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Le triomphe de la vérité

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déclaration « Sous l’Arbre à Palabres » du Professeur Vicentia Boco, présidente du l’INPF au siège de l’événement précis: « Je suis contre les acteurs politiques qui manipulent les femmes »


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Boco Vicentia netLes personnalités se succèdent au siège du quotidien L’Evénement précis, dans la rubrique atypique « Sous l’arbre à palabre ». Le mardi 4 février dernier, c’était le tour de la dame de fer, professeur Vicentia Boco, présidente de l’Institut national pour la promotion de la femme (INPF), ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et ancienne directrice de campagne du candidat Boni Yayi. 89ème invitée de cette rubrique phare, le professeur de médecine, radiologie et imagerie à la retraite n’a pas mâché ses mots pour exprimer sa position sur les divers sujets de l’actualité nationale. A bâtons rompus avec les journalistes de l’Evénement précis et ceux venus d’autres organes de presse, elle a dressé le bilan de ses activités et de leurs  impacts sur la vie des femmes béninoises. Elle souhaite vivement que s’accroisse le nombre de femmes aux postes de prise de décision. Pas pour être des valets des politiciens, avertit l’ancienne ministre qui condamnent avec fermeté les acteurs politiques qui manipulent les femmes. Lisez plutôt l’intégralité des vérités du Professeur Vicentia Boco sous l’arbre à palabre.

Et si on en parlait

Quelles sont vos premières impressions en venant dans les locaux de l’Evènement Précis en tant qu’invitée de « Sous l’Arbre à Palabre » ?
L’Evènement précis est un quotidien avec lequel je collabore déjà depuis un certain nombre d’années et j’ai toujours félicité sa ligne éditoriale qui il me semble, fait preuve d’une certaine neutralité.C’est un plaisir pour moi de pouvoir échanger avec des journalistes reconnus de la presse béninoise. C’est aussi un honneur de pouvoir passer après 88 personnes, donner aussi mes impressions sur le Bénin en général, le travail que nous faisons, la part des uns et des autres etc.…Donc c’est un plaisir.

Madame la présidente, est-ce que c’était nécessaire de créer l’INPF avant de promouvoir la femme ?
Je vous remercie pour la question. Est-ce que c’était nécessaire, je dirai oui et non. Ce n’est qu’une manière de faire. L’institut est une voix parmi tant d’autres qui pourrait permettre si cet institut est bien utilisé, d’améliorer les conditions des femmes dans notre pays. Donc nécessaire ou indispensable, je dirai oui et non.L’institut a été créé comme un outil qui, à terme, doit permettre d’apporter des changements qualitatifs sur la situation des femmes. Cet institut fonctionne comme un petit laboratoire. En fait, on doit dire que c’est un petit laboratoire parce que le Bénin est deuxième ou troisième pays au monde à avoir une institution comme celle-là. Qu’est-ce que nous faisons ? Nous identifions par des études, par la recherche, par des interviews, par des rencontres avec les populations féminines prioritairement mais également avec les hommes tous âges confondus; (c’est-à-dire qu’on ne se limite pas aux adultes ou aux jeunes) les difficultés de l’ensemble de la population. Puis, nous essayons d’identifier en quoi l’apport des femmes en particulier pourrait améliorer cette situation et on se rend très vite compte que les femmes participent peu aux différents foras de réflexion. Je n’ai pas dit ‘‘prise de décision’’ car en la matière il faut observer que les réflexions, les discutions, les échanges qui permettent de prendre des décisions ne tiennent pas beaucoup compte de la position ou des besoins des femmes. Donc, après avoir identifié ces besoins,nous proposons à travers des recommandations et des axes d’action comment améliorer tel ou tel point. Voilàdonc ce que nous faisons. Evidemment, c’est un travail de longue haleine. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas facile parce que la situation des femmes n’est pas uniforme sur l’ensemble du pays et les problèmes ne sont pas les mêmes. Nous allons revenir peut-être sur les détails mais vous savez très bien que la situation des femmes globalement dans l’Ouest du pays par exemple n’est pas la même que les contraintes, les difficultés des femmes en région Sud ou dans le Nord. Donc, on ne peut pas globaliser. Même là, nous sommes obligés de faire attention pour ne pas dire des généralités. D’où l’intérêt d’études précises dans des localités, dans des régions, en tenant compte des us et coutumes des populations ou des sociétés dans lesquelles ces femmes doivent s’insérer parce qu’il ne s’agit pas de les couper de leur réalité. Ensuitenous faisons de la sensibilisation parfois envers ces femmes afin qu’elles soient responsabilisées par rapport à leurs propres choix, mais nous faisons également une veille stratégique pour savoir si nos recommandations sont prises en compte. Evidemment, les politiques, les décideurs sont également entretenus à travers des actions de lobbying visant à les sensibiliser pour mieux prendre en compte les femmes dans leurs actions quotidiennes. Nous faisons des plaidoyers auprès duGouvernement, de l’Assemblée et tous ceux qui devraient se saisir de nos résultats pour orienter leurs actions. Mais tout cela n’est pas facile. Donc, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait pour potentialiser les résultats, une réorientation des stratégies en utilisant la méthode de recherche-action. C’est quoi la recherche action ? Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, on identifie les besoins, les goulots d’étranglements, les difficultés, on fait des recommandations puis on choisit des populations cibles restreintes pour tester nos propositions et prouver qu’elles peuvent fonctionner. Et à ce moment-là, si nous démontrons que dans telle population, nous avons réussi à améliorer la participation des filles par exemple ou le maintien des filles à l’école et que ça fonctionne, on ne pourra plus nous dire : « c’est la théorie, c’est déconnecté de notre réalité, ça ne marchera jamais, c’est trop lent à venir, votre proposition n’apportera pas de résultat tout de suite, etc ». Car, c’est ce que nous entendons tous les jours. Donc nous essayons aujourd’hui de devenir une institution pas seulement de recherche-théorie, mais de la recherche-action. Là aussi, c’est difficile de convaincre les différentes autorités de cette nécessité, car dans notre structuration intellectuelle au Bénin, nous voulons tout et tout de suite, nous n’avons pas la patience d’attendre que notre travail porte ses fruits. Donc c’est difficile de convaincre les politiques parce qu’ils sont pressés d’avoir des résultats. En matière de société, vous savez bien que c’est très difficile d’induire des changements de comportement et qu’il faut du temps, de la persévérance et beaucoup d’engagement. Voilà ce que nous faisons.

