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Le triomphe de la vérité

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L’Ambassadeur Josep Coll, Chef de Délégation de l’UE au Bénin, «sous l’arbre à palabre» au siège de l’événement précis: « L’Union Européenne prévoit 244 milliards de Fcfa pour le Bénin »


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Col netL’Evénement Précis reçoit pour cette édition de ‘’Sous l’Arbre à palabres’’, Son Excellence Josep Coll, Chef de Délégation de l’Union européenne (UE) en République du Bénin. Le diplomate parle dans cet entretien des grands axes de la coopération entre l’Union européenne et le Bénin. Josep Coll s’exprime aussi sur la gouvernance béninoise et, notamment des appréciations que l’UE fait sur cette gouvernance.

Au Bénin depuis octobre 2013, quelles ont été vos premières impressions ?

Je suis arrivé en octobre de l’année passée et je n’avais jamais mis pied au Bénin. C’était donc pour moi une nouvelle expérience. J’avais déjà travaillé au Cap-Vert pendant cinq ans. Mais dans la sous-région, c’est ma première expérience. J’ai eu le temps d’observer le dynamisme des Béninois, un dynamisme qui s’explique même par la démographie explosive. Ce qui est très bien, c’est qu’il y a aussi un effort de vouloir relever les défis du développement. Voilà les premières impressions que j’ai eues. Petit à petit, mes attaches seront un peu plus profondes.

La journée de l’Europe pour cette année 2014, en quoi a-t-elle consisté ?

J’ai fait une intervention à la réception du 09 mai où j’ai commencé par rappeler que tout n’est pas rose dans notre monde, surtout les questions de souvenir. J’ai voulu quand même faire mention du 20ème anniversaire du génocide rwandais, parce que ça devrait être un non exemple. C’est une erreur que la communauté internationale a commise de laisser malmener la population rwandaise en ce moment-là sans intervention rapide. Cette commémoration des 20 ans a été dure surtout pour les Rwandais mais aussi pour le monde entier. Mais, malheureusement ce n’est pas seulement quelque chose du passé. Il y a encore dans la vie quotidienne d’autres pays des choses inacceptables. Tout près d’ici, nous avons le Soudan du Sud où il y a un conflit qui se développe et qu’on essaye par des voies diplomatiques d’arrêter, mais qui présente des difficultés pour donner une chance à la paix. Tout près d’ici, la République centrafricaine signale à nouveau que lorsque la passion de l’irrationnel l’emporte sur l’envie de vivre ensemble, les choses tournent mal. Donc, j’ai fait cette mention et j’ai fait aussi une mention historique pas très favorable : le centième anniversaire du début de la première guerre mondiale. C’est seulement à la fin de la deuxième guerre mondiale que l’Europe a commencé aussi à changer de méthode. De la méthode de la confrontation pour anéantir les voisins, nous sommes passés à une situation de coopération, et à un mot que je voudrais quand même mettre en relief: l’intégration. L’intégration régionale, économique et l’intégration des aspirations des peuples. Les aspirations des peuples sont légitimes. Il faut les intégrer dans un bouquet pour que chacun puisse voir la couleur qui lui convient. C’est seulement par cette méthode que l’on peut vivre ensemble et dans la paix. La paix a des dividendes qui sont énormément positives pour la population. La guerre est une chose négative pour tout le monde.

Quels sont les grands axes de coopération entre l’Union européenne et le Bénin ?

Le Bénin ne se retrouve pas dans tout ce que je viens de dire. Le Bénin est un pays pacifique qui aime la coexistence. Les Béninois sont aussi animés d’une volonté de travailler en démocratie. Ce sont des valeurs que l’Union européenne épouse également. Nous voulons effectivement fonder des valeurs qui nous sont communes, entre l’Union européenne, le Bénin et la sous-région. J’insiste sur cela parce qu’aujourd’hui, c’est difficile de travailler tout seul. Il y a encore des grandes puissances qui agissent comme s’il était encore possible de vivre tout seul. Mais, c’est une illusion. Nous vivons sur une planète qui nous appartient à tous. Et tout ce que nous pouvons prétendre, c’est de travailler avec les autres, marquer un peu notre profil et mettre un peu l’accent sur certaines dimensions. Le Bénin et l’Union européenne travaillent très bien de concert. Nous avons d’excellentes relations, pas seulement diplomatiques, mais aussi politiques et économiques. Et je pense qu’heureusement, les relations sont très bonnes. Si on était dans un autre pays, je ne pourrais peut être pas dire cela. Mais, je suis très content de pouvoir me féliciter en soulignant que dans les pays où on m’envoie travailler, les relations se passent très bien.

