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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Moudassirou Bachabi, SG/ CGTB: « Les lois sur l’embauche et les collaborateurs externes ne sont pas à l’avantage des travailleurs »


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Le vote des deux lois  sur lSG CGTB Bachabi’embauche et le recrutement de collaborateurs extérieurs par l’Assemblée nationale continue de susciter des remous dans le rang des responsables syndicaux. C’est le cas du secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), MoudassirouBachabi. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il a expliqué l’inopportunité des deux textes. Il estime qu’au-delà de ce que pense le gouvernement, ces lois ne sont en rien élaborées pour le bonheur des travailleurs. Aussi pense-t-il, qu’elles doivent être purement et simplement retirées, afin d’éviter la colère des organisations syndicales qui pourraient,par cette occasion, engager des mouvements pour paralyser l’administration publique. Par la même occasion, le syndicaliste s’est prononcé sur la sortie médiatique du Chef de l’Etat, le samedi dernier, après le rejet du projet de révision de la constitution par les députés. Pour lui, le Chef de l’Etat doit revoir sa carte et écouter le peuple.

L’EVENEMENT PRECIS : Commençons cet entretien par l’actualité politique. Quelle lecturefaites-vousde l’intervention du Chef de l’Etat, samedi dernier ?

MoudassirouBachabi : Je crois qu’il n’y pas de lecture particulière à faire. Le Chef de l’Etat s’est engagé à faire un certain nombre de choses à la tête du pays. Il a dit être prêt et a les moyens de faire aboutir ses promesses. En son temps, on lui disait qu’il y a des promesses qu’il peut conduire seul, dans le même temps, il y a d’autres qui nécessitent une large participation. En ce qui concerne le projet de révision de constitution, je crois que, son gouvernement et lui, se sont mal pris, parcequ’ils en ont fait un défi personnel, estimant que c’est à eux de donner à la constitution le contenu. Ils ont oublié que nous sommes dans un pays démocratique. Quoi qu’on dise, le verdict des représentants du peuple n’a pas raté. C’est au prix  de plusieurs pressions que les députés ont été obligés de descendre à la base pour écouter. Sinon quand ils ont reçu le projet, aucun d’eux n’était descendu. Maintenant que les tensions ont commencé par monter, c’est arrivé.C’est dommage qu’on ne puisse pas faire les choses comme cela était attendu du peuple. Maintenant, si le Chef de l’Etat a décidé de renoncer au projet, il est le seul responsable, puisque c’est lui qui a promis. Si par la suite, il refuse, on ne peut que prendre acte. Notre souhait est qu’il ne recule pas sur tous les autres chantiers, parcequ’il faut donner le meilleur au pays. C’est dommage que le premier combat s’achève de cette façon. Mais, nous gardons le cap de la lutte. A notre niveau, il y a un certain nombre de  dispositions auxquelles nous allons inviter le Chef de l’Etat à renoncer également. Je veux parler de la loi sur les collaborateurs extérieurs et la loisur l’embauche.

Justement, nous avons entendu la CSA-Bénin exposer une analyse technique de la situation, mais cela n’a pas effrayé le gouvernement qui a passé les textes au vote.Quelle est la position de la Cgtb ?

Ce sont des textes qui aujourd’hui fâchent et malgré ce qu’on nous a expliqué, je crois que ces textes ne doivent pas être appliqués.

Le gouvernement a promis vous rappeler pour une étude du code de travail. Où en sommes-nous dans cette promesse ?

De toutes les façons, c’est le jeudi qu’on ouvre les discussions avec le gouvernement et nous espérons qu’ils auront l’écoute qu’il faut pour comprendre que le contexte béninois ne peut pas devenir un champ d’expérimentation de mesures qu’on aurait utilisées ailleurs. Nous, on a une réalité qui n’est pas comparable aux réalités auxquelles ils sont en train d’emprunter les dits textes. S’ils entendent raison, tant mieux. Mais dans le cas contraire, en bon démocrate, on a les voies de recours légales, y compris les actions syndicales. Au moment opportun, nous aviserons.

Le gouvernement estime que c’est à l’avantage  des travailleurs que ces lois sont votées.

Aujourd’hui, c’est trop facile. On nous a aussi dit ici que le texte de la constitution était à l’avantage du peuple, et pourtant les représentants du peuple n’ont pas vu cela de cette façon. Nous, quand nous regardons un peu ces textes, ce n’est pas à l’avantage des travailleurs.