Qu’est-ce qui a changé fondamentalement depuis que vous êtes à la tête de l’institut?
Je vais plutôt parler des types de recherches que nous avons faits et vous montrer quelques points sur lesquels nous avons insisté. Nous avons été installés fin 2009, nous avons commencé à fonctionner vers septembre 2010. Nous avons mis au moins six mois pour nous installer. Donc nous fonctionnons réellement depuis à peu près quatre ans. Dans ce délai de temps, nous avons fait 17 études qui ont porté sur différentes thématiques. Nous avons fait une étude sur la participation des filles aux formations scientifiques et techniques parce que nous nous sommes rendu compte que dans le monde aujourd’hui, les progrès économiques arrivent par la recherche scientifique et le capital scientifique des sociétés. Quand vous prenez un pays comme l’Inde qui est aujourd’hui à la pointe, tous ses jeunes ingénieurs ont été formés aux USA et l’Inde a fait la politique de rappeler ses jeunes ingénieurs qui sont dans le monde entier dans son pays en leur faisant des situations favorables et en les mettant au travail. Avant cela, il faut déjà avoir le capital humain dans lequel il y a les hommes et les femmes. L’étude a montré qu’il y a un déficit de femmes dans certaines formations. Dans certaines formations elles sont à peine est à peine 2%. Et la tendance est à la décrue. Nous avons donc tiré la sonnette d’alarme en demandant de renforcer la présence des filles dans ces domaines de manière à avoir à terme un grand capital scientifique humain capable de travailler au développement du pays pour l’industrie de demain. Nous avons également fait une étude sur l’apport des femmes aux revenus des ménages. Cette étude a montré que dans le milieu rural, 47% des revenus sont apportés par la femme. Je suis sûre que dans la tête de tout le monde, ce sont les hommes qui apportent l’argent dans le foyer et que ce sont les femmes qui le dépensent. En milieu urbain, c’est 66%. Cette étude a montré que ces revenus vont essentiellement à la satisfaction des besoins domestiques. Autrement dit, c’est la femme qui met son argent dans l’habillement des enfants, dans le marché, mais c’est l’homme qui va faire le crédit pour construire la maison, qui capitalise et la femme ne capitalise rien. Cela interpelle nos décideurs pour dire que si dans un ménage il est reconnu que la femme peut apporter des revenus, plus elle aura de revenus, mieux sera la situation des ménages, même si ces revenus ne sont pas mis à destination de structures fonctionnelles comme la maison, la voiture ou la télévision et que cela va plutôt dans les dépenses de marché. C’est quand même un apport car cela soulage l’homme de ses charges.
Nous avons fait également une étude sur la participation de la femme dans les postes de prise de décision et les résultats ont été publiés. Ces résultats ont montré que nous avons moins de 3,5% de femmes dans les conseils communaux au niveau local alors qu’à la fin des élections, il y avait 4,3%. Mais progressivement avec les contestations,les nominations et démissions, le nombre a diminué. C’est ce qui s’est passé à l’Assemblée aussi. A la suite de cette étude, nous avons démontré qu’au moins au niveau local, il fallait aux prochaines élections, au moins un minimum de 10% de femmes. Car c’est au niveau local que se prennent les décisions qui impactent réellement la vie quotidienne des populations à la base. Parce que c’est au niveau local qu’on décide de là où on va construire les centres de santé, les écoles, les salles de classes. Et là, il est nécessaire que les femmes y soient pour donner leur point de vue. Nous avons donc souhaité et fait du coup un certain nombre d’actions pour améliorer la participation des femmes aux postes de prise de décision.
La dernière étude qu’il me plait d’aborder, c’est la prise en compte du genre dans les politiques de santé. Cette étude montre que les programmes de santé sont neutres par rapport au genre. On ne fait pas la distinction entre les besoins des hommes et des femmes. Par exemple, dans le cadre du programme de traitement du Vih/Sida, les besoins des femmes lors des traitements ne sont pas les mêmes que ceux des hommes. Donc, lorsqu’on fait les campagnes, on ne cible pas de manière différente les hommes et les femmes. Or, non seulement les besoins, mais les risques ne sont pas les mêmes. La femme est beaucoup plus exposée que l’homme aux risques du Sida. Et il y a des précautions particulières à prendre par la femme. Or les campagnes ne tiennent pas assez compte de cela.
J’irai plus loin pour dire que même dans la politique en matière de santé reproductive, le programme ne s’intéresse qu’aux femmes et ne tient que peu compte des hommes. Or, ils ont aussi leur partition à jouer dans la politique familiale et maternelle. Donc, on ne peut pas dire que nous faisons la politique maternelle alors que c’est la politique familiale et pire, mettre de côté les hommes. Voilà les études importantes qui ont montré qu’il y a des failles au niveau des programmes.

L’INPF face aux OMD
Le premier critère qui est l’enseignement primaire pour tous nous intéresse tous. Mais nous ne nous sommes pas focalisés sur celui-là qui est largement pris en compte. Mais tout ce que nous faisons est en concordance avec l’objectif 3 qui parle de l’égalité entre l’homme et la femme. Notre objectif principal est de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes dans tous les domaines pour atteindre la promotion sociale des femmes. Donc toutes nos actions ne visent que cela. Maintenant, je voudrais faire remarquer que nous sommes déjà en 2015 et nous faisons déjà le bilan des OMD pour aller vers les Objectifs de développement (ODD). Vous avez entendu que le Bénin est en passe d’atteindre un certain nombre d’objectifs mais en tout cas, pas le 3ème.Nos actions futures viseront également à évaluer sur le terrain ce dont les femmes ont pu bénéficier de l’ensemble de ces programmes, évidemment si nous avons les moyens pour le faire !!!! Donc, nous nous situons plutôt à un moment charnière où toutes nos actions, nos études, nos actions de lobbying envers les politiques, les décideurs et bailleurs de fonds afin que les femmes soient mieux prises en compte.Nous sommes donc en train de préparer un bilan, non pas pour l’INPF, mais pour savoir si les femmes ont reçu satisfaction à partir de tous ces efforts déployés par les uns et les autres. Nous ne faisons que jouer notre rôle, qui est un rôle de veille.

