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Le triomphe de la vérité

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Edito: La somalisation du Mali


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Lorsqu’en mars 2020 le capitaine Amadou Haya Sanogo prenait le pouvoir à Bamako, une partie de la population s’était déversée dans les rues de la capitale malienne pour s’en réjouir. Le général Amadou Toumani Touré (dit ATT) alors au pouvoir, était pourtant à 40 jours de la fin de son dernier mandat. Pourquoi les putschistes ne pouvaient-ils pas patienter et le laisser quitter normalement le pouvoir, sans vouloir forcément créer le chaos ? Il semble que les Maliens, du moins une partie de ce peuple, sont hostiles à la réflexion et à la patience.
Une partie de l’armée s’opposa à ce coup de force. Le 30 avril 2012 se déroule une tentative de contre-coup d’État, menée par des éléments du 33ème Régiment des Commandos Parachutistes (RCP). Cette unité d’élite de l’armée communément appelée « bérets rouges » a à sa tête le lieutenant-colonel Abdina Guindo, resté fidèle à l’ancien chef de l’État Amadou Toumani Touré. Elle est mise en échec et violemment réprimée par les putschistes, qui capturent plusieurs dizaines de bérets rouges. Dans la nuit du 2 mai 2012, 21 militaires bérets rouges sont sortis de leurs cellules à Kati et transportés dans des camions militaires vers Diago, une localité proche de Kati, quartier général de la junte militaire, situé à une quinzaine de kilomètres de Bamako. Ils y sont exécutés et enterrés dans une fosse commune.
Sanogo se révéla un pantin qui voulut profiter de son coup de force. Il s’arrogea le titre de général et se lança dans une gestion calamiteuse. On connait la suite. L’armée au pouvoir n’a jamais pu résoudre le problème qu’elle prétendait pouvoir résoudre : les mouvements armés qui occupent une partie du pays.
Au contraire, huit ans plus tard, le Mali est encore en proie à des rébellions et des groupes djihadistes violents venus de Lybie. Ils occupant notamment le nord. Les risques de sécession n’ont jamais cessé. L’armée française a pu éviter de justesse la coupure du pays lorsqu’elle a réussi à repousser les djihadistes d’AQMI, du MUJAO et d’Ansar Dine qui marchaient tout droit sur Bamako. En janvier 2013, la France avait en effet déployé l’opération Serval destinée à empêcher la mise en coupe réglée du pays par les groupes armés. François Hollande accueilli en héros début février à Bamako et Tombouctou, se comporte en sauveur d’un pays qui sombre. Et il a raison, puisque l’armée malienne elle-même ne vaut pas grand-chose devant des groupes armés qui la tiennent en respect. C’est cette armée de putschistes qui a pris le pouvoir hier sous les ordres des colonels Malick Diaw et Sadio Camara. Et comme d’habitude, il faut s’attendre à un contre-coup d’Etat suivi de représailles.
Ici comme ailleurs en Afrique, les militaires se posent en arbitres du jeu démocratique. Ils sautent dans l’arène politique, en excipant de l’appel populaire. Ceux qui n’ont pas pu prendre le pouvoir par les urnes conspirent à installer la contestation dans la rue pour laisser place à l’armée. Ce que le porte-flambeau de cette contestation civile reproche au président Ibrahim Boubakar Kéita, c’est beaucoup moins une quelconque dictature que « la corruption à ciel ouvert et endémique » de son régime, comme le dit l’imam Mahmoud Dicko, leader du M5. Ce leader religieux formé en Arabie Saoudite sera désormais au centre de toutes les attentions. Sera-t-il candidat aux prochaines présidentielles si les militaires se décident à laisser le pouvoir aux civils ? On attend de voir. De toutes les façons, son influence nait de son rôle religieux dans un pays musulman à 95% où les djihadistes menacent de prendre le pouvoir depuis une dizaine d’années.
Ce que j’entrevois dans les mois ou années à venir, c’est déjà la résurgence des mouvements sécessionnistes, face à une armée décadente. La somalisation ou division du Mali est en cours. Elle traduit les difficultés de ce peuple et de ses élites à comprendre les idéaux démocratiques. Ceci fait le jeu des puissances occidentales notamment de la France, qui n’attendent que cette fragilisation du pays pour en faire un maillon de leur jeu géostratégique dans la région du Sahel.

Par Olivier ALLOCHEME

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