Expliquez-nous

Si vous prenez la loi sur l’embauche, il est dit dans ce texte que le contrat àdurée déterminée est renouvelable ‘’ n’’ fois, c’est-à-dire,  à vie. Cela suppose que le travailleur qui est recruté sur la base d’un contrat de ce genre est dans une position de stress, parce qu’à chaque fin d’année, on peut le remercier. En début d’année, il  attend que son employeur lui renouvelle son contrat. Dans une condition comme celle-là, il est évident que si c’est le contrat à durée déterminée qui est reconduit, il n’a aucune perspective de carrière. Et s’il n’a pas cela, le travailleur ne peut faire aucune revendication, car à tout moment, il est obligé de se contenir pour espérer un renouvellement de son contrat. Il ne peut pas demander le renouvellement de son contrat. Il se peut que ce seul contrat renouvelé vous faire maintenir votre salaire fixe. Si vous rentrez là avec 10.000 fcfa comme salaire, vous avez toutes les chances de conserver cela pendant 40 ans, puisque c’est le mêmecontrat qui est renouvelable.  A partir du moment où, en le renouvelant, on ne tient pas compte des paramètres, on va rendre les agentsesclaves du capital financier. Et cela pose un problème. Ça réduit également la base de sécurité sociale pour ceux ayant déjà travaillé pendant des années et qui attendent les actifs cotisés en leur faveur. Ils ne disent pas que c’est pour eux, mais que cela va faciliter le recrutement des jeunes. Si c’est le cas, il va falloir que les gens aient besoin des compétences des jeunes qu’il y a sur le terrain. Or, notre problème au Bénin n’est pas celui de l’emploi. C’est plutôt  que le marché de l’emploi offre des opportunités  que les jeunes n’arrivent pas à saisir parce qu’ils n’ont pas le profil requis. Donc si vous allez dans les structures, on vous dira qu’il y a du travail mais personne pour prendre ;On se rendra compte que notre service éducatif ne produit pas des offreurs de service, mais rien que des demandeurs d’emploi. C’est là le vrai problème. C’est pour celaque cette loi ne profite en rien aux jeunes béninois.

Et la seconde loi sur les collaborateurs externes. Que lui reprochez-vous ?

D’abord, cette loi ne précise pas la nationalité des personnes à faire venir. Cela suppose qu’à tout moment, ils peuvent descendre du continent qu’ils veulent. Cela fait la promotion d’un corps parallèle de fonctionnaires. Et donc, nous aurons des  fonctionnaires quisont régis par un statut qui n’est pas maîtrisé puisque c’est en fonction du contrat qu’on fixe leursconditions de travail et donc de rémunération. Et puisque liés par un contrat, ils ne revendiqueront rien à l’Etat. Nous aurons alors une catégorie de fonctionnaires dans l’administration qu’on peut à tout moment remplacer puisque la loi parle  de l’intérim et d’emploi également. Ces collaborateurs externes accéderont à tous les emplois publics sauf dans le domaine de la sécurité. Et en même temps quand il y a un fonctionnaire de l’Etat indisposé ou qui abandonne son poste pour une raison ou une autre, parce qu’il revendique quelque chose qu’on ne lui donne pas, on mettra quelqu’un d’autre à sa place. Autrement dit, tous les acquis sociaux seront remis en cause. Iln’y aura plus de droit de grève dans l’administration, la possibilité de négocier de  meilleures conditions de travail parce qu’il y a d’autres là pour faire ce que vous refusez pour raison revendicative. On se retrouvera dans un gel de recrutement. Parce que ce mode de recours à des compétences  à l’administration est plus aisé, puisque ça ne soumet personne à un concours. Donc le principe de l’équité d’accès de tous les citoyens à l’emploi public est rompu. Et donc, on pourra  faire appel à des courtisans qui viendront briser le secret de l’administration. On assiste à une désintégration de notre administration, et à la remise en cause de tous les acquis sociaux. C’est vrai qu’on veut moderniser notre administration et faire en sorte qu’elle devienne une administration de développement. Mais on n’a pas dit qu’il faut remplacer les fonctionnaires dans le statut qu’on ne leur connait pas, un corps parallèle qui pourra à tout moment se substituer à ceux qui ont accédé à l’emploi public par des voies normales. On veut légaliser les collaborateurs externes mais on  ne nous dit pas comment est-cequ’on permet à tous les Béninois d’accéder  de façon équitable à ce statut-là. Et pour ça,il faut remettre cela en cause.

Propos recueillis par Emmanuel GBETO

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