et alimentation à frais modéré)…Ces différentes actions s’avèrent nécessaires pour la préservation de la santé des populations selon Serge O. Eteka, Président de l’Ong Action Vitale Scolaire qui s’emploie à former les vendeuses des établissements scolaires sur les notions d’hygiène alimentaire et d’assainissement. Car selon lui, « Tout produit alimentaire peut constituer un danger pour le consommateur si la préparation, le conditionnement et la distribution ne respectent pas les normes alimentaires d’hygiène et de santé publique». Fort de cette réalité, « La lutte pour la sécurité alimentaire et la salubrité des aliments doit donc être menée de concert par l’ensemble des acteurs qui sont les consommateurs, les producteurs, les vendeurs d’aliments, les organismes chargés d’élaborer et d’appliquer la réglementation et l’Etat », conclut-il. D’autant plus que la santé de tous et de chacun en dépend.
dossier réalisé par Jean-Claude D. DOSSA

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