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Le triomphe de la vérité

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Débrayage dans le secteur de la santé: « C’est un crime contre les malades », dixit Adrien Hounsa


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Président de Gasvie ONG, Adrien HounsaEn janvier dernier, l’ONG Groupe d’action pour la santé et la vie (ONG Gasvie-Bénin) a adressé une lettre à plusieurs personnalités au sujet des mouvements de grève dans le secteur santé au Bénin. Trois mois après, le président de Gasvie ONG revient sur cette démarche dont il explique les raisons, et fait des suggestions pour une autre gestion des mouvements de grève dans le secteur.

L’Evénement Précis : Vous avez adressé en janvier dernier une « lettre d’alerte » à un certain nombre de personnalités sur la grève dans le secteur de la santé. Qu’est-ce qui explique cette démarche?    

Adrien Hounsa : « Cette lettre est le fruit d’une réflexion que nous avons eue au niveau de l’ONG au sujet des malades qui meurent massivement en cas de grève. Nous avons réfléchi et cherché à savoir les raisons pour lesquelles les agents de santé se mettent en grève, pourquoi au Bénin la grève est devenue la nouvelle maladie qui tue massivement, et pourquoi on traîne les pas. Nous avons réfléchi à cette problématique et nous nous sommes dit qu’il fallait que nous nous adressions à une masse importante de ceux qui ont la gouverne de ce pays, afin que ces personnes, une fois sensibilisées, puissent changer le cours habituel des choses et faire quelque chose. Nous l’avons fait parce que nous avons compris qu’il faut régler le problème globalement et non de façon isolée. Ecrire au seul ministre de la santé n’est pas suffisant ; la preuve,  lorsque les médecins en spécialisation ont revendiqué la dernière fois, il a fallu l’intervention de la présidence pour essayer de trouver des solutions. Notre lettre est une lettre d’exhortation pour que chacun, au niveau qui est le sien, ne lambine plus, surtout lorsqu’il s’agit de la santé ».

Qui avez-vous ciblé ?
« La lettre a été envoyée au ministre de tutelle, le ministre de la santé. Nous l’avons également envoyée au ministre de l’Economie et des finances, à la ministre de la fonction publique, au ministre de la justice, à la ministre de l’enseignement supérieur et au ministre des Affaires étrangères. Le président de la Cour suprême figure au nombre des destinataires de cette lettre, également le représentant-résident de l’Oms au Bénin, les partenaires techniques et financiers du secteur santé, les confédérations syndicales, les organisations des droits de l’homme, les  présidents des ordres, associations, et les secrétaires  généraux des syndicats du ministère de la santé. Ils sont tous destinataires au même titre, et c’est seulement le président de la République qui l’a reçue en ampliation spéciale. Nous avons écrit à tout ce monde, parce que les résolutions d’Alma Ata en 1978 ont affirmé que le règlement d’un problème de santé est multidimensionnel et ne relève pas que du seul ministère de la santé. Il s’agissait dont pour nous, à travers notre démarche, de faire des suggestions en vue de solutions conjuguées et efficaces ».

Que vous ont-ils répondu ?
« Depuis le mois de janvier que la lettre a été envoyée, c’est seulement la Confédération des syndicats autonomes du Bénin, la Csa-Bénin qui nous a fait le devoir patriotique et le devoir administratif d’accuser réception et répondre. Bien qu’ayant l’adresse de l’ONG sur la correspondance, personne parmi tous les autres, n’a daigné accuser réception. C’est ce qui montre qu’il n y a que la politique qui intéresse au Bénin. Cette attitude est révoltante, parce que c’est le minimum qu’on puisse faire quand on est dans ’administration. Ils ont tous reçu la lettre.

Que contient cette « lettre d’alerte » ?
Cette lettre a été écrite pour montrer les causes de la grève et stigmatiser clairement la responsabilité de ceux qui dirigent ce ministère, parce qu’ils font du deux poids, deux mesures. Aucun médecin n’a aucune doléance non satisfaite, mais toutes les autres corporations de ce ministère ont des dossiers de revendications et de doléances qui n’ont jamais été satisfaites. Et on donne l’impression qu’il suffit que le médecin soit là pour que tout soit réglé, alors que c’est archi faux. Le médecin pose le diagnostic, les autres corporations paramédicales traitent le malade. Poser le diagnostic et traiter sont deux actes qui se complètent indubitablement, comme les deux lignes du rail qui conduisent le train à destination. Les gens font du deux poids, deux mesures, la corporation paramédicale est bafouée, alors que les paramédicaux font plus de 90% de la masse de travail sur le malade. Le personnel administratif aussi court des risques qu’on ne peut pas négliger. Le deux poids deux mesures est source de frustration, source d’injustice et dans ces conditions,  les gens ne peuvent pas accepter de mourir de faim pendant qu’autour d’eux, d’autres sont en train de resplendir.

