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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les trésors de la mémoire


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J’ai été abasourdi ce mardi 09 novembre, lorsque j’ai appris, au détour d’une phrase sibylline d’un journaliste français, que Thomas Pesquet était revenu sur terre avec ses trois coéquipiers. Abasourdi parce que pendant les six mois qu’a duré le séjour de l’astronaute français dans l’espace, jamais je n’avais entendu qu’il y avait avec lui trois autres personnes. Et en effet, avec lui il y avait le Japonais Akihiko Hoshide et les Américains Shane Kimbrough et Megan McArthur. Mais les médias français n’avaient d’yeux que pour « leur » Thomas au point de faire penser qu’il était seul dans l’aventure.
C’est que les Etats occidentaux ont construit un chauvinisme si puissant dans l’esprit de leurs citoyens qu’ils ont du mal à imaginer que d’autres Etats puissent exister. Et pour exister effectivement pour eux, il faut les affronter et les vaincre, y compris et surtout par la force armée.
En suivant ce mercredi la cérémonie mémorable de réception des 26 trésors royaux rapatriés de France, je ne puis m’empêcher de penser à cet esprit propre aux peuples occidentaux. C’est lui, cet esprit donc, qui a tenté d’anéantir les cultures africaines, en arrachant ici les symboles les plus éminents qui les caractérisent. La spoliation des œuvres patrimoniales est une pratique de guerre fort courante. Peintre raté, Hitler ordonna le vol à grande échelle des richesses artistiques privées et publiques de France, entre 1941 et 1945. Ce qui donna lieu à une vaste opération de résistance pour sauver des milliers d’œuvres recherchées par les nazis. Ce pillage systématique est identique à celui qui permit au général Dodds de mettre à sac les palais royaux du Danxomè. Nos aïeux avaient perdu la guerre et devaient en subir les conséquences.
Aujourd’hui, l’histoire nous permet de retrouver une partie de ces œuvres. Et j’attends de les visiter en janvier prochain pour apprécier le génie de ces artistes qui nous montrent aujourd’hui que nous ne manquions pas de technique, même en ces temps-là où l’on nous dépeignait comme des animaux. Car il n’y a pas si longtemps que nous avons pu nous convaincre nous-mêmes que nous sommes des êtres humains. Nous aussi. « Eia pour le Kaïlcédrat royal !
Eia pour ceux qui n’ont jamais rien inventé/
pour ceux qui n’ont jamais rien exploré/
pour ceux qui n’ont jamais rien dompté», s’écriait Aimé Césaire.
Pendant longtemps, les générations de ceux qu’on appelait les évolués apprenaient à l’école qu’ils étaient en fait des sauvages. Et qu’il a fallu la colonisation et l’esclavage pour les sortir de l’enfer où les plongeait directement leur sauvagerie. Plusieurs décennies après l’indépendance, l’hymne national d’un grand pays comme le Cameroun clamait que c’est la colonisation qui sortit ce peuple de la barbarie. Et voilà que ces œuvres magnifiques viennent dire tout le contraire !
Comment donc ces sauvages ont-ils pu être aussi sauvages pour concevoir et réaliser le trône royal si divinement sculpté de Ghézo ? Quelle barbarie exquise en effet que ces statuaires sortis des doigts magiques des artistes royaux, en un siècle sans machine !
Il faut lire le Bellum Gallicum (La guerre des Gaules) de Jules César pour apprécier tout le mal que ce conquérant romain disait des Gaulois (c’est-à-dire des français d’aujourd’hui), les dépeignant comme des sauvages, des gens paresseux passant toutes leurs journées au milieu des femmes…La même rhétorique nihiliste qui nous fut servie et enseignée pendant longtemps en Afrique.
Je suis de ceux qui commencent à douter sérieusement de ce que nous enseignons encore à nos enfants, à savoir que nos sociétés sont en réalité fondées sur l’oralité et ne connaissaient guère l’écriture. Il a fallu découvrir les manuscrits de Tombouctou au Mali pour se rendre compte que des millénaires durant, certains peuples africains avaient parfaitement connu l’écriture et la science, même si celles-ci n’étaient pas à la portée de tout le monde. Je suis convaincu que des formes d’écriture conservées dans les couvents religieux ont pu être perdues sous les coups de boutoir de la colonisation et de l’abêtissement subi par nos élites scolarisées à l’école du blanc dominateur.
Au-delà de l’amertume du passé, il nous appartient désormais de créer nos propres mythes nationaux pour bâtir nos nations. Quand adviendra cette fierté patriotique enseignée dans nos écoles et nos universités, lorsqu’elle sera vantée dans nos films, nos chansons et nos bandes dessinées, nous aurions construit un Etat fort. Car, ne nous leurrons pas, les autres peuples ne nous ferons jamais de cadeaux si nous n’aimons pas suffisamment notre pays pour résister à leur instinct prédateur.

Par Olivier ALLOCHEME

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