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Le triomphe de la vérité

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Edito: Remember Ruben


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Ce 13 septembre 2020, il y a 62 ans qu’a été assassiné le nationaliste camerounais Ruben Um Nyobè. Ce militant nationaliste s’éteint sous les balles du colon français, en une année et surtout en un mois de septembre 1958 marqué par le référendum gaulliste. Et ce référendum devait permettre aux colonies africaines de dire si oui ou non elles acceptaient de continuer l’aventure coloniale sous la tutelle de la France ou si elles décidaient d’acquérir leur indépendance. Comme on le sait, en dehors de la Guinée de Sékou Touré, toutes les colonies françaises ont refusé l’indépendance. Mais au Cameroun, Um Nyobè, le leader de l’Union des peuples du Cameroun (UPC) menait une véritable rébellion armée contre l’occupation française. Cette guerre de guérilla fit plus de 300.000 morts, un véritable génocide que la France entreprit de camoufler en faisant de Um Nyobè et de ses principaux compagnons (Félix Moumié et Ernest Ouandié) des parias. Même après l’indépendance, ils étaient bannis des livres d’histoire officiels jusque dans les années 1980, avant d’être finalement réhabilités en 1991.
Si je rappelle ce pan d’histoire d’un pays autre que le Bénin, c’est pour mettre le doigt sur le déni d’histoire qui a travesti l’engagement politique des Africains à l’ère postcoloniale. Ce déni d’histoire est l’œuvre des élites africaines sous la dictée de l’ex-métropole désireuse de maintenir sous sa tutelle les pays sortis de la nuit coloniale. Car le Bénin aussi a connu sa part de manipulation. Elle se manifeste encore aujourd’hui par le dévoiement de l’histoire de la traite négrière enseignée dans nos écoles et nos universités comme étant le résultat de la stupidité et de la cupidité de nos aïeux. Dans cette veine, on oublie sciemment de rappeler que pendant longtemps ils ont opposé une résistance farouche à ce honteux commerce.
Ce déni d’histoire se manifeste également par la célébration de nos bourreaux. Le stade Charles de Gaulle par exemple célèbre en notre capitale même, celui qui a maintenu le franc CFA en le rendant même jusqu’aujourd’hui, la seule monnaie coloniale encore en usage, 60 ans après l’indépendance. Et cette monnaie constitue l’instrument principal, avec les produits de rente comme le coton, le cacao, les arachides et le cacao, ayant permis de maintenir nos Etats dans la pauvreté et la misère. Regardez partout dans le monde, vous ne verrez aucun pays colonisé par la France se développer. C’est le fruit d’une idéologie pensée et exécutée par de Gaulle et ses continuateurs que sont Foccart, Chirac, Sarkozy ainsi que leurs épigones tropicaux. Comment ne pas évoquer aussi René Pleven (dont le nom trône fièrement à Akpakpa au stade du même nom), Francis Aupiais (dont un collège de Cotonou porte le nom), Victor Ballot, Jean Bayol ainsi que les nombreux édifices et rues de notre pays qui célèbrent les noms religieux ayant permis de soumettre notre pays à la colonisation et à la néo-colonisation. Ils rendent nos bourreaux parfaitement élogieux pour nous et nos enfants.
Pendant ce temps, nos vrais héros sont passés sous silence ou réduits à la portion congrue. Vous chercherez de rares places portant le nom de Tovalou Quenum, Louis Hounkanrin, Kaba ou encore nos hommes et femmes de science et de lettres de valeur. Leurs noms servent pourtant à créer et maintenir notre conscience nationale. Car c’est précisément de la construction de la conscience nationale et patriotique, que sortira le Béninois fier et patriote prêt aux sacrifices qu’exige la construction nationale. Ces modèles sont mis sous le boisseau au profit des bourreaux, dans une sorte de masochisme historique. Que veut-on créer en célébrant ceux qui ont massacré nos ancêtres, soumis nos pères, humilié nos mères, occupé nos terres même jusqu’aujourd’hui ? Empêcher ici la naissance de toute forme de nationalisme ou de patriotisme encore moins de panafricanisme. Empêcher surtout que ne soit diffusée dans nos écoles et universités toute référence à ce passé douloureux. En dernier ressort, vendre comme parfaitement bénéfique l’œuvre coloniale, afin de perpétuer l’exploitation économique et la sujétion politique de nos Etats et de leurs élites.
Cette histoire de Um Nyobè et d’autres nationalistes africains, a commencé à revenir en surface. Elle finira par créer ce que le colon a toujours voulu éviter : la naissance d’une conscience patriotique chez nous aussi. Et ce n’est pas pour bien longtemps.

Par Olivier ALLOCHEME

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