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Le triomphe de la vérité

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Sécurité alimentaire: Les maraîchers bios dans le tourment du conventionnel


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Des planches de légumes exceptionnellement bios

Au nombre des maraîchers qui s’évertuent à produire de beaux et délicieux légumes, figurent sans nul doute, ceux ayant opté pour une approche visant à sauvegarder leur santé, celle des consommateurs et des écosystèmes. Le choix de ces derniers à faire du bio, n’est pas sans conséquences sur leur production, au regard des nombreux défis à relever.

Faire du bio aujourd’hui, n’est plus une nécessité mais une réalité. Un peu partout au Bénin où la terre est accessible, existent des hommes et femmes engagées dans le maraîchage biologique, et fonctionnant avec des stratégies et produits autres que les pesticides et autres engrais chimiques. « Je cultive de la basilique, de l’amarante et des concombres. Pour les champs, je n’utilise que des produits bios comme : les fientes des animaux, les feuilles sèches comme celles du neem, trempées dans l’eau, sont servies pour arroser les plantes. J’utilise également de la cendre pour protéger les semences des insectes. La cendre est trempée dans l’eau pendant une semaine et c’est avec cette eau que j’arrose de part et d’autres, les planches. C’est très nocif aux insectes », explique Mahougnon Ignace Houssou, maraîcher à Porto novo. Comme lui, Carine Nouya, femme maraîcher à Pahou qui a opté pour l’approche éco santé, a également son mode d’emploi. « Pour fertiliser le sol, j’utilise la fiente ou le compost qui est un mélange d’ordures dégradables. Pour traiter le sol lorsque les insectes attaquent ma semence, j’utilise l’huile de neem qui est très efficace », dit-elle avec fierté. En effet, contrairement aux produits chimiques qui sont mis sur le marché, les maraîchers éco santé ont quant à eux, leur usine de fabrication d’engrais bios. « Nous fabriquons le compost que nous vendons aux maraîchers qui ont opté pour l’approche éco santé. Il s’agit du produit super gros, l’huile de neem, la décoction des feuilles de papayer et autres. Ceci permet de lutter contre l’invasion des insectes et facilite une bonne maturation des légumes et autres produits maraîchers », a révélé Marie Akoti, fabricante de compost et maraîchère à Cotonou. Une alternative qui fait de ces acteurs, de véritables pionniers ayant tourné dos à l’utilisation des pesticides dans le maraîchage et promoteurs de la préservation de la santé grâce aux produits bios. « J’ai opté pour le bio parce que j’aime ma santé, je veux vivre longtemps, je veux également voir les autres vivre longtemps. L’environnement aussi se dégrade et il faut préserver la nature », a justifié Carine Nouya. Et pour Charles Euloge Adanon, maraîcher à Cotonou, l’éco santé est une bonne chose et un bon avenir pour l’agriculture et le maraîchage. Mais, cette nouvelle idéologie présente de nombreuses insuffisances auxquelles sont confrontés les maraîchers bios.

L’asphyxie du maraichage bio due à la subvention des intrants chimiques par l’Etat

