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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le tourisme basique


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Le Président nigérian Muhammadu  Buhari est actuellement à Londres. Les supputations se sont enflammées sur son état de santé, les unes aussi dramatiques que les autres. Pendant que certains organes de presse laissent entendre qu’il est paralysé par une attaque cardio-vasculaire, d’autres le donnent déjà pour mort. Le président du pays le plus peuplé d’Afrique a été obligé de s’afficher à plusieurs reprises discutant avec des membres de sa famille ou quelques-uns de ses proches amis politiques, pour que la rumeur populaire se dissipe quelque peu. Le plus curieux de tout cet imbroglio, c’est la réponse des communicants d’Aso Rock, le Palais présidentiel nigérian. Les uns après les autres, ils sont venus souligner que le Président est allé se reposer ! C’est tout : Il est allé se reposer…à Londres.
En réalité, cette attitude paradoxale du président nigérian est similaire à celle de la plupart des élites africaines. Elles aiment bien faire de beaux discours sur la valeur de nos ressources touristiques, mais évitent soigneusement de les visiter, même pour donner l’exemple. Concrètement, le programme d’action du gouvernement (PAG) a opéré un revirement paradigmatique par rapport aux anciens discours, en plaçant le tourisme et l’économie numérique comme les bases réelles de l’économie nationale. Il y a quelques années, l’on affirmait que l’agriculture et le commerce de transit, constituent les pôles principaux du  développement national. Le changement enregistré a tenu compte de la vocation naturelle du pays pour l’agriculture, mais surtout des capacités réelles dont le Bénin dispose, eu égard à l’étroitesse de ses ressources agricoles, comparées à celles des pays à fort potentiel agricole.
Le PAG prévoit dès maintenant  de faire du Bénin un «puissant hub touristique africain », d’ici 2019, selon le mot savoureux de  José Pliya, directeur général de l’agence nationale de promotion du tourisme. Il a été prévu à cet effet que  Ouidah abrite une grande cité balnéaire d’ici 2021. Et la Banque mondiale a déjà accordé un prêt de 50 millions de dollars au Bénin pour développer le secteur. Ce sera un investissement important, d’autant que l’Etat a choisi de promouvoir la culture vodoun comme produit commercial premier du tourisme national.
On peut partager cette vision mais regarder la réalité en face : combien de fois Patrice Talon a-t-il fait un break pour se ressourcer près des chutes de Tanougou ? Combien de ministres se sont payé un séjour de repos à Boukombé, en pays Tata pour admirer l’architecture locale, la richesse de la culture Ditammari ou simplement aller faire un bon safari dans ses forêts-galeries ? Je veux savoir combien de fois les dirigeants des entreprises, publiques ou privées, ont organisé leur personnel pour aller visiter Ganvié ?
Et pourtant, je reste convaincu que tant que l’exemple ne viendra pas d’en haut, vains seront les efforts déployés. Parce que l’on a pris l’habitude de penser dans ce pays que le tourisme en lui-même ne consiste qu’à attirer les touristes étrangers. Il est même perdu d’avance, le combat qui consisterait à faire cotiser les agents permanents de l’Etat et assimilés, pour qu’ils se paient une journée récréative à Possotomè,  au bord du lac Ahémé pour se faire bercer à la douce brise du soir, au coin du feu, savourant la mélodie immortelle des cocotiers au bord de l’eau. Il faut qu’une puissante volonté politique oblige les élèves à visiter chaque année les sites touristiques de leur commune, de leur département ou plus généralement de tout le pays. Veut-on me faire croire qu’il n’y a rien à gagner à faire déplacer à Abomey, pour un week-end, tous les employés de banque de Cotonou et Calavi ? Mais alors, pourquoi le touriste serait-il d’abord le blanc ? Il faut que la politique touristique consiste d’abord et avant tout à permettre aux étudiants de Porto-Novo ou de Parakou de chercher à connaitre les richesses culturelles de Sakété ou de Kandi. Voilà précisément ce que j’appelle une politique touristique pour un pays en construction comme le nôtre : créer et satisfaire les besoins locaux pour  attirer les étrangers. Ce faisant, nous aurions résolu une partie de la difficile équation identitaire en permettant à chaque Béninois d’aimer davantage son pays. Nous aurions aussi ouvert la voie à une industrie touristique tournée vers les masses et non seulement vers quelques Blancs.
    De ce fait, il faut que chaque dirigeant qui, comme Buhari ou d’autres élites du même acabit, chercherait à aller « se reposer » à Paris ou à Marrakech, au lieu d’aller explorer les 41 collines de Savè, puisse se sentir comme maudit. 

Par Olivier ALLOCHEME

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