Est-ce que ça veut dire que les priorités entre le Bénin et l’Union européenne restent les mêmes ?
Les priorités sont les mêmes parce que ce qu’on est en train de faire est basé sur une logique, une même logique d’intérêts communs, basée sur la notion de partenariat. Et dans la notion de partenariat, il y a au moins deux éléments qui sont pareils : aider et s’aider les uns les autres dans les objectifs que vous poursuivez. Dans le cas du Bénin, c’est le développement, la croissance économique, l’éradication de la pauvreté, c’est l’inscription dans l’économie mondiale. Dans le cas de l’Europe, c’est de s’épanouir dans ses relations avec un continent, l’Afrique, qui est notre voisin immédiat. Nous avons de très bonnes relations avec d’autres pays dans d’autres continents. Et nous voulons avoir aussi de très bonnes relations, pas seulement diplomatiques, mais aussi des rapports économiques, commerciaux, culturels, migratoires avec les pays du continent africain.

A combien se chiffre l’aide européenne au Bénin ?
Dans le cadre de ce partenariat pour l’Union européenne qui représente quand même un collectif de pays développés et dans le cadre de l’Accord de Cotonou, l’Union européenne, pour la période qui a commencé maintenant, de 2014 à 2020, a misé sur une enveloppe indicative de 372 millions d’Euros, soit 244 milliards de FCFA au titre du 11ème Fonds européen de Développement (FED). A cela, viendront s’ajouter d’autres interventions de l’Union européenne qui ne sont pas programmables. Qu’est-ce je veux dire par là ? Ce sont des actions sectorielles qui viennent s’ajouter lorsque la demande est exprimée. Je prends par exemple le cas de l’énergie. Dans le domaine de l’énergie, il y a ce qu’on appelle la Facilité Energie. C’est quelque chose qui ne s’applique pas seulement au Bénin, ça s’applique dans un cadre plus large. Bien sûr que le Bénin peut en bénéficier. Mais, en fait, il en a déjà bénéficié. Comme vous le savez, le Bénin accueille le WAPP (West-African Power Pool). En février, nous avons posé la première pierre de la construction du centre de la communication et d’information du WAPP qui est un programme régional financé par l’Union européenne à hauteur de 30 millions d’Euros (20 milliards de FCFA). L’énergie sous-régionale est un axe de priorité pour l’Union européenne.

Quel est le bilan au plan de l’éducation et des infrastructures de transport ?
Constatez que nous sommes un groupe de personnes réunies ici aujourd’hui et l’énergie n’est pas au rendez-vous. Il y a délestage. Ce n’est pas une surprise. Et ce n’est pas un cas unique pour l’Afrique de l’Ouest. Malheureusement, ça arrive aussi à d’autres pays de la sous-région. L’énergie est un élément fondamental pour le développement. C’est pourquoi nous la mettons toujours en exergue dans notre coopération. Alors, vous m’avez posé une question sur l’éducation. Dans le domaine de l’éducation, l’Union européenne a choisi de ne pas intervenir parce qu’il y a d’autres bailleurs qui sont très présents et qui font du très bon travail. Comme vous le savez, il y a une distribution de tâches qui s’opère entre les bailleurs sur la base des accords pris au niveau international. Donc l’Union européenne n’intervient pas dans ce domaine. Maintenant, nous suivons de très près l’évolution de l’éducation dans ce pays parce qu’on a des éléments de diagnostic de la santé du pays, pas des personnes mais du pays. Savoir si le pays se dote d’une éducation de qualité est un élément important pour le diagnostic que l’Union européenne fait sur la santé d’un pays.