Peut-on conclure que vos objectifs sont atteints en ce qui concerne la promotion de la femme depuis la mise en place de l’INPF ?
Je vois deux volets dans votre question. Je réponds séparément. Première question, est-ce que la femme béninoise se reconnait à travers nous ?  Deuxièmement, est-ce que nous n’avons pas l’impression de prêcher dans le désert ? Nous, nous sommes sur le terrain tous les jours et nous rendons compte de comment les femmes dans les villages, à la base vivent. Ceci à travers des échanges réguliers. Et je pus vous dire que les femmes à la base connaissent l’Institut, attendent beaucoup de l’Institut. Nous avons eu le temps de leur faire comprendre que notre rôle n’est pas de venir offrir des casseroles, des houes, sceaux, encore moins de l’argent. Nous leur avons bien fait comprendre que notre travail consiste à discuter avec elles, connaitre leurs besoins et être les porteurs de leurs messages. Depuis cette année, Nous avons pu installer des points focaux dans chaque région. Au début, la hiérarchie n’avait pas souhaité cela et on devait rester dans les bureaux. C’est après l’avoir convaincue que nous avons commencé à mettre en place nos points focaux qui serviront de relais de la base vers le sommet. Donc je réponds par un « oui », que les femmes qui ne voient pas l’institution comme concurrente, se reconnaissent en nous. Maintenant, les structures qui font à peu près les mêmes choses ou qui travaillent sur les mêmes thématiques, parfois nous voient comme concurrente et essaient de nous affaiblir. Pour moi, elles devraient nous considérer comme une structure partenaire. Chacun de nous, s’engageant à développer un volet des actions ou des réflexions à mener pour les femmes. Donc, nous ne pouvons pas être concurrentes, mais plutôt complémentaires. Et moi, je prône cela. Et je dis que le sujet est tellement important. En tout cas, je le pense ainsi et d’ailleurs, je ne me mets jamais en position de juge par rapport à ces structures et pourtant, il y aurait bien des insuffisances à relever parfois. C’est vrai qu’on n’a pas encore trouvé la clé pour résoudre cette équation. Toutes les personnes qui pourraient se mettre à cette table et apporter une toute petite contribution pour que la situation des femmes s’améliore sont les bienvenues.

Lecture des statistiques des femmes dans les institutions
Alors, je vais revenir sur deux points. La situation au niveau local. Nous n’avons pas eu de réélection des maires depuis. Donc on ne peut pas évaluer. C’est aux prochaines élections qu’on pourra en parler. Mais ce qui est certain, c’est que plus nous aurons de maires femmes, meilleure sera la gouvernance au niveau local. Pour des quantités de raisons que nous n’aurons pas le temps de développer ici. Pour n’en citer que quelques-unes : la manière de faire la politique des femmes est la plupart du temps différente de celle des hommes, et la préoccupation des femmes généralement vont au bien-être des populations ou des personnes qui les entourent. Donc, on a formaté les femmes sur cette manière de penser. Aujourd’hui, c’est au bénéfice de notre population et avant que les femmes politiques ne deviennent des bêtes politiques, c’est-à-dire ne pensent qu’à elles, avec tout le respect que je dois aux politiques politiciens, les femmes aujourd’hui ne sont pas encore des bêtes politiques. Donc nous devons profiter de cette opportunité pour les mettre à disposition pour le travail en faveur de nos populations. Pour moi, c’est une perte de potentialité que de ne pas utiliser les compétences de ces femmes et leur manière d’être aujourd’hui, pour améliorer les conditions de nos populations. Il peut avoir zéro femme au gouvernement ; ce n’est pas parce que des femmes sont au gouvernement que la situation va s’améliorer. Je le dis parce que la femme qui est au gouvernement ne fera que ce que son chef lui demande. Lorsque vous êtes dans un gouvernement, vous êtes obligés d’appliquer une politique qui est prédéfinie. C’est vrai que vous pouvez essayer d’influencer mais la marge est plus que tenue. Nous avons des exemples tous les jours dans notre pays. Par contre je pense que c’est plus facile lorsqu’on est dans les partis politiques. C’est donc dire que les femmes doivent tout faire pour intégrer les partis politiques. Je sais que ce n’est pas facile. Par contre, je crois qu’elles ne doivent pas viser l’intégration des partis politiques pour aller au gouvernement. Malheureusement, c’est ce qui se passe aujourd’hui. Et c’est un peu dommage. Je ne dirai pas la même chose pour l’Assemblée Nationale. Je dois encourager les femmes à aller à l’Assemblée Nationale. Et elles doivent essayer d’y aller. Car c’est là que se prennent les lois de la République qui gèrent notre vie. Même la loi de finances doit être votée par l’Assemblée. Si l’Assemblée identifie que peu de crédits ont été mis sur un programme en faveur de la réduction des inégalités, le gouvernement est tenu de revoir sa copie. Donc, il faut plus de femmes à l’Assemblée Nationale. Il faut aussi plus de femmes dans la gouvernance locale. Mais ce n’est pas gagné. Cependant, si à la suite des élections, on trouve zéro femme élue, je serai extrêmement déçue, mais je ne regretterai pas d’avoir fait ce travail. Je le dis parce que contrairement à ce qui se dit dans les différents milieux, nous voyons les femmes de la base commencer à réfléchir pour dire qu’elles ne sont plus seulement là pour subir et qu’elles souhaitent prendre en main leur destinée. Et ceci est important. Je veux que les femmes s’investissent à la base. Leur participation aux élections à la base est très importante.

Des stratégies déjà peaufinées pour favoriser l’élection massive des femmes aux prochaines joutes électorales ?
Oui, nous avons identifié les femmes potentielles candidates. Nous les avons formées et à la fin, plusieurs nous ont affirmé n’avoir jamais reçu de formation de ce niveau. Elles ont déclaré être candidates, mais avec ce qui a été dit, qu’elles ne savent plus si elles peuvent réellement le faire car il ne suffit pas de se faire positionner. Nous leur avons montré les contraintes, les exigences, les atouts pour être élues. Nous avons travaillé avec les chefs de parti sur toute l’étendue du territoire pour leur démontrer que c’est dans leur intérêt de positionner des femmes à des postes éligibles. Je crois qu’en la matière, on ne peut pas contraindre les partis politiques. On ne peut que les sensibiliser. Nous allons continuer à travailler avec les femmes qui seront positionnées en les aidant à faire le travail technique sur le terrain. Nous n’avons pas d’argent à leur offrir, mais plutôt l’accompagnement technique.

