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Les cartes de recharge, dérivés des Gsm, constituent aujourd’hui dans de nombreux pays africains de véritables polluants de l’environnement qui, tendent même à ravir la vedette en la matière aux sachets et autres objets en plastique.
Ce matin, le campus universitaire d’Abomey-Calavi à environ 12 kilomètres au Nord de Cotonou, la capitale économique du Bénin connaît un regain d’affluence. Il s’en va être dix heures ce lundi 21 avril 2008. Devant le kiosque «Chez Hajouk» dans l’enceinte du campus, c’est un monde fou. Deux jeunes étudiants, Martial Hounkpè et Maxime Sossou, en année de Licence en Géographie demande à acheter des cartes de recharge de 1000 FCFA du réseau Gsm Bell Bénin Communication (BBCom). «Vendez-moi deux Bell Bénin de 1000 FCFA», lance Maxime en tendant au vendeur un billet de 2000 FCFA froissé. Celui-ci décroche contre le mur un rouleau de cartes de recharge de couleur bleu ciel, en déchire deux et le tend à Maxime après avoir pris son argent. Les deux étudiants pressés d’émettre des appels tournent le dos au vendeur. Ils se partagent les deux cartes de recharge. Ils les sortent de leur enveloppe en sachet fin qu’ils jettent par terre. Ils font deux pas en avant et s’arrêtent sous un arbre pour se protéger des rayons incisifs du soleil. À l’aide de pièces de 10 FCFA, ils grattent chacun presque simultanément la zone grise et introduisent le code de recharge dans leurs téléphones portables respectifs en suivant scrupuleusement les instructions contenues sur les cartes. Ils accolent ensuite le portable à l’oreille pour écouter le message du serveur de l’opérateur Gsm afin de s’assurer de la réussite de l’opération. «Mon frère, c’est bon. Mon compte est crédité et valable jusqu’au 15 septembre 2007», déclare très satisfait Martial. «Le mien est aussi valable jusqu’au 28 septembre», répond Maxime visiblement aussi content qui tente en vain sur place d’appeler une amie d’amphithétre. Conscient du tort qu’ils faisaient à leur environnement d’étude, ils jettent également les cartes de recharge usagées par terre et disparaissent. Ce comportement de Maxime et Martial s’observe souvent à Cotonou, dans les villes secondaires du Bénin et également dans de nombreuses villes de l’Afrique de l’ouest où la téléphonie mobile a conquit son droit de cité et règne en maître dans la vie active et professionnelle des populations depuis quelques années. Très souvent, on voit des personnes qui après avoir rechargé leur téléphone portable, jettent simplement les cartes de recharge par terre.
Jeunes et adultes, élèves et étudiants, conducteurs de taxi et fonctionnaires de l’Etat ou du secteur privé polluent chaque jour avec milliers de cartes de recharge déjà utilisées les artères des grandes villes Ouest-africaines comme Cotonou, Lomé, Lagos, Abidjan, pour ne citer que celles-là. Aujourd’hui force est de constater le degré de pollution de certaines villes africaines par les cartes de recharge usagées de différents réseaux Gsm ( Moov Bénin, Glo, Télécel, Tigo, Mtn, Togocel, Celtel). Jacques Dossou, balayeur de rue à Cotonou confie : «De plus en plus, nous balayons beaucoup de cartes de recharge utilisées qui nous causent parfois beaucoup de difficultés. Elles s’accolent au sol et il faut se servir souvent de la main pour les enlever». «Dans les ordures que nous traitons sur nos sites, nous trouvons beaucoup de cartes de recharge usagées dedans», renchérit Pierre Anoukpèvi, ramasseur d’ordures ménagères au sein de «Equinoxe Ville Propre», une structure de collecte des déchets solides ménagers à Cotonou. Même son de cloche chez Isaac Aballo, ramasseur d’ordures ménagères à Lomé : «Nous trouvons aujourd’hui beaucoup de cartes de recharge usagés dans les ordures ménagères que nous ramassons». Dans certaines villes comme Accra au Ghana et Lagos au Nigeria il existe des poubelles publiques que les populations n’utilisent pas souvent pour y jeter des objets usagers tels les cartes de recharge. «We have in may country bins where we can put cards used. But many poeple doesn’t use them and some times they put cards on the floor.Their acth undoubtedly contributes to environmental pollution by these objects», said Sam Ogninilé, teacher in Lagos.