Sur les infrastructures.
Nous avons une large, traditionnelle et historique expérience dans la construction des infrastructures dans ce pays. Pendant 20 ans, on a travaillé dans ce domaine qu’on a quitté lors du passage du 10ème au 11ème FED. Le 10ème FED est terminé en 2013 et le 11ème commence en 2014. On a décidé, ensemble avec le Gouvernement, de changer de secteur. Pendant 20 ans, nous avons beaucoup contribué à la construction d’un réseau routier important dans ce pays. Je dirai qu’il n’y a pas un seul kilomètre entre Cotonou et Malanville, par exemple, qui n’ait pas été réalisé avec la contribution de l’UE. Nous avons décidé ensemble, disais-je, qu’il appartient à l’administration de prendre entièrement ses responsabilités dans ce domaine. L’administration béninoise est à même de pouvoir entretenir et développer ce qui est déjà fait, surtout parce que le Bénin est une porte d’entrée pour les pays enclavés du nord.

Est-ce que ça veut dire que le Bénin est suffisamment doté de routes ?
Il y a l’essentiel. Bien sûr que vous pouvez faire plus. Ce développement passe par un plan directeur qui a été d’ailleurs financé par l’Union européenne, qui nous dit ce qu’il faut faire aujourd’hui, dans cinq ans, dans dix ans voire vingt ans, compte tenu de l’évolution du Bénin. Mais nous ne pouvons pas prendre cela sous notre responsabilité puisqu’il ne faut pas qu’on apporte le pain comme on le dit chez moi. Le Bénin doit aussi participer en apportant l’eau ou le sel et nous, la farine pour la fabrication du pain. Désormais ce sera dans l’agriculture qui est le secteur du futur, dans lequel il y a déjà d’autres bailleurs qui travaillent, où nous venons mettre notre contribution. Comme je l’ai dit, c’est un secteur porteur et qui, si on fait bien, donne rapidement du travail, des opportunités de développement personnel et professionnel pour les jeunes Béninois. Le Bénin ne se termine pas à Cotonou. Il est très grand et il y a énormément de gens qui attendent pour pouvoir exercer leur métier et leurs talents dans le domaine de l’agriculture.

Pourquoi l’UE n’est pas intervenue dans la construction de la route Akassato-Bohicon ?

Celle qui est en mauvais état ? (rires). Ecoutez, le Gouvernement via le Ministère des transports est le maître d’ouvrage. Il faut garder à l’esprit que ce ne sont jamais les bailleurs qui font les travaux. C’est plutôt le Gouvernement qui les fait grâce au financement des Bailleurs. Cela peut être la Banque Mondiale, la Banque Européenne d’Investissement ou l’UE. Le Gouvernement nous a demandé de destiner une partie de l’argent à d’autres projets parce qu’il y avait d’autres partenaires qui voulaient investir dans la construction de cette route. Pour nous, la parole du roi n’est pas à contester. C’est pour cela que nous avons convenu que ce tronçon soit fait par quelqu’un d’autre. Et nous, par contre, nous allons destiner notre argent à d’autres besoins, vu que les besoins sont nombreux. Que ce soit l’UE ou un autre bailleur qui finance les infrastructures, c’est la société qu’on sert, car, ces infrastructures sont la propriété de chaque usager. Donc, la part de responsabilité de chacun des usagers et de chacun des citoyens est engagée. Si on vous donne des jardins au milieu de la ville avec des fontaines d’eau, des roses, des violettes, est-ce que cela serait correct que le soir en arrivant là, on détruise tout et que le lendemain il n’y ait plus rien ? Ce serait du gaspillage. L’argent qui est mis à la disposition de la population sous forme d’infrastructures routières ou un don doit être préservé. Alors, non seulement ces infrastructures doivent être bien entretenues, mais elles doivent être bien utilisées. Si vous utilisez des poids lourds non appropriés aux infrastructures, vous faites du tort à vos concitoyens et pas seulement à l’Etat ou aux bailleurs parce que l’infrastructure va se dégrader. Je demande alors aux gens d’être respectueux vis-à-vis des infrastructures.

Et le secteur de l’agriculture ?