Rejet de la loi sur la parité entre homme et femme. Un échec pour l’INPF ?
Cela nous a fait très mal, mais plus profondément que vous l’imaginez parce que, lorsque cette loi est allée à l’Assemblée, j’ai fait un lobbying avec les députés. Ils m’ont dit : ‘’ Madame Boco, nous vous connaissons et sachons bien ce que vous défendez et ce que vous valez. Malgré toute l’estime qu’on a pour vous, on ne votera pas cette loi’’. J’ai poussé ma curiosité à savoir pourquoi, ils ne veulent pas voter cette loi. Le projet de loi avait pourtant été amendé avec la contribution de certaines Ong avec lesquelles nous avons travaillé. Ce projet a été envoyé à la commission des lois parce que nous avons estimé qu’elle ne peut pas être votée en l’état. Personnellement, j’ai très mal vécu ça, parce que j’ai estimé que la loi n’avait pas été formulée pour être votée. Je pèse bien mes mots. La loi disait quoi ? La loi disait :poussez-vous et donnez-nous la place. Or, ce n’est pas ça. La parité est bien sûr une affaire de droit, mais pas pour que la femme prenne le dessus. C’est une justice qui est réclamée pour que les femmes soient représentées à environ 50% dans les postes de prise de décision. Mais ce n’est pas comme ça.
Il faut que chacun comprenne cette nécessité. Il ne s’agit pas de l’imposer. Cette loi, il fallait la travailler déjà avec les députés et surtout, faire le lobbying autour, même dans les populations pour que celle-ci comprennent son bien-fondé. Elle est reportée sine die, ce qui veut dire qu’elle n’est pas classée aux oubliettes. J’espère que lorsque nous aurions passé ces périodes électorales et que nous serions plus au calme, nous allons revenir sur cette loi, essayer de mieux la reformuler, de trouver les moyens de la populariser un peu, de manière à obtenir l’adhésion d’un grand nombre de personne avant de la présenter à l’Assemblée. Pour nous, la parité n’est pas une fin en soi. Notre problème au Bénin, je le dis une fois encore, c’est d’aider les femmes à prendre leurs places dans la société. C’est tout. Notre société a changé. Avant, c’étaient les hommes qui faisaient tout. Aujourd’hui, les données ont changé. La femme peut aussi bien faire ce que l’homme fait si on lui en donne l’opportunité. C’est aussi simple que ça. Même si ce n’est pas 50%, vous-mêmes, les chiffres que vous avez donnés là sont totalement ridicules. Moi, je ne peux pas oser les dire à l’extérieur. J’étais dans un colloque de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui portait justement sur les femmes et les jeunes, où il y avait 27 ou 28 pays réunis. Le Bénin est parmi les plus mauvais dans le domaine de la représentativité des femmes. Le Bénin fait partie des pays qui ont le moins bien fait dans ce domaine-là même si nous crions partout que nous avons fait les micros crédits. Même ces micro-crédits que nous avons faits, il faut voir ce que ça apporte réellement aux femmes. Ce sont des réflexions qu’il va falloir progressivement faire. Les micro- crédits ont-ils réellement amélioré l’autonomisation des femmes ?

Comme vous l’avez expliqué, les femmes sont quasi inexistantes aux postes de décision. Quel est alors le rôle de l’INPF pour qu’on en soit encore là ?
Cette question fait partie de l’étude que nous avons faite sur la participation des femmes aux instances de prise de décision. Les enquêtes sont là, les populations ont participé et les enquêtes ont montré qu’il y a quatre ou cinq grands facteurs. Premier facteur, c’est qu’il y a moins de femme en capacité intellectuelle pour intervenir au haut niveau en politique. Les femmes qui interviennent en politique sont très souvent peu instruites et donc, elles restent souvent dans le rôle d’accompagnement des politiques. Elles font la mobilisation, elles font à manger pour les membres du parti. C’est elles qui s’occupent de la cantine, c’est elles qui font le folklore et qui dansent. Et, ceci vient du fait que beaucoup de femmes sont encore peu instruites. Donc, nous devons faire en sorte de veiller à l’amélioration de l’éducation des femmes. C’est le premier facteur le plus important. Le deuxième critère est que le témoignage des femmes qui sont allées en politique démontre que le milieu politique est hyper violent. Je ne dis pas simplement violent mais hyper violent. Ça veut dire que quand vous êtes en politique, on s’attaque à vous par tous les moyens possibles même si vous vous tenez sur vos gardes. On ira lancer à travers la presse des choses sur vous pour essayer de vous vilipender, de ternir votre image, parfois on inventera des choses sur vous etc… Donc, les femmes qui vont en politique sont maltraitées d’abord par les hommes et puis après par les femmes parce qu’elles font une sorte de concurrence, une sorte de leadership entre elles. Ce qui fait qu’elles ne se soutiennent pas. Ceci est dû au fait qu’elles sont peu nombreuses aujourd’hui. Si les femmes étaient nombreuses en politique, la concurrence qu’il y a entre elles, parce qu’elles veulent toutes être leader va s’atténuer automatiquement. Troisième facteur : je viens de parler de l’instruction et de la violence en politique qu’on peut corriger intelligemment. Ensuite, c’est le peu de moyens financiers des femmes, puisque la politique, ça coûte cher. Or, les femmes, si elles ont de l’argent, elles se disent, « mon argent, je l’ai gagné honnêtement, donc, je ne veux pas distribuer en politique puisque comme je ne peux pas voler après, ou si je ne peux pas tricher, je ne peux pas récupérer mes fonds ». Donc, les femmes, même quand elles ont les moyens financiers préfèrent le consacrer à leur famille, à leurs enfants, à leur milieu social etc… Tout simplement parce qu’elles n’ont pas le réflexe d’attendre « le retour sur investissement » comme ça se fait dans le milieu politique. Elles sont donc réticentes pour ça parce que « le retour sur investissement, » elles ne se sentent pas capables de l’appliquer. Le dernier critère, c’est qu’elles ont les charges de la famille. Les femmes, quand elles ont des enfants à bas âges, ont du mal à aller en politique et plus tard, c’est plus difficile de s’intégrer dans un parti. Aujourd’hui, il faut qu’on les aide à intégrer le milieu politique tout en ne visant pas responsabilités politiques ; mais une fois que leurs enfants sont un peu grands, et qu’il y a moins de contraintes, et que les hommes, comme nous le souhaitons, pensent à les aider un peu dans le ménage, elles seront mieux aguerries pour assumer des responsabilités. Et je crois, si vous regardez bien, les femmes qui sont en politique sont soutenues par leur conjoint. Et, beaucoup ne vont pas parce que les hommes ne les y aident pas. Et ça, c’est le 5ème critère : l’opposition de leurs conjoints parce que même quand elles le veulent, leurs conjoints sont réticents puisqu’elles risquent de voir ternir leur réputation. Donc, les hommes s’opposent souvent à ce qu’elles fassent la politique. Voilà les cinq facteurs ou critères que nous avons trouvés dans cette étude. Ce n’est pas nous qui l’avons inventé, ce sont des informations issues des enquêtes donc remontées de la base.