Malgré l’engagement de ses acteurs, le maraîchage biologique peine à prendre de l’envol. L’une des principales causes est bel et bien le coût élevé de ses intrants. « Nous ne produisons pas assez car le coût des intrants est cher. Les produits maraîchers issus des intrants conventionnels et pesticides sont plus jolis et coutent moins chers or, ceux bios coûtent chers », a déclaré Charles Euloge Adanon. Charles Bèwa, président du Réseau africain des maraîchers éco santé (Rames), déplore quant à lui, le non accompagnement de l’Etat dans la subvention des intrants bios. « La première difficulté est la subvention des intrants chimiques par l’Etat or les intrants bios sont plus chers que ceux chimiques », ajoute-t-il. En effet, l’Etat investit plusieurs milliards de FCFA dans l’achat des intrants chimiques pour la production de certaines cultures dont le coton. A titre d’exemple, 7.798 tonnes d’engrais Kcl et 4.798 tonnes d’engrais K2SO4 ont été mis à la disposition des producteurs d’ananas, d’agrumes, palmier à huile, cultures maraîchères par l’Etat, au prix de 6.000FCFA le sac de 50 Kg au lieu de 12.000FCFA, pour le compte de la campagne agricole de 2018-2019. Un revers qui a pour conséquences la mévente des produits maraîchers bios dans les marchés due à leur coût élevé au détriment de ceux obtenus grâce aux intrants conventionnels. « Nous faisons face à la mévente et la méconnaissance des produits bios au Bénin. Les populations ont longtemps opté pour le conventionnel au point où elles ne croient pas aux produits maraîchers bios », a déploré Carine Nouya. Si consommer bio s’affiche comme un défi, il faut également sensibiliser les maraîchers à faire dos à l’usage des pesticides et autres intrants chimiques dans les champs. Ce qui n’est pas chose aisée. Malgré les démarches enclenchées depuis plusieurs années à travers la création des comités départementaux et régionaux pour le maraîchage biologique, le Rames ne constate que la persistance du maraîchage conventionnel. « Face à ces problèmes, nous sommes obligés de mettre en place une chaine de valeur pour sensibiliser les maraîchers à faire du bio pour leur santé et celle des consommateurs. Certains maraichers adhèrent à l’approche éco santé, d’autres se montrent réticents ou encore, restent indifférents à cela et continuent avec les intrants se faire de l’argent. Nous travaillons à perte », poursuit Charles Bèwa, le président du Rames qui plaide pour un accompagnement de l’Etat dans l’octroi d’une subvention favorable à l’achat des intrants biologiques.

Absence de site de compostage

« Nous n’avons plus de site pour le compostage », a fait savoir Marie Akoti, maraîchère à Cotonou. En effet, le seul site de Houéyiho qui servait d’épicentre dans la fabrication d’intrants biologiques pour le maraîchage bio n’est plus accessible aux acteurs. Et pour cause, les risques d’accidents d’avion vu la présence d’oiseaux sur le site qui côtoie l’aéroport Cardinal Bernardin Gantin de Cotonou. Selon les explications du président du Rames, Charles Bèwa, un nouveau site a été octroyé aux maraîchers, au quartier Sainte Rita, mais son accessibilité reste encore une équation à plusieurs inconnus. « Nous avons trouvé un nouveau site à Ste Rita, sous le maire Lehady Soglo. Mais, chose bizarre, lors de son réaménagement, le site a été octroyé à des vendeurs de charbon qui l’occupe jusqu’à ce jour. Toutes les démarches faites pour le récupérer ont été vaines », explique-t-il. Dans l’espoir de voir un jour, l’épicentre du compost béninois éclore, les maraîchers bios font également face à un manque de renforcement de capacités. Le site de formation de maraîchage biologique qui existe, manque d’équipements pour sa valorisation. « Ce site reçoit les stagiaires de l’école d’agriculture de Sékou, de la Faculté des sciences agronomiques et autres mais, il nous faut des moyens pour assurer le suivi », indique Charles Bèwa. Des insuffisances qui découragent les maraîchers conventionnels à se convertir en maraîchers bios. Mais, tout maraîcher devrait préserver sa santé, celle des consommateurs et maintenir l’équilibre des écosystèmes. « Ce qui doit motiver à faire de l’éco santé est la préservation de notre santé. Aujourd’hui, il y a des maladies dont on n’a jamais entendu parler depuis plus de 10 ans et qui sont récurrentes. Il s’agit du cancer, de l’hépatite et autres. C’est l’utilisation des intrants chimiques dans le maraîchage qui est la cause de ces maladies. Nous devons produire sain dans un environnement sain pour notre santé et celle des populations », conclu Charles Bèwa.

Rastel DAN

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