A ce niveau, nous avons décidé ensemble avec le Gouvernement qu’il y aurait un secteur de concentration pour l’économie rurale durable, y compris l’énergie rurale. Ce qui consiste à faire augmenter la capacité de production de l’énergie rurale pour que beaucoup de communautés qui sont loin des grandes villes puissent avoir, elles aussi, de l’énergie. Milieu rural veut dire transformation, veut dire augmentation de la production agricole, veut dire commercialisation, veut dire contrôle phytosanitaire de la production, veut également dire la mise en réseau des différentes unités productives, que ce soit sous forme d’une coopérative ou d’une association de producteurs, des associations de femmes qui font un travail particulier, par exemple, le beurre de karité. C’est à cela que nous allons destiner une bonne partie de l’enveloppe budgétaire dont j’avais parlé tantôt. Il y a aussi les microcrédits qu’on pourrait mettre à la disposition de ceux qui en auront besoin. Mais cela est encore en étude. Comme vous le savez, surtout en milieu rural, il n’est pas toujours facile à tout le monde d’aller à la banque. Alors, c’est là où l’argent public, de concert avec les initiatives privées, peut apporter du soutien aux gens qui en ont besoin pour développer leurs initiatives.

Quelle impression générale avez-vous de la gouvernance au Bénin ?

D’abord, la gouvernance est un concept qui porte sur la façon de gérer les affaires publiques. De quelles façons voulons-nous que les affaires publiques, c’est-à-dire les affaires de vous et moi, soient gérées ? Est-ce que nous voulons donner le pouvoir absolu à quelqu’un qui fasse des farces sur la chaîne publique sans aucune possibilité de donner notre avis ? Moi, je ne partage pas cette façon de faire. Il y a d’autres façons de s’organiser où, à travers un système de transparence, un système de participation bien défini avec une planification claire, on peut effectivement apporter des améliorations à notre vie collective. Dans ce cadre, la bonne gouvernance n’est pas quelque chose qui est seulement bon pour le Bénin. Elle est bonne pour la majorité des régimes du monde et naturellement de la sous-région. Donc, c’est pour cela que l’UE et les autres bailleurs mettent l’accent sur la bonne gouvernance parce que c’est un préalable pour tout développement heureux et conséquent. Au Bénin, vous avez quelque chose d’extraordinaire qui est la capacité critique que vous pouvez exercer tout le temps. C’est pourquoi l’on doit se féliciter pour l’existence de ce climat d’ouverture. L’UE est donc heureuse qu’on puisse compter sur cette dimension. Maintenant, la gouvernance ne comporte-t-elle que l’action du gouvernement ? Non. La gouvernance couvre l’ensemble des institutions, c’est l’ensemble de la société qui doit être visée par cela. Si nous mettons tout ensemble dans ce cadre, le résultat de notre analyse de la gouvernance politique et économique du pays est positif au Bénin. Mais cela ne veut pas dire que tout est rose. Nous avons aussi quelques réserves, quelques éléments à discuter avec les différentes institutions dans le cadre de ce que nous appelons le dialogue politique. Bien sûr, il y a des améliorations à apporter. Mais, globalement la gouvernance du Bénin, pour l’UE, est positive.

Quelles sont ces réserves que l’UE émet sur la gouvernance béninoise?

Je vais vous donner un seul exemple : le climat des affaires, la transparence dans le milieu économique. Je pense qu’il y a des marges pour une amélioration. Ce n’est pas une critique pour le Bénin seul. Dans nos pays, cela arrive aussi. Le problème, ce n’est pas qu’il y ait une tache sur votre costume. C’est la capacité de la voir et de la corriger. Et donc, dans nos Etats membres, nous essayons de les corriger. Nous espérons que le Bénin fera la même chose.

Avez-vous l’impression que le Bénin fait suffisamment d’effort, par exemple, dans la lutte contre la corruption ?
Je pense qu’il y a une sincère volonté du Chef de l’Etat et de son Gouvernement de lutter contre la corruption. Maintenant, les méandres peuvent être extrêmement compliqués. Peut-être que la lumière n’est pas suffisante pour voir clair dans tous les coins. Là, j’invite effectivement à ne pas perdre la veille et à continuer à surveiller parce que la tentation réside partout, particulièrement là où il n’y a pas de lumière.