Nous allons parler des fistules obstétricales. Ces femmes victimes de ce mal sont souvent écartées du monde. Quelle est l’appréciation de l’INPF ?
Vous voulez mon appréciation ? Il faut simplement retenir que la fistule obstétricale n’est pas une fatalité. Ça, c’est la première chose. Donc, plutôt que d’avoir à traiter les malades, il vaut mieux faire de la prévention. Alors, pour moi, la première solution, c’est d’améliorer la prise en charge des femmes pendant l’accouchement, donc mieux accompagner l’accouchement des femmes. Parce que les fistules sont dues aux accouchements dystociques, longs et difficiles et surtout chez les filles jeunes. Les grossesses précoces sont les plus grandes pourvoyeuses de fistules. Donc, pour moi, la première solution, c’est la prévention. La prévention en améliorant le plateau technique médical et de la prise en charge. Il y a des choses qui se font là-dessus mais tant qu’il reste à faire, c’est que rien n’est fait. C’est vrai qu’aujourd’hui, le Ministère de la santé a mis du matériel dans les centres sanitaires jusqu’à la périphérie, mais vous convenez avec moi qu’il n’y a pas de ressources humaines. Il y a des maternités aujourd’hui qui sont sans électricité, sans eau. Moi j’en ai visité, où il y a une seule sage-femme, elle ne peut pas faire la garde 24h/24, 365 jours sur 365 jours. Personnellement, j’estime que le Bénin a fait beaucoup d’efforts dans la construction des services de santé, dans l’équipement des services de santé de la périphérie. Mais, notre Etat doit encore faire un gros effort dans le recrutement et la formation des ressources humaines en matière de santé. Ce n’est pas sans raison qu’on parle d’hôpitaux morts et tout ça. C’est parce que le personnel médical et paramédical est un chainon important dans la prise en charge en matière de santé. Simplement parce que sans ce personnel, il n’y a pas de soins. La machine peut rester là, mais s’il n’y a personne derrière pour la faire tourner ou bien pour interpréter les choses ou pour faire les gestes qu’il faut, ça ne sert à rien. Vous le savez très bien. Notre Etat est plus enclin à acheter du matériel qu’à former les ressources humaines. Je crois que vous comprenez de quoi je parle. Donc, nous devons beaucoup miser sur la formation et sur le recrutement de ressources humaines pour nos formations sanitaires, leur compétence par des formations de qualité. C’est la première chose à faire. Ensuite, faire la sensibilisation pour éviter les grossesses précoces. On pourrait, par exemple, mettre en place un programme de suivi spécifique des grossesses précoces, dès qu’elles sont identifiées. Lorsque vous avez une fille de 16 ans par exemple qui arrive dans une maternité ou bien que dans une école on se rend compte qu’elle est enceinte, qu’on ne la renvoie pas simplement chez elle en disant : « allez accoucher et après vous revenez et nous on va vous reprendre pour que vous puissiez continuer vos études ». Aujourd’hui, tout le monde est d’accord là-dessus. Mais, est-ce qu’il y a pour ces filles, un système de prise en charge pour ces grossesses-là afin de les aider de sorte que les parents qui ont honte de dire que leur enfant est enceinte ne puissent pas les cacher dans un coin quelque part pour qu’au moment d’accoucher, elles se retrouvent dans des endroits non sécurisés ? C’est comme ça qu’arrivent les fistules. Nous devons faire des efforts pour que le personnel soit mieux formé, que les grossesses précoces soient mieux prises en charge et que les programmes de santé et de populations qui, aujourd’hui s’occupent beaucoup de la contraception s’occupent encore plus de ces aspects. Maintenant, qu’est-ce qu’on peut faire pour ces femmes atteintes de fistules obstétricales ? Il y a des programmes qui ont été mis en place et des campagnes de traitements. Mais la réalité est qu’une fois que les femmes sont atteintes de ces fistules, on les cache. Donc les gens ne les sortent pas alors qu’on ne peut pas passer de maison en maison pour savoir s’il y a un cas de fistule. En fait, je pense qu’il nous faut un réseau d’indicateur, ou d’alerte dans les villages en périphérie, et dans les maternités de façon à ce que quand un accouchement est difficile, qu’on mette en place un système de suivi de ces femmes de manière à repérer la lésion à temps. Et parce que la fistule ne se découvre pas au moment de l’accouchement, la lésion est faite pendant l’accouchement et les conséquences ne se voient que plusieurs semaines ou plusieurs mois après.

L’activité principale des femmes béninoises se limite aux micros crédits, aux marches de soutien, au meeting et autres. Quel ressentiment avez-vous quand vous voyez ces choses ?
Vous savez que je suis contre. Je suis absolument contre. Je ne l’ai jamais caché et je ne sais pas si vous m’avez jamais vu marcher. Ce n’est pas sans raison. Alors, je vais vous dire. Pour moi, cette pratique n’est pas simplement déplorable, elle est punissable parce qu’elle s’appuie sur la faiblesse et la fragilité des femmes. C’est une forme d’abus sur ces femmes déjà pauvres. Je ne condamne pas les femmes parce que nous les avons interrogées. Elles nous disent : quand je vais au marché, le bénéfice que je fais en rentrant chez moi n’atteint pas ce qu’on me donne lorsque je vais faire une marche. Donc, au lieu de m’asseoir et vendre à longueur de journée mes «kluiklui», et n’avoir que 50F ou 100F de bénéfice dans une journée et même parfois 0F de bénéfice en fin de journée, je préfère aller à une marche pour qu’on me donne 1000F. Vous allez la condamner ? On ne peut pas les condamner. Nous devons simplement travailler à ce que leur bénéfice dépasse les 1000F qu’on leur donne et nous aurons réglé le problème. C’est très important ce que je suis en train de dire. Une chose est de dire aux politiques : arrêtez d’utiliser les femmes. Mais, ça leur est tellement facile !!! Tout le monde veut la facilité et il faut vraiment une grandeur d’esprit pour essayer de résister. Donc, à la fois nous condamnons la pratique, à la fois nous aimerions la voir arrêter. Ça ne nous grandit pas et parfois quand je vois les hommes politiques faire ça, je n’ai aucune estime pour eux.

Mais vous ne l’avez jamais dit au chef de l’Etat dont vous étiez la directrice de campagne.
Le chef de l’Etat connait toutes mes idées. Je crois que j’ai toujours eu la parole franche avec lui aussi et je crois qu’on se connait assez bien.

Ça veut dire qu’il ne suit pas les conseils de son entourage ?
Je ne dirai pas ça. Je dirai plutôt que les priorités ne sont pas les mêmes. J’insiste sur ce sujet-là. La seule solution, c’est d’améliorer les conditions de vie des femmes, d’abord en les éduquant mieux en leur apprenant à gagner de l’argent et à s’autonomiser. La vraie bataille, c’est celle-là et c’est dans ça que je m’engage et que je suis engagée, pas seulement là où je suis mais partout où je suis. Peut-être que vous ne le savez pas, mais dans toutes mes autres activités, c’est prioritairement sur cela que j’insiste.

Parlons 08 mars parce que nous nous y approchons. Est-ce la journée du 08 mars ou bien le mois ou le trimestre de 08 mars ?
Pour moi, c’est tous les jours qu’on peut célébrer le 08 mars.

L’année du 08 mars alors ?
Pourquoi pas. Parce que c’est tous les jours que nous devons travailler pour l’amélioration des conditions des femmes. C’est tous les jours que nous devons avoir cette priorité et pour moi, chaque jour où quelqu’un se lève pour dire, j’analyse la condition des femmes, j’apporte quelque chose à la situation des femmes, je fais quelque chose pour la femme afin qu’elle soit un peu mieux, quel que soit le jour de l’année pour moi, c’est positif. Donc, le 08 mars c’est quoi ? Revenons au 08 mars. C’est une journée qui a été identifiée par les Nations-Unies pour que le monde entier, au moins une fois par an pense à la situation des femmes. Ça ne veut pas dire que tous les autres jours, on ne doit pas y penser. La deuxième réponse, c’est que le 08 mars, c’est aussi la fête des femmes. C’est donc ce qui justifie un peu les festivités. Mais, c’est aussi où des réflexions sont menées. Ce jour-là, plus particulièrement, on fait des réflexions sur la situation des femmes. Donc, le 08 mars, on ne doit pas refuser qu’il y ait des festivités. Mais, il ne peut pas y avoir que des festivités, il faut aussi qu’il y ait des réflexions, des recommandations, des propositions, etc… Des activités qui permettront d’améliorer les conditions des femmes.

