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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’intifada des maux


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Roger Gbégnonvi a lancé la pierre à l’UAC. Il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier critique de l’université où l’écrasante majorité des cadres béninois ont été formés. Mais les mots employés et la comparaison négative utilisée sont si dégradants que c’en est trop. L’outrance délibérée, à défaut de convaincre, constitue un affront voire une injure. Quand vous avez choisi la voie de la démesure et de l’injure, vous avez choisi l’affrontement.
Roger Gbégnonvi veut montrer aujourd’hui que plus de 80% des cadres béninois, les médecins, les ingénieurs agronomes, ingénieurs en informatique ou en électricité, les avocats, les magistrats béninois, les comptables et autres financiers, sans oublier les enseignants, que tout ce monde a été formé dans ce qu’il a appelé un « lycée de banlieue », c’est-à-dire l’Université d’Abomey-Calavi. L’attaque ne brille pas seulement par sa médiocrité. Elle fait le pari de la destruction. Lorsque nous-mêmes nous en prenons aussi piteusement aux symboles même de notre respectabilité internationale, il ne faut pas s’attendre à ce que les autres nous respectent. Ceux qui ont déjà postulé à des postes internationaux vous le diront : si votre université n’a pas une bonne réputation au plan international, votre échec est presque garanti. C’est pourquoi, malgré les tares de l’université sénégalaise, les intellectuels sénégalais attaquent très rarement dans les médias l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Et les résultats sont là. Si jamais vous affrontez un Sénégalais à un poste international, la réputation seule de son université de provenance constitue un atout de taille. Imaginez ce qui se passe lorsque ceux qui ont enseigné dans nos universités se mettent publiquement à table pour salir leurs étudiants et leur avenir. Je parle de l’international comme si même au Bénin la plupart des institutions ne se comportent pas de la même manière.
Du fait de la mauvaise réputation que certains enseignants travaillent à donner de leur propre université, la plupart des institutions, entreprises et organismes internationaux siégeant ici au Bénin préfèrent largement des diplômes étrangers. Pourvu que ces parchemins soient délivrés par une université française, allemande, anglaise ou américaine. J’ai déjà vu une amie recrutée du fait de ses diplômes étrangers, engager elle-même des experts nationaux pour se faire recycler à grands frais pour tenir son nouveau poste. Ce paradoxe est devenu si fréquent que j’ai tiré ma propre conclusion : les Béninois ont tué la réputation de leurs propres universités. Et l’on comprend aisément pourquoi la plupart des parents préfèrent suer sang et eau pour envoyer leurs enfants à l’extérieur : pourvu qu’ils reviennent avec un diplôme français, allemand ou américain, quelle que soit leur qualification. A leur tour, ces promus de l’étranger perpétuent l’aberration. Et le cirque continue.
Cela ne signifie nullement qu’il ne faut pas évoquer les errements de nos universités. Cela signifie que les critiques ne devraient pas oublier que la responsabilité des étudiants dans ces errements n’est que marginale. Ce n’est pas à eux de payer pour les erreurs de gouvernance ou les politiques hasardeuses qui les empêchent d’avoir la formation qu’ils sont venus chercher sur les campus. Et par conséquent, il ne faudrait pas leur faire du tort par des généralisations abusives qui font plus de mal qu’ils ne construisent. Vous avez beau dénigrer l’université béninoise, vous ne pourrez jamais soutenir que les médecins béninois sont moins bien formés que leurs homologues sénégalais ou français. Il en est de même, de nos ingénieurs agronomes, de nos informaticiens ou de nos enseignants de mathématiques ou de lettres. Dans ces domaines du moins, le Bénin forme des professionnels de grande réputation et on n’en demande pas mieux à une université. La seule différence réside dans les conditions d’exercice de ces différents métiers, avec des plateaux techniques dérisoires, des équipements désuets ou inexistants ou encore des classes aux effectifs démentiels.
Oui, nos universités ont leurs maux. Actuellement même l’un des plus cruciaux reste le recrutement d’enseignants dans nos facultés. Du fait de la pénurie de personnel, la plupart des départements risquent simplement d’être fermés si les vacataires en poste depuis tant de temps dans la plus absolue des précarités, n’acceptaient pas de continuer de vivre d’espoir. En sacrifiant ainsi l’avenir de tout le pays.
C’est dire que nos universités ne manquent pas de problème. Mais ces problèmes n’ont pas encore atteint le niveau insoutenable que Roger Gbégnonvi tente de leur donner.

Par Olivier ALLOCHEME

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