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Le triomphe de la vérité

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Interview exclusive avec Théodore Holo juste après sa réélection:« La loi organique sur la Haute Cour de Justice doit être revue »


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Théodore Holo, « Il appartient au parlement en toute souveraineté de décider ou non de la mise en accusation.»

Le professeur Théodore Holo, après sa réélection à l’unanimité à la tête de la Haute Cour de Justice, nous confie à travers cet entretien, ses impressions et réitère son engagement à relever les défis de l’institution. Il indique ainsi que son institution a besoin d’une nouvelle loi pour accomplir efficacement sa mission.

L’Evènement Précis : Vous êtes réélu à l’issue de cette élection. Vos impressions ?

Théodore Holo : Vous savez nous avons procédé au renouvellement du président de la Haute Cour de Justice. Il s’est fait qu’avec l’accord de mes pairs juges, je me suis retrouvé seul candidat. J’ai été réélu à l’unanimité des membres présents et représenté qui a laissé sa procuration. J’ai obtenu 13 Voix sur 13. Je voudrais me réjouir de cette marque de confiance que me témoignent mes collègues et aussi de la solidarité qu’ils manifestes ici.

Ce vote est l’expression de l’harmonie et de la convivialité qui ont marqué la vie de la précédente mandature. Je souhaite que le même esprit demeure. Dans la mesure où nous aurons des défis importants à relever puisque notre mission est de lutter comme le souhaite le Chef de l’Etat contre l’impunité. Nous devons travailler ensemble pour avoir les moyens légaux et matériels qui nous permettent d’assumer cette mission. Nous ne pouvons réussir cela que si la solidarité est préservée. Je souhaite que la confiance ainsi placée en moi ne soit point déçue.

De quels défis parlez-vous à l’entame de cette confiance renouvelée ?

Les défis qui sont les nôtres, vous les connaissez. De façon permanente, nous avons eu à faire un certain nombre de séminaires. Nous avons observé qu’il y a quelques difficultés à mettre en œuvre la mission de la Haute Cour de Justice. Vous savez très bien que la Haute Cour de Justice est une usine de traitement qui ne peut fonctionner qu’en recevant la matière première du Parlement. D’abord la décision de poursuite et la décision de mise en accusation.

Si l’Assemblée ne décide pas de poursuivre un gouvernant, notre Cour de Justice ne peut rien faire. Lorsque la décision est prise, il faut procéder à la phase de l’instruction. A la fin de cette phase la décision est renvoyée à l’Assemblée qui peut décider ou non de la mise en accusation. C’est quand la mise en accusation intervient que la Haute Cour de Justice peut siéger en tant que formation de jugement.

Est ce qu’il est toujours bon que les conditions de poursuite soient aussi difficiles à mettre en œuvre ?

C’est une réflexion qui est ouverte. Dans certains pays, il est évident qu’on ne fait plus la même situation au président de la République et aux ministres.Je dois rappeler que juger un gouvernant n’est pas une tâche aisée même dans les grandes démocraties. Quand vous observez les grandes juridictions : la Cour internationale de Justice, la Cour pénale Internationale, la philosophie n’est pas identique. Au niveau de la Cour pénale internationale, il est dit que votre statut de gouvernant ne vous exonère pas responsabilité.

 Vous pouvez donc être jugé. La Cour internationale de Justice dit le contraire avec l’arrêt Irodia en disant que quand vous êtes en fonction, vous bénéficiez d’une immunité fonctionnelle. Vous ne pouvez pas être jugé. C’est ainsi que devant la CEJ, les plaintes portées contre Gbagbo, ni contre Ariel Sharon n’ont pu prospérer.

Vous voyez qu’au niveau de la justice internationale, on essaie de juger les Chefs d’Etat mais souvent les Chefs d’Etat qui sont en fin de mandat. Vous avez eu le cas Pinochet. Ça n’a pas prospéré. Vous avez Charles Taylor, Milosevic de la Yougoslavie pour ce qui concerne le tribunal pénal international de l’ex- Yougoslavie. Le seul cas de président mis en accusation par la CPI contre lequel un mandat international a été lancé, c’est naturellement le président El Béchir. Sinon ce n’est que la justice des vainqueurs. Saddam Hussein a été jugé par les siens.

Gbagbo et Hissène Habré seront peut être jugés mais en tant qu’anciens présidents. Vous voyez comment c’est difficile la mise en œuvre de la procédure ? Même pour le cas des Etats unis, le système des impeachment n’a pas fonctionné. Le seul cas où il y a eu mise en accusation c’était en 1968 avec le président Johnson qui a été acquitté. En 1974, il y a eu une menace impeachment contre le président Nixon avec Watergate. Il a du démissionner. Vous savez que le président Clinton n’est pas mis en accusation faute de majorité. Par conséquent, ce n’est pas toujours facile de poursuivre un gouvernant en fonction. Vous avez aussi la situation de Berlusconi quand il était premier ministre.