Il y a souvent des fêtes pour la journée. Etes-vous pour ou contre cette manière de faire ?
Et j’ai toujours été contre. L’Institut n’a jamais fait de fête pour le 08 mars. Nous avons un budget pour ça. Notre budget pour la première année, nous l’avons utilisé pour faire une étude sur les formations techniques. Nous avons toujours utilisé notre budget pour faire des actions concrètes, pour faire soit des études soit des formations sur le terrain pour les femmes. On nous l’a même reproché en disant que nous n’avons pas théoriquement en étant institut, le droit de faire des travaux de terrain. Et nous avons répondu non. C’est notre argent. On nous a dit de faire la fête, mis nous avons préféré faire des études. On ne peut pas aussi nous en vouloir pour ça.

On pourrait appeler ça détournement de fonds ?
Non, on va dire chevauchement d’attribution. Le 8 mars prochain, je vous le dirai puisque ce n’est pas encore balisé mais, c’est une action intellectuelle. Vous serez certainement mis aux faits mais nous ne ferons pas de foulard et autres.

Vous êtes ancienne ministre de l’enseignement supérieur. Au mois de décembre, tous les acteurs du monde de l’enseignement ont été conviés aux états généraux de l’enseignement. Quand vous avez eu les conclusions de ces assises de l’éducation, avez-vous le sentiment que la plaie a été réellement pansée ?
Vous m’amenez sur un terrain pointu et je vais vous répondre franchement. Je n’ai pas encore eu les conclusions. J’ai demandé et je vais les avoir. Une fois que je les aurai analysées, je pourrai répondre clairement à votre question. Je n’ai pas suivi vraiment les débats. Je crois que le forum a essayé d’identifier en partie les insuffisances de notre formation et y a proposé des solutions. Permettez sans être revancharde de rappeler que, quand j’étais au Ministère, j’ai été la première à convier à des assises des chefs d’entreprises. Mon discours était que la formation doit s’arrimer à nos besoins économiques. Nous avons mis 8 ans pour revenir à ça, nous aurions pu faire mieux depuis 8 ans. Donc, le forum a essayé de faire des propositions pour que les insuffisances de la formation que nous donnons aujourd’hui soient corrigées. Permettez que je le dise les conclusions que j’ai eues m’ont donné le sentiment que nous ne sommes pas allés au fond des questions. Permettez-moi de poser cette question. Est-ce que former des gens à foison dans des universités sans aucun espoir de travail, c’est travailler ou donner des chances à notre pays de se développer ? Pour moi, c’est une bombe à retardement. Est-ce que déconcentrer les universités et mettre des centres universitaires dans les 77 communes améliore la qualité de la formation ? Je ne crois pas. Je crois que comme ça se fait dans l’économie, dans l’éducation, nous devrions avoir un axe central. Et cet axe dorsal devrait être défini en fonction des besoins identifiés du moment. Je donne un exemple : à un moment donné, nous nous sommes rendu compte qu’on n’avait pas de statisticiens. Donc, nous avons donné des bourses pour aller former des statisticiens et nous avons poussé des gens vers cette formation. Mais à un moment donné, il faut dire stop, jusqu’à ce qu’on revienne à une formation continue pour que l’économie puisse se développer de manière à ce qu’il n’y ait plus de chômeurs. Aujourd’hui, nous avons des besoins énormes dans différents domaines en particulier dans le domaine scientifique. Je prends le domaine de l’environnement. Nous n’avons pas encore fait des formations qu’il fallait dans le domaine de l’environnement ni pour la sauvegarde, ni pour l’exploitation rationnelle de nos potentialités en la matière. Nous n’avons rien fait. Nous formons des environnementalistes pour aller rester dans les bureaux. Donc pour moi, le problème de l’éducation est loin d’être résolu et je ne sais pas si le forum est allé au fond.

L’une des questions face à laquelle vous étiez réticente quand vous étiez au gouvernement est relative aux doléances des étudiants à rendre gratuit l’enseignement supérieur. Après votre départ, le verrou a été sauté. Avez-vous l’impression que le gouvernement a bien pris l’option de décréter la gratuité de l’enseignement supérieur ?
La gratuité de l’enseignement supérieur a été une volonté du chef de l’Etat. Il a même voulu plus que ça et le moins difficile pour notre Etat était de prendre en charge les inscriptions. Ce verrou a été sauté comme vous dites et ça a été signé. Mais, je crois qu’il n’y a pas eu assez d’explications sur la proposition. Déjà à l’époque, les études que j’avais faites montraient que la charge financière pour l’enseignement supérieur était insoutenable pour notre budget. Parce que ça fait un appel d’air vers les universités. On dit : vous êtes inscrits gratuitement et tous les bacheliers vont s’inscrire même s’ils ne vont pas au cours. On a alors dit : si vous redoublez, on ne vous reconduit pas l’inscription. Mais s’il redouble là et va s’inscrire en 1ère année dans une autre filière ? Tous les jeunes vont s’inscrire, même s’ils vont dans d’autres formations ailleurs. Ils vont s’inscrire à l’université pour bénéficier de la carte d’étudiant qui ouvre la porte à certains droits comme la prise en charge dans les hôpitaux, les restaurants. Même s’ils ne font pas la formation, ils prennent la carte d’étudiant pour pouvoir bénéficier de certains droits. C’est humain. A mon avis, je crois que cette question devrait être revue, repensée et qu’on puisse peut-être mettre des critères pour voir dans quel cas, c’est sûr que certains étudiants voudront avoir les inscriptions gratuites et pas tout le monde. Je crois que chaque fois qu’on met quelque chose en place, il faut l’évaluer. Le système de bourse que j’avais mis en place a été évalué un certain nombre de fois et reconduit malgré les insuffisances. Mais je crois qu’il est suffisamment crédible même s’il est un peu tributaire de la qualité de ceux qui sont chargés de l’appliquer. Il faut évaluer la gratuité des inscriptions. Il faut se donner le temps et le courage d’évaluer, voir les distorsions, ce qui a ou n’a pas marché, on revoit et on prend des solutions. Je crois que la gouvernance c’est aussi ça. Se remettre en cause, revenir sur des décisions qu’on avait prises et mieux expliquer aux gens quels sont les objectifs mais aussi la finalité à pouvoir aider un certain nombre d’étudiants qui sans cette gratuité ne pouvaient pas s’inscrire. Est-ce qu’on les aide réellement ? Parce que ça coûte cher aussi d’aller à l’université tous les jours C’est difficile d’avoir une chambre sur le campus mais ça soulage déjà un peu les parents.

