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Le triomphe de la vérité

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Edito: Malaise général


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A l’heure où je rédige ces lignes, il n’y a pas de courant. On a eu recours à notre groupe électrogène qui n’a jamais été aussi utile que ces jours-ci. Mon bureau est chauffé à blanc, le brasseur ne brasse plus que de la chaleur. L’eau courante est coupée, ou plutôt vient quand elle veut. L’internet aussi. Dans la journée, il a été impossible de trouver du carburant dans quatre stations que j’ai sillonnées : pas de courant égal pas de carburant. Un ami opérateur économique  qui m’a rendu visite me communique son pessimisme : les banques ont définitivement fermé la porte aux nez des entrepreneurs qui traitent avec l’Etat. Il n’est plus crédible devant aucun établissement financier digne du nom. Il croit savoir même que dans certaines banques, ce sont les conseils d’administration qui en ont ainsi décidé. Puis un autre m’appelle, tout affolé : il n’y a plus d’argent dans le pays. Il se demande si le chantier qu’il  a ouvert il y a quelques mois pourra s’achever un jour. Le prix du sable lagunaire a bondi la semaine dernière alors que celui du ciment n’a jamais été aussi élevé. Au marché, tout est cher et la mévente généralisée.

De deux choses, l’une. Soit toutes ces situations n’arrivent dans la même journée que de façon exceptionnelle, et je peux espérer qu’il ne s’agit que d’une coïncidence bien malheureuse, soit c’est seulement maintenant que la récession m’apparait dans son implacable dureté. Il est clair, cependant que la deuxième option est la plus plausible. Il n’y a plus de doute que l’époque que nous vivons a enfanté un malaise généralisé qui nourrit les plaintes les plus amères de la population désespérée.

Il n’est pas sûr que les dirigeants voient réellement la gravité de la crise. Ils ne peuvent voir qu’avec la crise énergétique des centaines de milliers d’élèves et d’étudiants ne peuvent apprendre convenablement leurs leçons ni faire leurs exercices de maison. Ils ne peuvent concevoir, depuis leurs bureaux climatisés où ils échafaudent mille plans d’émergence ou de refondation qui échouent un à un, ils ne peuvent donc voir depuis ces bureaux dorés comment les boulangeries,  les poissonneries, les bars et autres pâtisseries suffoquent. Des drames singuliers se nouent derrière les portes des maisons, mais la population se contente de se plaindre. Pour le moment.

        Car, nous ne sommes certainement pas à la veille d’une révolte sociale. Contrairement à certains peuples qui ont la révolte facile, le nôtre est d’une patience inouïe. Il a compris que le gouvernement essaie de faire ce qu’il peut mais n’arrive pas encore à satisfaire la demande sociale pressante. Il a compris qu’il ne faut pas oublier les « facteurs exogènes », comme disent les cadres, qui influencent la maitrise de toutes ces années d’incurie. Il a aussi compris enfin que la révolte, elle-même, est une perte de temps quand la solution n’est pas vraiment à portée de main, à la portée d’un bâton magique qui règlerait  tout,  tout de suite, comme dans un conte de fée.

        Mais, il ne faut pas en abuser.  L’incompréhension générale qui se note sur les difficultés de la SBEE fait partie des facteurs probables de fureur publique. Il est incroyable que pour une denrée qui se fait rare, l’on en vienne à dresser des factures  inhabituellement élevées. Qui peut expliquer à ce peuple comment les factures d’électricité ont doublé voire triplé ou quadruplé en quelques mois, alors que le produit lui-même se fait plus rare que jamais ?      Qui peut nous dire ce qui explique que les turbines acquises à grands frais soient devenues inutiles avant d’avoir servi ?

        Mais en réalité, avant même ces déboires conjoncturels, la récession était déjà le lot quotidien des Béninois. Elle est visible dans l’assèchement des finances publiques consécutif  à la crise économique et à l’incapacité du gouvernement à trouver aux opérateurs économiques des sources additionnelles de création de richesse. Le cercle vicieux de la mal gouvernance est ici en cause. Et en premier chef, le Président de la république est le premier responsable de cette mauvaise gouvernance qu’il n’a de cesse de dénoncer.

Mais alors, à quand la fin de la faim qui frappe les plus vulnérables, ceux-là qui, de plus en plus nombreux, n’ont plus trois repas par jour ?

Olivier ALLOCHEME

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