Vous disiez avoir réfléchi sur les raisons de la grève. Pouvez-vous citer quelques-unes de ces raisons ?
Depuis des années, la grève a été toujours un refus de l’administration de céder ce qui était promis, ou de céder à ce qui peut se faire. Et lorsque vous promettez quelque chose à un groupe de travailleurs qui se trouve dans le besoin, et que vous ne tenez pas vos promesses, vous créez une injustice vis-à-vis de ces personnes qui sont victimes. Et quand vous le faites à certains groupes et que vous laissez d’autres, vous créez un mécontentement beaucoup plus social que les gens ne peuvent pas supporter, parce que c’est teinté d’injustice. Les causes de la grève varient d’une structure à une autre,  mais dans la santé, c’est la mauvaise gouvernance des médecins-ministres qui en est la principale. On ne peut pas laisser ce ministère dans les seules mains des médecins ou des gens qui ne sont pas formés pour. Au départ, on pouvait avoir des raisons de le faire mais aujourd’hui, on a beaucoup d’administrateurs hospitaliers, et aussi beaucoup de cadres supérieurs sachant gérer les ressources du secteur de la santé, les ressources humaines, financières et matérielles.  On ne peut donc pas continuer de faire de l’à peu près. Laisser la gestion du ministère de la santé aujourd’hui à des médecins, c’est faire de l’à peu près, c’est ne  pas vouloir atteindre les objectifs. Et leur position revancharde fait qu’en dehors des médecins, aucune autre corporation n’est capable de faire quoi que ce soit, alors que c’est très faux. Ce n’est pas normal qu’on laisse le ministère de la santé dans les mains de médecins qui n’ont pas couplé leurs connaissances d’une école régulière de gestion de ressources du secteur de la santé. Dans ma promotion du Cesag (le Centre africain d’études supérieures en gestion, basé à Dakar, Ndlr), il y avait des médecins spécialistes venus étudier la gestion des ressources du secteur de la santé. Au Cameroun, et un peu partout ailleurs en Afrique, aucun médecin n’occupe une fonction administrative et de gestion du secteur de la santé si, en plus de son diplôme de médecin, il n’a un diplôme d’administration et de gestion des hôpitaux. Pourquoi au Bénin faisons-nous de l’à peu près ? Les administrateurs sont la cinquième roue du carrosse. On les utilise pour des tâches très peu professionnelles et c’est dommage que le ministère de la santé puisse tourner dos à des cadres qui peuvent s’occuper de la gestion des hommes et des femmes, du matériel de travail et de l’argent.

Vous semblez très remonté contre la nomination de médecins comme ministres de la santé
Le médecin traite la maladie ; il ne gère pas les ressources qui permettent de traiter la maladie. Il s’agit de gérer les ressources du secteur de la santé, et non pas d’être spécialiste de la santé. Les spécialistes sont au pied du malade. Quand on les met à gérer des choses, ils transforment tous les fonds en des fonds d’atelier et de séminaires. Le médecin gère les malades, il ne gère pas les ressources du secteur santé.  Celui qui doit écouter le malade, le faire examiner, lui demander un bilan, faire une prescription et surveiller l’état évolutif du malade, on le met dans un bureau, on lui remet des milliards qu’on lui demande de gérer. Ce n’est pas possible.

Que préconise alors l’ONG Gasvie-Bénin pour une meilleure gestion des mouvements de grève dans le secteur santé au Bénin ?
Ma proposition est très simple. Lorsque le groupe d’agents de santé se met d’accord avec son administration sur les besoins à satisfaire, on se met d’accord sur un calendrier et le moment venu, on les satisfait. Les gens n’auront plus aucune raison d’aller en grève. La grève dans le secteur santé est un crime contre les malades. Parce que c’est les malades qu’on punit. Les autorités et leurs parents ne se font pas soigner au Bénin. La capacité d’être responsable, c’est apporter des solutions aux problèmes qui se posent à ceux qui dépendent de vous. Si vous êtes incapable de trouver des solutions, vous déposez le tablier.C’est aussi simple que ça.

Qu’auriez-vous à dire pour conclure ?
Pour moi, l’essentiel est qu’il n’y ait plus de grève dans le secteur santé. Les revendications des travailleurs du secteur santé doivent être écoutées. Si l’autorité est d’accord qu’on doit pouvoir leur accorder ce qu’ils demandent, il ne faudrait pas que l’autorité continue de faire traîner les pas jusqu’à ce que les gens lancent un mot d’ordre de grève. L’autorité doit courir dans les mêmes conditions qu’elle court lorsqu’il y a une épidémie de choléra. On ne peut pas traîner les pas, car la grève fait des ravages. Et la grève est due essentiellement au fait que l’autorité s’assoit sur les points de revendication sur lesquels elle s’est mise d’accord avec les représentants des travailleurs.  Si l’autorité peut réfléchir à cette lettre et voir ce qui peut être fait, ça ira mieux dans le secteur de la santé.

Réalisé par Flore S. NOBIME

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