Quels sont vos projets qui sont en train d’être concrétisés actuellement avec l’actuelle équipe rectorale ?
Je crois que je travaille assez avec l’équipe rectorale qui est là. Je crois que nous avons des échanges informels avec le recteur et toute l’équipe. Personnellement en ce qui nous concerne, nous avons lancé en collaboration avec l’UAC, la formation en genre et nous attendons pour que ça démarre. Parce que nous nous sommes rendu compte que le problème du genre, donc la réduction de l’inégalité entre les hommes et les femmes et la prise en compte équitable des hommes et des femmes, n’est pas suffisamment abordé au niveau de l’Université. Pour qu’il soit pris en compte, il faut que ceux qui pensent et appliquent les programmes gouvernementaux, publics soient formés en matière de genre. On s’est rendu compte que c’est parce que les gens ne connaissaient pas qu’ils ne savent pas l’appliquer. Donc, on a mis en place cette formation qui doit démarrer incessamment. Ce sera une formation diplômante, universitaire, sur deux ans. Les personnes travaillant déjà pourront venir se former de manière à avoir des compétences en genre. Et ça peut rentrer en compte dans d’autres formations.

Avez-vous déjà vérifié votre nom sur la lépi ?
Oui, non seulement j’ai mon nom sur la Lépi, mais j’ai envoyé à tous ceux qui sont sur mes réseaux le lien pour vérifier et j’ai fait démultiplier à un certain nombre de personnes pour vérifier leurs noms sur la Lépi.

Avec cette opération, avez-vous le sentiment que nous tendons vers la Lépi consensuelle tant souhaitée pour des élections apaisées ?
La Lépi est assez bien nettoyée parce que le fait que les gens vont vérifier sur le terrain, aura permis d’enlever les doublons. Maintenant la Lépi telle qu’elle est aujourd’hui, personnellement devrait faire consensus, c’est ce que je pense. Maintenant, nous sommes en politique. Peut-être que ça n’arrange pas tout le monde. Mais, il faut que ça arrange tout le monde parce que c’est de la paix de notre pays qu’il s’agit. Au lieu de perdre son temps à se combattre, ça permettra qu’enfin, on parle des problèmes de développement.

« Nous nous sommes trompés, nous vous avons trompés ». Quand vous avez entendu les déclarations de l’une de vos compatriotes femme députée à l’Assemblée nationale, quelle a été votre réaction en tant que directrice de campagne de Yayi Boni ?
Je crois que lorsque j’étais directrice de campagne et que je faisais campagne, les gens me disaient : « Ah Madame Boco, c’est toi qui nous as dit de voter ». Je leur disais : « votez et nous ferons le bilan ». Un premier bilan a été fait en 2011. La population béninoise a estimé qu’il y avait eu des dysfonctionnements et que tout n’avait pas bien marché. Même le chef de l’Etat l’a reconnu. Mais, la majorité du Bénin a décidé de le reconduire pour le second mandat. Donc, il est légitime. La gouvernance qui est là est notre choix à tous, pas seulement à nous qui avons fait campagne. Mais attention, j’ai aussi dit que nous devons évaluer. Moi je suis dans la position d’un évaluateur parce que je me suis mise dans cette situation là dès le début et je ne l’ai pas caché.

Et à mi-parcours, quelle évaluation avez-vous fait ?

Même à mi-parcours, je reconnais qu’il y a eu beaucoup de dysfonctionnements. Je reconnais qu’il y a eu des choses qui ont été faites. Nous n’allons pas faire le bilan aujourd’hui. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites et il y a des choses qui auraient pu être mieux faites. Mon regret est que les choses qui ont été faites auraient pu l’être encore mieux grâce à une meilleure gouvernance et les populations auraient été mieux impactées dans leur vie quotidienne. Ce qui s’est fait au Bénin est parti de bonnes idées. Si vous regardez bien au départ, il y a toujours une bonne idée pour tout le monde. Est-ce parce que les acteurs ne sont pas à la hauteur ? Est-ce parce qu’ils sont incompétents ? Est-ce parce qu’ils ne sont pas forcément à la bonne place ? Il va falloir évaluer, comme je le dis, à la fin des 10 ans. Moi je l’ai toujours dit. Il va falloir évaluer à la fin des 10 ans, ce qui a marché, bien marché, pourquoi ça a marché, ce qui n’a pas marché et pourquoi ça n’a pas marché. Et la 3ème partie, comment faire pour que nous n’ayons plus cela. Je crois que chaque politique le fait individuellement mais après, il faudra mettre en place des structures qui vont le faire réellement, scientifiquement, pas pour condamner nécessairement des gens, mais surtout pour que nous sachions à l’avenir qu’il y a des erreurs qu’il ne faut plus jamais commettre. Je crois que c’est l’avantage que nous pouvons tirer de ces 10 ans de gouvernance.

Le projet Alafia est quand même un grand moyen pour tout le gouvernement au Bénin ?
Je sais et disons que le projet Alafia, nous l’utilisons tous les jours et nous menons toutes nos actions à partir de l’Agenda Alafia 2025. Sur ce document, la version qui est connue est une version allégée mais ce document a identifié beaucoup de difficultés que nous connaissons aujourd’hui. Il y a assez de problèmes que nous vivons aujourd’hui. Notre insuffisance est que nous ne lisons pas et ne nous cultivons pas assez. Et que nos politiques sont des politiques politiciens et que ce n’est pas de la politique reposant sur la technicité. Ils devraient s’inspirer tout le temps de ce document, de ces choses écrites, de ce qui a été fait avant, de ce qui est fait ailleurs pour prendre leurs décisions.

Pensez-vous que le phénomène de la mutilation génitale est éradiqué au Bénin ou il y a une résistance ?
Il n’y a pas trop de mutilations génitales au Bénin, sauf dans deux petites régions. On ne peut pas comparer la situation du Bénin avec celle des pays du Sahel. Ça n’a rien à voir. Donc, on ne peut pas superposer. C’est ce que je vous disais tout à l’heure. Quand on globalise trop, on fait des erreurs.

Avez-vous accès à l’Ortb ?
Oui. Je pense oui. Vous m’avez déjà vu plusieurs fois à l’Ortb. J’ai fait des émissions sur l’Ortb.

Il y a des politiques qui se plaignent du fait de ne pas y avoir accès. Pensez-vous que l’Ortb devrait fermer les portes à certains?
Je suis d’accord avec vous que la politique actuelle de l’Ortb n’est pas la meilleure parce qu’une gouvernance qui ne veut pas entendre son opposition est une gouvernance qui se fourvoie. De la parole de l’opposant nait la contradiction et la parole de l’opposant vous permet de voir ce que vous faites mal et bien et de vous corriger. Une politique qui veut des résultats doit nécessairement entendre son opposition.

