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Le triomphe de la vérité

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Edito: De Zossou à Madougou


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L’histoire ne se répète pas. Ici, elle se contredit littéralement.
Hier, c’était Gaston Zossou. Ministre de la communication  et porte-parole du gouvernement sous l’ère Kérékou II finissante, c’est lui qui justifia bruyamment la destruction des affiches « Touche pas  ma constitution » de l’Association Elan dirigée à l’époque par une certaine Reckya Madougou. Il clamait alors que le pays n’était pas en campagne pour que le gouvernement tolère cette dérive. Il clamait que l’Association Elan était en situation de trouble à l’ordre public, qu’elle n’avait même pas le droit de faire ce qu’elle faisait, c’est-à-dire exprimer publiquement son opposition à toute révision « opportuniste » de la loi fondamentale. Nous étions en 2005, il y a moins de dix ans, en une époque où tous les patriotes avaient l’impression que Mathieu Kérékou tentait de faire modifier la loi fondamentale pour s’éterniser au pouvoir. D’où d’ailleurs la naissance de l’Association Elan  qui n’exista pratiquement que pour combattre ce projet qu’on soupçonnait le vieux de nourrir. Le général eut, contre lui, son propre ministre de la défense, fidèle parmi les fidèles, Pierre Osho qui démissionna du gouvernement avec fracas pour protester contre des agissements qu’il entrevoyait comme annonciateurs de la révision.
Aujourd’hui, c’est Reckya Madougou. Ministre de la justice et, ironie du sort, porte-parole du gouvernement Yayi II, elle n’en défend pas moins la « séquestration » du même Gaston Zossou en lutte cette fois contre la révision de la même constitution. Il lui a suffi, dimanche, de laisser entendre (suprême raffinement dans la feinte !) qu’elle n’avait ni vu ni entendu parler de la pseudo-séquestration de Gaston Zossou en son domicile, lors de cette fête solennelle du 1er août, par les forces de l’ordre pour l’empêcher d’aller manifester contre la révision de la constitution. Non, elle n’en est pas informée, et n’a certainement pas regardé la télé ni lu les journaux depuis le 31 juillet, occupée qu’elle était aux grandes affaires de la république et à sa famille qui vient de s’agrandir par la « grâce divine ». Non, elle ne peut en être informée, comme elle ne peut savoir non plus qu’il existe un certain Mouvement « Alternative Citoyenne » (l’autre Elan ???) qui organise les Mercredis Rouges.
Entre l’ancien ministre converti en opposant notoire, et l’actuelle ministre devenue porte-flambeau de la cause révisionniste autrefois pourfendue, le peuple béninois se trouve coincé dans les inconséquences de sa classe politique.  Et je perçois déjà les cris fatalistes de tous ceux qui, comme le Président Adrien Lokouta Eleki Mingi dans Verre cassé d’Alain Mabanckou (Seuil, 2005),  laissent échapper leur fureur : « Oui, pour moi vous n’êtes tous que des mangues pourries ».
Qu’il s’agisse de Gaston Zossou ou de Reckya Madougou, chacun joue une partition arrangeant ses intérêts du moment. Car, en effet, ce que Madougou fait aujourd’hui n’est-il pas l’exacte réplique de ce que fit Zossou hier ?
Hier, Elan, financé depuis Lomé par qui l’on sait, avait su montrer le candide visage d’un patriotisme foudroyant. Aujourd’hui, un Andoche Amègnissè, démissionnaire du mouvement Mercredi Rouge, dit tout haut que toute la mobilisation est financée par Patrice Talon. Et qu’il ne saurait tolérer que l’on lutte contre un absolutisme en usant d’un autre absolutisme sous la coupe d’un homme d’affaires réputé ennemi juré de Yayi.
Je veux jurer que Reckya Madougou était hier une patriote convaincue. Je veux croire, qu’hier aussi, Gaston Zossou n’était mû que par la volonté de servir la République du mieux qu’il pouvait. Mais, alors se pose une question : et aujourd’hui ?
Se retrouvant dans des positions diamétralement opposées, leurs rôles et leurs discours ont si profondément changé qu’il ne serait pas inintelligent de croire que la conscience des peuples est d’une fragilité déroutante. « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, rappelle Karl Marx, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience ». Autrement dit, chaque homme n’est qu’esclave de sa situation du moment.
Le peuple ? Peut-être pas, mais surtout ces dirigeants versatiles et frileux auxquels il croit sur la foi de fausses valeurs. Si chaque peuple ne mérite que les dirigeants qu’il a, il faut donc s’interroger sur ce qui fait que le nôtre n’élève que ceux qui lui mentent et le manipulent. Pourquoi il ne refuse pas de céder à la déraison chaque fois qu’il lui faut dire individuellement et collectivement non à l’empire du mal…

Par Olivier ALLOCHEME

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