Parlons de la LEPI. Pourquoi l’UE ne finance-t-elle pas la phase de correction de la Lépi ?
Ce n’est pas l’UE qui a réalisé la liste. Nous avons financé la création de l’instrument. A un moment donné, le Bénin faisait face à une situation : se lancer dans les différents processus électoraux sans avoir une base électorale crédible, sérieuse et actuelle. De concert avec d’autres bailleurs, nous avons financé largement la création de cette base qui a servi déjà pour les élections dont les mandats sont encore vivants, par exemple, les membres de l’assemblée. Le président de la République a été élu grâce à cette base électorale. Pourquoi nous ne sommes pas intervenus dans la phase de correction ? C’est parce que nous ne sommes pas intervenus dans la première phase ; Nous ne le ferons pas maintenant non plus. Ce n’est pas à l’UE d’écrire les noms sur les listes, de savoir si vous êtes inscrit ou pas, si vous êtes mort, vivant, mineur ou majeur ou si vous n’avez pas le droit de voter parce que vos droits civils ont été annulés par une décision judiciaire. C’est le système national qui doit le faire. Nous avons financé la création de l’instrument et l’avons mis à disposition des institutions. Maintenant, il faut le gérer. Il y a d’ailleurs le COS-LEPI qui est déjà en train de le faire avec une procédure à plusieurs étapes. Une ou deux étapes ont déjà été accomplies. Nous, on se félicite de ce que ce travail avance. Nous pouvons seulement exprimer le désir que ce travail aille plus vite et qu’il se termine rapidement, parce qu’il y a des échéances électorales qui doivent être tenues. Déjà, l’année prochaine, il y aura les élections législatives. Mais, même avant, il y a les élections locales qui doivent être tenues. Et ce serait très bien que les résultats de la présente actualisation soient mis à contribution.

Est-ce vrai que l’UE n’apporterait pas son appui au Bénin si les élections locales et communales ne se tenaient pas à bonne date ?
Non, nous ne l’avons jamais dit. L’UE et le Bénin participent à un ensemble de valeurs. L’une de ces valeurs, c’est la démocratie. La démocratie veut dire interroger les citoyens de temps en temps sur la marche des affaires. Ça peut être par la voie d’un référendum ou par les élections législatives, présidentielles ou locales. Nous avons demandé aux autorités l’état d’avancement pour la tenue régulière des élections locales. Nous avons eu une réponse. Mais nous n’avons jamais dit que parce qu’il n’y a pas eu d’élection, nous n’apporterons pas notre soutien au Bénin. Nous suivons ça de près, mais la conditionnalité qui est à la base de votre question, je la nie totalement.

Voulez-vous dire que vous émettez des inquiétudes par rapport à la non-tenue de ces élections ?
Les élections doivent avoir lieu. Si elles n’ont pas lieu, il faudra s’expliquer sur les raisons pour lesquelles les citoyens ne sont pas convoqués pour exprimer leur souhait. On le fera quand les conditions seront réunies. Si on m’explique que ce n’est pas le cas parce que les bases de ce corps électoral ne sont pas encore prêtes, encourageons ceux qui doivent le faire à améliorer les listes pour qu’on puisse avoir une élection en temps voulu. Je pense que les gens veulent voter.

Récemment, vous avez rencontré les parlementaires béninois. En quoi cette démarche était-elle nécessaire?
Quand je suis arrivé, je me suis entretenu lors d’une visite de courtoisie avec le président de l’Assemblée nationale qui a été extrêmement gentil avec moi et on a échangé. Je me suis mis à sa disposition, s’il le jugeait utile, pour avoir des échanges plus larges avec d’autres membres du parlement. Par exemple, avec la commission des affaires extérieures et de la coopération de l’Assemblée. Ensuite, j’ai reçu un jour un coup de fil me proposant d’aller m’adresser à l’ensemble des députés. Je ne pouvais pas le refuser. Si je le fais pour quelques-uns, je dois le faire pour tous. Donc, ça a été une heureuse initiative de me convier à rencontrer les honorables membres de l’Assemblée nationale pour nous entretenir sur l’état de nos relations en général. C’était également pour leur expliquer la déclinaison que le Programme indicatif national 11ème FED aura. Mais, ce n’est pas seulement cela. C’était une discussion ouverte. On a évoqué beaucoup de sujets. J’ai trouvé que c’était une expression d’ouverture et une bonne opportunité de la part de l’Assemblée nationale de souhaiter recevoir directement des renseignements de la bouche du représentant de l’Union européenne. C’était un grand honneur et une grande satisfaction d’avoir été là pour expliquer aux députés les différentes modalités. On a eu des échanges très riches, corrects et respectueux où chacun a défendu sa cause et c’était très bien. Pour le président et le reste des membres, je serai toujours à leur disposition lorsqu’ils voudront avoir un dialogue du genre.