Madame Vicentia Boco se préoccupe-t-elle de sa blouse ?
Qui ? Moi ? Je suis tous les jours en blouse.

En conclusion
Je dirai que je crois quand même que nous faisons une erreur de penser que la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes soit la bataille d’une certaine catégorie. Lorsqu’on regarde bien, on voit que dans les pays où les femmes ont été mises à peu près au même pied d’égalité que les hommes, il y a plus de justice. Le niveau social est plus équilibré. Donc, c’est un facteur de progrès pour les sociétés. Il faut que nous aussi nous voyions ça comme un facteur de progrès pour notre société. C’est essentiel. Et c’est ça qui va entrainer les changements que nous souhaitons pour notre société. Deuxièmement, je souhaiterais dire que ce n’est pas l’affaire de quelques-uns seulement. Nous, on est là seulement comme des porte-paroles. Mais c’est l’affaire de tout le monde. Si un mari sait qu’en quittant sa maison, que s’il était renversé par un véhicule, ce qui peut nous arriver à tous, la femme qu’il a laissé a la possibilité de prendre en charge les enfants, il aurait une inquiétude en moins. Je crois qu’il faut voir la chose dans ce sens. J’entends des jeunes dire, les femmes qui sont trop instruites ‘’j’en veux pas chez moi’’. Mais, ils ont tort. Parce que, de la femme instruite, on peut apprendre beaucoup de choses. Vous êtes complémentaires. Car, ni l’homme ni la femme ne maitrise tout. Un couple qui ne s’enrichit pas mutuellement est un couple qui n’est pas épanouissant. Donc, même pour l’homme, l’épanouissement est le fait d’avoir une conjointe avec qui il peut échanger, s’enrichir. Il est important de rappeler cela aux jeunes qui ont des réflexions superficielles. Notre éducation aujourd’hui n’est pas profonde. On n’apprend plus aux enfants le fondement de la société. Donc, nous devons être des éducateurs plus que des enseignants. Cela suppose que nous devons apporter le savoir-être, le savoir-vivre. Nous devons apprendre à nos enfants les vraies valeurs auxquelles ils doivent s’attacher.

Carte d’identité

« Je ne sais que m’occuper des autres »

Née à Natitingou un certain 22 janvier 1949, et originaire de Savi (Ouidah), département de l’Atlantique, Vicentia Boco, ne se définit que comme Béninoise à part entière. « Je ne suis ni du sud, ni du nord. Je suis Béninoise et je n’ai qu’une seule politique, le Bénin », avoue-t-elle. De parents enseignants, elle a connu le pays au gré des différentes affectations de ceux-ci. Du reste, elle passe son CEP en 1959 et décroche un Bac série D en 1968. « A l’époque, il me semblait que la médecine était le meilleur moyen pour rendre service. En plus de cela, j’ai choisi une discipline qui n’existait pas au Bénin, la radiologie », affirme l’ancienne ministre qui est le premier Béninois spécialiste de cette discipline.   C’est qu’elle aime se mettre au service des autres. «  Mon père et ma mère m’ont faite ainsi. Je ne sais m’occuper que des autres », dit-elle. Mais pour en arriver là, le chemin aura été long, long et dur. Entrée en Belgique, elle fait trois ans de médecine avant de tout recommencer à zéro en France, sans bourse. C’était le commencement de sa carrière professionnelle en France en 1974. Au bout du rouleau, la voilà médecin, elle fait un peu d’anesthésie réanimation avant de choisir  la radiologie, qui est aujourd’hui un instrument clé de la médecine. « Avant on traitait à l’aveugle. Aujourd’hui, la médecine pose d’abord un diagnostic, ce qui passe souvent par l’imagerie », argumente Vicentia Boco.  Mais au pays, personne n’avait encore idée de ce que pouvait représenter cette science inconnue. Elle enseigne un temps au Collège Polytechnique Universitaire (CPU, aujourd’hui EPAC) et finit  à la Faculté des sciences de la santé (FSS). Chef du service d’imagerie médicale du CNHU, elle devient vice-doyen de la faculté, directrice de l’école des assistants sociaux et de kinésithérapie en 2003. Elle fut même un temps Conseillère technique à la santé et aux affaires sociales du président Nicéphore Dieudonné Soglo. Sa carrière politique démarre réellement en 2006 lorsqu’elle a assuré la direction de la campagne du candidat Boni Yayi.  Elle a été par la suite chargée de mission du Président de la République avant de remplacer le Professeur Nago devenu Président de l’Assemblée nationale. Vicentia Boco a été nommée ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, département  qu’elle a dirigé de Juin 2007 à Octobre 2008. A ce poste, elle s’est évertuée à poursuivre les réformes initiées dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique par son prédécesseur. C’est sous sa tutelle que l’Université d’Abomey-Calavi a entamé la concrétisation du système LMD, l’inscription gratuite des étudiants non secourus et non boursiers et la suppression des concours d’entrée aux écoles universitaires. Elle a également poursuivi la politique de renforcement des infrastructures universitaires. Dans le cadre de la déconcentration du système d’Enseignement Supérieur, des sites ont été négociés et obtenus. Il s’agit du site de Kétou, Adjohoun,  Adjarra, Abomey, Bohicon, Zakpota, etc.   Autrefois Présidente d’honneur du parti Forces Coalisées pour le Changement (FCC) après sa sortie du gouvernement, elle est demeurée très importante dans le dispositif politique du Président Boni YAYI qui le lui rend bien en la propulsant en 2009 à la tête de l’Institut national pour la Promotion de la Femme (INPF), poste qu’elle assurait cumulativement avec ses fonctions de Médecin, Chef Service Radiologie, au Centre National Hospitalier Universitaire (CNHU) Hubert K. MAGA. Depuis fin 2014, elle s’est libéré de sa blouse avec son admission à la retraite et se consacre entièrement à l’institut.

Intimité

Tout-terrain assumée

Vicentia Boco est déjà grand-mère de trois petits enfants. A table, elle se définit comme un tout terrain, « parce qu’effectivement, je n’ai pas de préférence particulière », dit-elle. Elle mange de tout mais préfère l’eau à toute autre boisson. Comme sport, elle fait de la gymnastique et de la marche. Comment allie-t-elle alors vie professionnelle et vie familiale ? Ses enfants lui reprochent encore ses absences fréquentes par le passé, mais son mari l’était tout autant. A la retraite depuis l’année dernière, c’est une activiste convaincue de la cause de l’enfant et de la femme qui a eu la chance de naitre dans une famille qui lui a donné toutes ses chances. Elle cherche aujourd’hui à aider les femmes à s’accomplir malgré leurs conditions difficiles.

 

La Rédaction

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