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Le triomphe de la vérité

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Edito: La manœuvre africaine de Macron


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Ceux qui pensaient que les sociétés civiles africaines allaient se faire avoir par la communication de l’Elysée, vont probablement déchanter. L’opération s’est révélée beaucoup plus ardue que ne le pensait Paris. Les intellectuels, activistes et autres acteurs de la société civile invités au sommet Afrique-France de Montpellier n’ont pas mâché leurs mots. Emmanuel Macron en a entendu des vertes et des pas mûres. Les invités de Montpellier ne l’ont pas raté sur le rôle de la France dans la déstabilisation des pays du Sahel, sur le franc CFA, l’aide publique au développement, le soutien de la France aux dictatures africaines et au troisième mandat dans certains pays. J’aime ce franc-parler qui tranche vigoureusement avec la langue de bois des sommets aux communiqués insipides d’antan. Pour tout dire, le format de cette rencontre, en plus d’être une nouveauté, a permis aux invités d’exposer au président français ce qu’aucun sommet n’aurait pu faire sur les liens entre l’ex-métropole et les pays de l’ex-pré-carré de Paris.
Mais Emmanuel Macron est un habitué de ces attaques directes auxquelles il est habitué à répondre tout aussi directement. Et donc prenant la mesure de la demande provenant du continent, il a saisi la balle au bond pour promettre des changements en profondeur. Création d’un fonds pour financer la démocratie en Afrique, changement de la dénomination de l’Agence française de développement, engagements renouvelés sur le Franc CFA ainsi que l’opposition claire de l’Elysée au troisième mandat. Ce que l’histoire retiendra aussi, c’est le retour réaffirmé des 26 oeuvres issues de notre patrimoine immatériel pillées au Bénin. Et même si les délais sont encore imprécis (fin octobre, disait Macron, février 2022, disent d’autres autorités françaises), nous avons désormais la certitude que ces pièces de notre histoire et de nos cultures rentreront bientôt au bercail. Last but not the least, Paris sait qu’il y a désormais en Afrique une nouvelle dynamique portée par des générations largement plus exigeantes que les pères fondateurs d’hier. Elle n’est pas seulement dans les sociétés civiles, mais aussi dans les élites dirigeantes. Emmanuel Macron disait justement : « Je suis prêt à aller jusqu’au bout dans tout projet qui nous permettra ensemble de réinventer et de redynamiser nos relations historiques, économiques et sociales». Ce sont là les fruits de Montpellier. Paris semble prendre conscience que l’avenir qui se dessine peut bien lui échapper s’il maintient le même paternalisme lénifiant qui a sclérosé tous les rêves de développement du continent. Et que les assassinats de chefs d’Etats (le cas de Sankara il y a 34 ans et de Kadhafi il y a 10 ans), les guerres civiles que l’on allume pour faire sauter des présidents patriotes (Pascal Lissouba au Congo-Brazzaville dans les années 1990), ne suffiront plus à la montée en puissance de nouvelles lignes de force représentées par la Russie et la Chine.
La France a peur pour son avenir en Afrique. Elle apparait de plus en plus démunie face au rouleau compresseur venu de Pékin et de Moscou. Là-dessus, la consultance apportée par les sociétés civiles à Montpellier ne suffira guère. La Chine par exemple est le premier partenaire commercial et le premier bâtisseur du continent, ainsi que le premier bailleur bilatéral de nombreux pays africains. La Russie est revenue depuis quelques années pour occuper le terrain géopolitique et géostratégique, sans compter d’autres puissances comme la Turquie et les pays arabes qui n’attendent que les faux pas des anciennes métropoles pour prendre leurs places. Paris paie cash le prix de décennies de félonies dans ses relations avec le continent. Et la force de conviction de Macron n’y pourra pas grand-chose.
Si la manœuvre macroniste tente de miser sur le futur, elle risque de mécontenter les dirigeants africains. Montpellier est une forme de pression sur ceux-ci, pour qu’ils écoutent davantage leurs sociétés civiles. Comment les dirigeants à Cotonou, Lomé, Niamey ou Dakar accueilleront-ils ce virage ? Y verront-ils une menace ou un soutien voilé aux contestations intérieures souvent animées par ces forces périphériques ? L’avenir nous le dira. Mais en attendant, on sait déjà que Montpellier a offert à l’Elysée comme une feuille de route pour mieux aiguiller ses ambitions africaines face à la concurrence redoutable d’autres puissances mondiales.

Par Olivier ALLOCHEME

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1 thoughts on “Edito: La manœuvre africaine de Macron

  1. Coovy

    Ce fameux sommet n’a rien appris de nouveau à Macron et aux politiques français. Des héros africains comme D’Ankara ont été plus incisifs et plus cohérents.
    Il est naïf de penser que la france puisse convoquer un sommet pour le bien de l’Afrique. D’ailleurs, de quel droit macron convoque-t-il des jeunes africains en france pour discuter de notre continent? Le paternalisme continue, et si ces jeunes étaient matures, ils auraient simplement boycotté cette rencontre dont l’Afrique ne tirera aucun bénéfice.
    Ce n’est qu’une stratégie de diversion pour utiliser des jeunes manipulables dans le but de déstabiliser notre continent à travers un pseudo financement de la démocratie, et d’installer des méthodes d’exploitation plus affinées.

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