Quelle suite avez-vous donné aux préoccupations des honorables députés ?

Ces échanges ont été extrêmement utiles dans un autre contexte. Comme vous le savez, lorsque nous faisons la programmation de notre programme indicatif, nous appelons différents groupes de la société à se prononcer. C’est comme ça que nous avons reçu les corps constitués dans le domaine économique, les acteurs de la société civile, les investisseurs, les syndicalistes. Les contributions que nous avons pu tirer des échanges avec les députés nous ont aussi aidé à mieux cerner les désirs du Bénin en ce qui concerne la contribution de l’Union européenne dans le cadre de la lutte contre la réduction de la pauvreté et en faveur de la croissance du pays.

Les crédits accordés par l’UE au Bénin sont-ils toujours intégralement consommés?

En ce qui concerne la coopération au développement, pas seulement au Bénin mais dans la sous-région, le système de l’UE est basé sur une idée selon laquelle nous devons obtenir des résultats mais pas à n’importe quel prix, c’est-à-dire qu’il faut bien faire les choses. Les projets doivent être bien pensés avant d’être exécutés pour qu’ils ne soient pas des éléphants blancs, et donc qu’il y ait des réalisations qui donnent des réponses à ce qui était dit au début. Mais, il y a un autre élément qui est essentiel, c’est de s’assurer que l’argent du contribuable européen pour lequel nous sommes tous redevables, est bien dépensé. Moi, je dois rendre compte de tous les centimes d’euros qu’on dépense. Il faut s’assurer que la dépense exécutée pour le compte du maître d’ouvrage, c’est-à-dire de l’Etat béninois, financée par l’Union européenne, soit bien faite. Il y a des audits pendant l’exécution des travaux, ensuite des audits financiers comptables en permanence et à la fin un audit général. Je dois vous dire que le Bénin n’est pas parmi les pays mauvais. Je ne dirai pas qui est le meilleur ni le pire.

Monsieur l’ambassadeur, quelles sont les grandes avancées à venir entre l’UE et le Bénin ?
Ecoutez, nous sommes tellement parfois dans le quotidien qu’on oublie que le monde n’arrête pas de tourner et qu’il ne nous attend pas. Je dois vous dire concernant l’actuelle réalité du monde qu’il devient de plus en plus petit avec l’augmentation vertigineuse des facilités du transport et des échanges d’information. On connait maintenant en temps réel tout ce qui se passe, malheureusement, dans certaines provinces de l‘Ukraine ou je ne sais dans quel pays lointain. Et donc, le monde devient un village planétaire comme je vous l’ai précédemment dit. Et notre action doit s’inscrire dans ce « village ». Qu’est-ce que je peux encore vous dire concernant d’autres perspectives ? Premièrement, faire un effort ensemble (le Bénin, l’UE et les autres bailleurs de fonds) pour sortir de la dépendance. Donc, la réduction de la pauvreté n’est pas seulement un objectif honorable. C’est qu’il faut donner aux citoyens les moyens de s’auto-développer. C’est extrêmement important. La dépendance, c’est négatif. Donc, il faut vraiment travailler là-dessus. Deuxièmement, la question de l’intégration régionale. Evidemment, le Bénin n’a pas de salut tout seul, tout comme l’Espagne mon pays n’avait pas de salut tout seul. Nous devons travailler ensemble avec les autres. Et ça, le Gouvernement béninois l’a bien compris. Si nous posons aujourd’hui les jalons de cette intégration, nous rattraperons peut-être le futur. Le futur sera moins mauvais si nous travaillons ensemble aujourd’hui. Un exemple: l’épidémie de la fièvre Ebola. C’est une épidémie, mais c’est avec le concours de la coopération internationale qu’on est arrivé à limiter ses dégâts. On ne va pas laisser le pays s’étouffer tout seul. Est-ce que fermer les frontières est vraiment la solution ? Non. On doit apporter de l’extérieur de l’aide pour remédier à ces différentes difficultés. Aujourd’hui, c’est eux, mais demain, peut-être, ce sera notre tour. Sur toutes ces questions précitées, sans oublier celle de l’énergie, on doit travailler ensemble.

