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Le triomphe de la vérité

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Edito: Du panafricanisme


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Il y a ceux qui pensent qu’en 61 ans d’indépendance, rien n’est fait, que nos élites ont échoué et que l’Afrique est plus dépendante que jamais. Et les mains subreptices qui se cachent derrière cet afro-pessimisme agitent dans l’ombre l’autre idée qui a fait le titre du journal suisse Le Temps, en avril  2015 : « Faudrait-il  recoloniser l’Afrique ? » Bien sûr, ce colonialisme n’est plus territorial comme au XIXème siècle. Il fut, est et sera économique, idéologique et culturel. En développant et en faisant répandre la thèse de l’incapacité atavique des Africains à se gouverner par eux-mêmes, on nous vend par derrière les bienfaits des entreprises et des produits made in ailleurs. Et chaque fois que vous prenez un vol, vous vous surprenez à constater que l’essentiel de ceux qui occupent les business class sont ceux qui viennent de cet ailleurs. C’est eux qui ont réussi à nous faire avaler que nous ne sommes que des peuples d’incapables et que nous devrions boire leurs bières, acheter leurs médicaments, porter leurs vestes et leurs chaussures, conduire leurs voitures…Pendant que nous crions démocratie, pendant que nous formons nos jeunes à se focaliser sur les revendications politiques, des entreprises étrangères viennent cultiver du piment, des tomates, des concombres, d’autres font produire du tapioca dans les villages et les vendent à prix d’or à l’étranger. Pendant ce temps aussi, ce sont ces mêmes entreprises qu’on utilise pour fournir les services les plus essentiels de nos administrations : fournitures informatiques, livraisons de machines, expertises financières et juridiques…Une fois que l’on vous a convaincu que vos cadres ne valent rien, l’idée c’est d’importer d’ailleurs les services essentiels à votre survie. Il n’est donc pas étonnant qu’en faisant  bien le point, l’on se rend compte que la plupart des entreprises des grandes entreprises qui gagnent de l’argent sur la place de Cotonou, Abidjan ou Dakar sont détenues par des capitaux étrangers. Et avant même que vous n’ayez eu le temps d’y remédier, vous vous rendez compte que ces multinationales ont des liens solides avec le personnel politique, que ce soit dans un camp ou dans un autre. Les affaires sont les affaires !!!

Il y a ceux qui croient que même si nous n’avons pas pu atteindre le développement souhaité, nos pays n’ont pas démérité. Je fais partie de cette école de pensée. Et je ne dis pas forcément que le XXIème siècle sera africain. Mais qu’en 61 ans, nos pays ont connu plus de progrès qu’en un siècle de colonisation. Les résultats sont là, palpables. Seulement voilà, ces progrès sont considérablement ralentis par des freins internes et externes que notre vivre-ensemble   doit constamment affronter. C’est d’ailleurs pour cela que les efforts de panafricanisme  ont du mal à prospérer. Depuis Kwame N’Krumah jusqu’à Mouammar Al Kadhafi,  le mouvement panafricaniste est resté plus verbal qu’opérationnel. L’unification des peuples d’Afrique donne ainsi lieu à des fantasmes intellectuels sans lendemain. J’ai cessé de rêver lorsque l’Union Africaine a acquis son siège construit et équipé gratuitement par la Chine et que j’ai constaté que 70% du budget de fonctionnement de l’institution est assuré par des partenaires étrangers comme l’Union Européenne. Et dans la réalité, les institutions  régionales et sous-régionales comme la CEDEAO et même l’UEMOA   n’empêchent pas les Etats de fermer leurs frontières, sans prévenir qui que ce soit. Il y a deux ans que le Nigéria a fermé ses frontières avec le Bénin. Le Togo lui a emboité le pas il y a deux semaines, sous les prétextes les plus divers, et avec le même mode opératoire.

A l’intérieur même des Etats, les velléités de sécession  sont omniprésentes. L’un des cas les plus dramatiques a lieu actuellement au Nigeria où des groupes de plus en plus violents réclament l’indépendance de leurs communautés. A terme, c’est la désintégration de la fédération nigériane qui profile à l’horizon. L’une des égéries de ce mouvement, Sunday Igboho de la Yorouba Nation, est tombée aux mains de la police béninoise il y a quelques jours.  Peut-être pas avec la même ampleur, les micro-nationalismes  étroits qui sévissent dans la plupart de nos pays incitent à un optimisme prudent : le panafricanisme n’est pas un concept partagé en Afrique. La marche désordonnée et lente vers une monnaie unique ouest-africaine en est l’un des derniers avatars.

Néanmoins, je dis qu’il faut encourager des activistes comme Kèmi Séba, malgré leurs outrances, afin qu’ils bousculent les Etats à rendre possible ce qu’aujourd’hui nous sentons impossible.

Par Olivier ALLOCHEME

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