Pas biodégradables
Le véritable problème est que les cartes de recharge vendues par les réseaux de téléphonie mobile en Afrique, pour la plupart, ne sont pas biodégradables comme les sachets. Elles sont fabriquées avec des matières résistantes (papier carton glacé, plastique), ce qui fait d’ailleurs qu’elles ne sont pas facilement putrescibles et biodégradables. «Après les sachets, les cartes de recharge usagées constituent le second polluant de nos villes», témoigne M. Raoul Chabi, Secrétaire général de la Coordination des ONG de gestion des déchets solides ménagers et de l’assainissement (Cogeda) à Cotonou. Il ajoute : «Nous ne disposons pas des poubelles publiques pour que quand les gens finissent d’utiliser les cartes de recharge, ils les jettent dedans où qu’ils se trouvent dans la ville. A défaut donc, ils se contentent de les jeter par terre sachant consciemment ou inconsciemment qu’ils font du tort à l’environnement». Le comble est que l’enfouissement de ces dérivés des Gsm peut empêcher l’infiltration rapide des eaux de ruissellement et contribuer, en général, à la dégradation du sol. En réalité, les cartes de recharge fabriquées avec du papier simple se détruisent rapidement et peuvent être facilement recyclées. En cela, le Chef de l’Etat béninois, le Dr Boni Yayi a vu juste en déclarant sur la chaîne de télévision nationale (Ortb-Tv) il y a quelques mois qu’il faut désormais que les opérateurs Gsm (quatre opérateurs Gsm actuellement au Bénin) fabriquent des cartes de recharge en papier simple afin de ne plus contribuer à trop polluer l’environnement par des matières imputrescibles. Ce que le réseau national de téléphonie mobile au Bénin Libercom a commencé par expérimenter en mettant à la disposition de ses abonnées et de sa clientèle des cartes de recharge en papier de différents prix. C’est aussi le cas depuis quelques temps de Mtn dans les différents pays africains où ce réseau est installé et opérationnel. Mtn propose depuis quelque temps à ses abonnés africains (notemment au Benin, Ghana, Côte d’Ivoire, Nigeria…) des recharges de différents montants (100, 200 et 500 FCFA au Bénin par exemple) sur du papier fin, mais continue par vendre des recharges fabriquées avec une matière résistantes voire non biodégradables. Mais les cartes de recharge en papier constituent-elles une solution définitive? Non, répondent les spécialistes des technologies de l’information et de la communication (Tic).
Selon Alain Capo-Chichi, expert béninois en Tic, le transfert de crédit est également une solution pour éviter la pollution de l’environnement par les cartes de recharge en papier et/ou en matière plastique. D’après ses explications, on peut se faire créditer son compte simplement par Sms. Une technique actuellement qui marche bien dans de nombreux pays africains. «Depuis que le transfert de crédit est possible, je n’achète plus les cartes de recharge à gratter. Je préfère le transfert de crédit parce que c’est plus simple et on ne perd pas le temps. Il suffit de remettre l’argent et votre numéro de téléphone et on vous envoie rapidement le crédit correspondant au montant que vous voulez», témoigne Alfred Idohou, logisticien. Mais ce n’est pas tout. Il existe également d’autres nouvelles technologies qui peuvent être utilisées afin d’éviter l’utilisation des matières plastiques et du papier dans la fabrication et la consommation des cartes de recharge. Il s’agit des terminaux mobiles. «On a le CDMA. On peut avoir des terminaux mobiles si on veut éviter le papier», conclu Mme Noëlie Kouendé, Directrice générale des Technologies de l’information et de la communication au ministère béninois en charge des Tic.
Christophe D. ASSOGBA
Un excellent article.