Le Bénin est actuellement en train de préparer la Table ronde des investisseurs qui aura lieu à Paris. Est-ce que l’UE pourrait accepter d’accompagner le Bénin en matière de financement des projets qui vont sortir de cette Table ronde ?

Il ne faut pas organiser une Table ronde à Paris pour que l’Union européenne soit aux côtés du Bénin. Nous l’avons déjà été, nous le sommes maintenant et nous le serons après, bien sûr. Nous sommes justement avec le Gouvernement en train de fixer les jalons de notre contribution pour la période 2014-2020. S’il faut aller à Paris pour exprimer notre soutien politique et financier au développement du Bénin, nous le ferons. Nous serons aux côtés du Bénin parce qu’il nous semble qu’effectivement, de temps en temps, s’installer dans une vitrine et pouvoir exprimer librement les souhaits de notre développement, et voir qui nous accompagne, c’est bon. La Côte d’Ivoire l’a fait, le Nigeria aussi comme le Sénégal. Pourquoi pas le Bénin ?

En octobre, devrait commencer la mise en application du nouvel accord ACP-UE. Cet accord peut-il faire sortir les pays d’Afrique de leur dépendance ?

Il faut clarifier le sujet que vous évoquez. Vous parlez de la perspective pour la sous-région de signer avec l’UE des accords de partenariat. Et donc là, il n’y a pas d’ultimatum, il y a des règles. La première règle est que l’Accord de Cotonou prévoit qu’à un moment donné, les Etats membres, réunis région par région, allaient négocier des Accords de Partenariat Economique (APE) avec l’Union européenne dans le but d’apporter davantage de conditions à la création de richesses afin d’éradiquer la pauvreté. Je m’explique. Quelle est la réponse à donner lorsque vous voulez créer plus de richesses ? Le commerce, l’industrie, bref les activités économiques. Ce sont les réponses à la création de la richesse qui vont nous aider à réduire la pauvreté. La réduction de la pauvreté ne se décrète pas. On la travaille avec des activités économiques. Ce n’est pas avec des réglementations contraignantes, difficiles, parfois inexplicables qu’on avance dans la facilitation des activités économiques. Les Accords de Partenariat Economiques à la base cherchent à faciliter les échanges entre l’UE et les ACP, dans le cas d’espèce, les pays de la sous-région. Ces accords de partenariat sont complexes, très complexes. D’abord parce qu’au préalable, ils vous exigent, vous, pays de la sous-région, de vous mettre d’accord, puisqu’ils vous demandent de négocier collectivement avec nous. Les accords économiques entre l’UE et la sous-région ont suivi un processus de négociation qui s’est terminé l’année dernière. On a pris acte de la fin des négociations au niveau des Chefs d’Etats et de Gouvernements respectifs. Et on a dit qu’il faut maintenant avancer vers la conclusion. Au cours de la conclusion, les pays de la sous-région nous avaient demandé un délai supplémentaire pour affiner les accords internes. On est à cette étape. Aujourd’hui, je peux dire que je suis optimiste et content. Content parce qu’on a conclu les négociations. C’est un bon moment quand on conclut les négociations. Ça veut dire qu’on est d’accord. Optimiste parce que je sais qu’on va trouver un arrangement pour pouvoir passer à la phase suivante qui est la signature de l’accord. La signature de l’accord va du coup éliminer une série de problèmes qu’on avait accumulés. Un, c’est le fait qu’actuellement il y a certains pays qui ont déjà signé des accords intérimaires qu’il faut reprendre dans l’accord général. Deux, qu’une fois qu’on avancera dans la mise en œuvre de l’accord que j’espère on va signer bientôt, cela sera stimulant pour que les pays travaillent davantage ensemble. Il reste encore beaucoup à faire. Je vous dis que, tout récemment, on a célébré le 64ème anniversaire de l’UE. 64 ans à construire brique par brique le complexe européen. Tout porte à croire que c’est terminé mais ce n’est pas terminé. Donc, je reviens à votre région. Votre région doit prendre ses responsabilités par rapport à l’engagement pris vis-à-vis des autres régions. Attention, ce n’est pas seulement vis-à-vis de l’Union européenne. Il y a aussi l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et les autres pays. Deux choses que ces accords vous apportent de bien, c’est qu’ils vous donnent un substrat commun sur lequel vous pouvez travailler tous, c’est- à dire que ce n’est pas quelque chose de spécifique à l’Europe. C’est en conformité avec les règles internationales. Une dernière chose que je vais vous dire, c’est que dès que vous, pays de la sous-région, serez insérés dans le système des APE, l’UE a pris l’engagement d’aider avec des programmes spécifiques, à la mise à niveau de certains pays. Vous n’êtes pas sans savoir que de la même manière que les 28 pays de l’Union européenne ne sont pas au même niveau de développement, les seize pays de la sous-région ouest-africaine, ne sont pas non plus au même niveau de développement. Il y en a qui ont besoin de mise à niveau. Il y a un paquet financier d’accompagnement d’au moins 6, 5 milliards d’euros (4264 milliards de FCFA) pour la période 2015-2020 qui a été mis à leur disposition pour cela, dès lors qu’on aura signé les accords. Ça a été confirmé par le Conseil de l’UE en mars dernier.