 Avec ses frasques, fallait-il le poursuivre ou pas. La Cour constitutionnelle a dit qu’il doit être poursuivi, le Parlement estime qu’il bénéficie de l’immunité fonctionnelle. En France, je raconte toujours deux épisodes : en 1981 quand Giscard n’était plus président, le Parlement avait pensé le poursuivre. Il a écrit au président Mitterrand (paix à son âme) pour demander s’il est de tradition qu’un ex président réponde de ses actes devant le Parlement parce qu’on lui reprochait le scandale des diamants et des avions renifleurs. Mitterrand a écrit à l’Assemblée qu’on arrête la procédure. Ce qui a été fait.

 Avec Chirac, il y a deux décisions. Les juridictions françaises d’abord celle du Conseil constitutionnel en janvier 1999 et ensuite la décision de la Cour de cassation en Octobre 2001 pour dire que le président bénéficie d’une protection juridiction pendant qu’il est en fonction. Même pour les actes qu’il a commis avant d’entrer en fonction. Il ne peut en répondre qu’après un mois de sa sortie en charge. C’est ce qui a fait que ce n’est qu’en 2007 que l’affaire de Paris a rattrapé le président Chirac. Les français ont dissocié les deux procédures.

Ils ont gardé la Haute Cour avec la décision de poursuite et de mise en accusation par le Parlement et ils ont créé à partir de la reforme de 1993, la Cour de la république pour les ministres qui peut être saisie sur plainte. Or vous savez que depuis 1993 cette cour n’a jugé que 6 ou 8 ministres, avec l’affaire du sang contamine ? Pasqua, Gilbert Christian … c’est pour vous montrer que la tendance est d’éviter un harcèlement juridique aux gouvernants. Mais il faut éviter l’impunité. Voilà pourquoi dans certains pays on estime que lorsque le gouvernant finit son mandat, il devient simple citoyen.

Il peut répondre des actes qu’il a commis et qui doivent être sanctionnés au haut niveau au plan pénal. Nous aussi nous sommes dans cette difficulté mais il y a la volonté de lutter contre l’impunité parce que l’impunité peut être préjudiciable à la paix sociale et à la démocratie. Notre mission est de travailler pour créer les conditions pour que nos compatriotes n’aient pas l’impression qu’il y a une impunité des gouvernants. Cette impunité doit s’accommoder avec l’impunité fonctionnelle qui leur est nécessaire pour réussir leur mandat.

Qu’attendez-vous concrètement des honorables députés?

Il y a plusieurs choses dont la loi organique de la Haute Cour de Justice, qui doit être revue. C’est en cours. Vous savez aussi que l’Assemblée nationale a décidé de la poursuite du ministre Adihou. Il y a eu une instruction qui a été faite. Le rapport est transmis. Il appartient au parlement en toute souveraineté de décider ou non de la mise en accusation. Il ne m’appartient pas en tant que Haute Cour de justice de dire qu’il faut mettre en accusation ou non. Je n’ai pas le droit de prendre parti. J’attends l’Assemblée. Si elle estime que les conditions sont réunies de mettre en œuvre la procédure qui permet à la Haute Cour de Justice d’être fonctionnelle.

Dans le cadre de la réforme constitutionnelle en vue, quelle piste stratégique proposz-vous pour lever les goulots d’étranglement qui vous bloquent ?

Je vous ai dit qu’il y a eu plusieurs séminaires d’abord avant nous et avec nous pour réfléchir sur ces goulots d’étranglement. J’ai fini encore un séminaire la semaine dernière à Agoué sur la question. Ces réflexions ont fait l’objet d’une proposition de modification de la loi organique et de la constitution.

Ces textes ont été transmis à l’Assemblée nationale et au Gouvernement. J’espère que la procédure suivra son cours. Nous ne pouvons pas faire autre chose que celle-là. Nous sommes liés par le respect de notre Constitution. Or la constitution dit que la décision de poursuivre un gouvernant, est prise à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée. Et l’instruction se fait par la chambre d’instruction de la Haute Cour de justice qui est en même temps la chambre d’instruction de la cour d’appel de Cotonou.

 Le président de la Haute Cour de Justice n’est pas informé du contenu de ce rapport. Ce rapport transmis à l’Assemblée nationale qui à son tour se réunit pour décider à la majorité des 2/3 de mettre ou de ne pas mettre en accusation la personne pour laquelle on a instruit un dossier. L’Assemblée est souveraine. Il n’appartient pas à la Haute Cour de Justice de s’immiscer dans le fonctionnement du parlement pour donner des injonctions au parlementaires. Je ne peux qu’attendre en toute liberté que le Parlement exerce ses prérogatives.

Propos recueillis par

Hugues E. PATINVOH

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