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Le triomphe de la vérité

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Edito: Komi Koutché et tam-tam


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Ce doit être la première fois qu’on a un ministre des Finances aussi dansant. Komi Koutché, pour ne pas le nommer, s’est mis en tête de continuer le jeu de tam-tam qu’il avait inauguré au Fonds national de la microfinance (FNM) et poursuivi au Ministère de la Communication. Ce week-end, avec ses amis, il s’est fait le chantre du changement, dans son Bantè natal. Quand l’argentier national se met dans le périlleux rôle du bouffon du roi, il y a danger.
Il y a danger parce que le ministre des Finances est perçu chez nous comme celui qui, dans un Gouvernement, doit rester au-dessus de la mêlée. Son rôle est précisément de faire entendre la vérité des chiffres là où le politique est chargé de faire rêver. Et ce n’est pas pour rien qu’il est le seul membre du Gouvernement chez qui tous les autres doivent venir défendre leurs budgets annuels parce qu’il dispose du pouvoir d’arbitrage. Et ce pouvoir l’oblige à la circonspection. Là où la turbulence politique prend le dessus, il doit être le dernier rempart à la gabegie. Et pour cela, il doit accepter de feindre l’indifférence politique. C’est ce qui l’élève. Le ministre des Finances n’a pas besoin de jouer du tam-tam pour être écouté. Sa parole est précieuse, car en ses mains, repose l’instrument principal de notre survie. Qu’il se mélange les pédales et tous les Ministères, toutes les administrations s’écroulent. Qu’il se trompe en se lançant dans le jeu partisan et tout l’édifice s’affaisse. Qu’il excelle par contre et nous sommes sauvés. C’est le maître principal de la rigueur au sein de l’équipe gouvernementale, celui qui, en permanence, doit faire respecter les règles de gestion. Il doit accepter, pour ainsi dire, de s’installer dans un splendide isolement.
Bien que cette règle ne soit écrite nulle part, elle constitue pourtant la clé de voûte de la confiance naturelle qu’inspire tout ministre des Finances digne du nom. Il est le seul capable de dire non au roi sans crainte de représailles. Sa complaisance est pour tous un danger. Homme politique, il doit pourtant savoir rester lucide pour ne pas mélanger gestion du patrimoine national et sentimentalisme politique. Si le ministre des finances devient alors un acteur politique de premier plan, il mène tout le navire au gouffre et nul ne sera étonné de constater demain qu’il utilise les deniers de l’Etat pour ses petites courses politiques. Je dirais même que la principale raison qui empêche tout ministre des finances dans un Etat tropical de se lancer dans l’arène politique est là. Obligez-le à faire la politique et il utilisera naturellement votre argent pour se faire élire. C’est un dévergondage dont les conséquences sont lourdes pour toute la communauté.
Seulement voilà. Nous sommes dans un régime qui se moque des normes. Et Komi Koutché qui se sait adulé dans son Bantè natal, n’entend pas résister à la tentation populiste. « Baba billet » comme on l’appelle là-bas, se pique de célébrité et sent monter en lui l’envie morbide des urnes. Comme tout le monde à la mouvance, faire la politique chez lui, c’est cirer les pompes au maitre du changement refondé. Célébrer un homme, éructer en sa faveur les versets connus de l’hagiographie la plus versatile, lui élever un culte éphémère et essentiellement grossier dans des arènes achetées à coup de billets de banque, voilà qui s’appelle faire la politique sous les cieux de la mouvance présidentielle. Et Komi Koutché ne s’en est pas privé samedi à Bantè.
S’il fallait pourtant lui dire un mot, je dirais au ministre impétueux de se méfier des louanges factices d’aujourd’hui. Ceux qui lui chantent de belles rhapsodies le conspueront quand, au jour de la colère, ils découvriront qu’il s’est servi des caisses de l’Etat pour les besoins de son action politique indue. Je lui dirais qu’en plus d’être dangereuse pour le Bénin, son action politique en cette fin de mandat, est une menace pour lui-même. Cosme Sèhlin, s’il est quelque part, devrait l’inspirer, lui qui a parfaitement fait fi de tous les avertissements pour se prêter à la manipulation des princes éphémères en 2005-2006. Et, s’il peut encore écouter de modestes personnes comme moi, je dirais enfin à l’argentier national ceci : on ne vous demande pas de trahir Boni Yayi, mais d’aimer ce pays.

Par Olivier ALLOCHEME

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