En application des accords ACP– UE, vous aviez tenu ce que vous appelez « le dialogue politique » avec le Bénin. Beaucoup n’ont pas compris « ce dialogue ». Pourquoi les membres de l’opposition n’y ont pas été associés ?

Le dialogue politique, c’est un instrument prévu dans nos accords pour avoir un dialogue avec le Gouvernement. Celui-ci peut élargir la panoplie d’acteurs avec lesquels il souhaite avoir un dialogue avec nous. C’est pourquoi le Gouvernement a jugé bon d’associer d’autres présidents d’institutions et d’autres acteurs qui lui convenaient. Mais, c’est au Gouvernement de décider de la liste. Ce n’est pas à moi de la lui imposer. On aura encore cette année 2014 un autre dialogue politique, peut-être pas exactement, selon les mêmes modalités que celles de 2013.

S’il vous était donné d’apprécier l’état de la démocratie béninoise que diriez-vous ?

Au long de mon intervention, vous avez déjà compris que l’appréciation que l’Union européenne fait du système béninois, c’est qu’il est performant. Il y a beaucoup d’activités et beaucoup de liberté. C’est une société vivante et nous nous en félicitons. Nous continuerons d’être à ses côtés tout au long de la période allant de maintenant jusqu’en 2020. Il y a notamment une enveloppe financière entièrement dédiée à appuyer la société civile. Quant à la santé de la démocratie béninoise, c’est aux Béninois d’en juger, de la booster et de la manifester. Nous venons apporter simplement notre petite contribution. Je dis « petite » parce que si elle est importante et que même si en période de crise elle est plus importante que jamais, elle n’est qu’un petit grain de sable à côté des efforts incomparables que les femmes et les hommes béninois font tous les jours. C’est ce qui va vous sortir de la difficulté. L’Union européenne constate qu’au Bénin, il y a une société ouverte où les libertés sont respectées. Nous constatons que la démocratie béninoise se porte bien. Dans le contexte régional, je dois dire qu’elle se porte même très bien.

Votre mot de fin

Ce sera pour vous remercier pour le temps que vous avez consacré à en savoir plus sur l’Union européenne et ses activités dans le pays. Je trouve la possibilité de venir parler de notre travail sous l’Arbre à Palabre un privilège. J’espère que d’ici trois ans, quand je serai en fin de mission, je pourrai venir à nouveau ici, sous l’arbre qui sera encore plus grand, pour vous raconter une vision plus complète du Bénin et approfondir davantage dans ses relations avec l’Union européenne.

La Rédaction

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