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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Candide Ahouansou : De la mise à mort du Noir américain George FLOYID et des questionnements sur les réactions


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Ambassadeur Candide Ahouansou

L’enseignement de solidarité à l’échelle internationale que le Coronavirus est venu nous apporter, ne nous autorise plus à rester indifférent à ce qui se passe en dehors de nos frontières quand bien même à l’autre bout du monde, d’autant qu’en l’occurrence, l’événement qui fait l’objet de notre réflexion est, ni plus ni moins, une offense à la dignité de tout humain. Dès lors, notre préoccupation est de déterminer dans quelle mesure ce crime, raciste par sa nature, a suscité des réactions en adéquation avec sa gravité et s’il nous a laissé quelque enseignement.

Nous avons, de nos propres yeux, vu en direct le 25 mai dernier et presqu’en temps réel, la mise à mort défiant toute imagination, d’un être humain par son semblable alors qu’il était privé de toute défense. Et tout spectateur n’a pu retenir ses frissons devant telle barbarie.  C’était déjà raison suffisante pour s’en indigner d’autant que tel acte avait été commis dans un pays dont les leaders, toujours prompts à donner des leçons de démocratie, mettent au cœur de leurs relations, la question des droits de l’homme, Mais, venons-en au vif du sujet.

L’horreur

Le drame dont il s’agit mettait en scène un Noir afro américain, ayant donc du sang de descendance noire dans les veines, comme celui qui circule dans les nôtres, africains et noirs de peau que nous sommes, et un policier blanc d’un Etat du nord des Etats-Unis d’Amérique, dénommé Minnesota et qualifié de raciste, pour le moins, dans ses manifestations policières et judiciaires. Nous avons été témoins oculaires de cette affreuse scène au cours de laquelle le policier de race blanche asphyxiait lentement, froidement et méthodiquement, le tout avec une aisance à vous couper le souffle, un être humain en écrasant fermement sa trachée artère avec son genou, après l’avoir maitrisé au sol par des menottes. L’assassinat a duré sept trop longues minutes sans égard aux supplications des passants et aux râles de détresse de la victime laissant néanmoins s’échapper de manière répétitive, un ‘’ je ne peux plus respirer’ ’dramatique dans une interminable agonie jusqu’ à ce qu’il rende l’âme. Qu’ont donc été les réactions à cette abomination, qui permettraient de jauger non seulement la sympathie pour la cause des afro-américains, mais aussi le sentiment du rejet de tout acte de discrimination raciale en quelque lieu que ce soit de la planète ? A tout seigneur, tout honneur : commençons donc par celle des américains.

Les réactions des citoyens américains et la levée de boucliers

Les Noirs ont pris leurs responsabilités. Ils sont descendus massivement dans la rue et ont manifesté leur ras le bol. Le meurtre de George a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En effet, le drame que vit actuellement les afro américains et qui écœure le monde civilisé, a transformé leur résignation en colère, et pour cause. Il leur rappelle, en tous points, celui d’Éric Garner, un autre afro-américain, également asphyxié, en 2014 à New York, toujours par des policiers blancs. Le malheureux criait lui aussi, les mêmes mots de détresse que George :’’ je ne peux pas respirer’’ en passant de vie à trépas. L’assassinat de George était la fois de trop. Les afro-américains ont alors investi les rues des principales villes américaines, débordant de leur colère et réclamant les réformes qui conviennent aux fins d’une justice équitable pour tous les citoyens américains. Leur émotion a agrégé des citoyens de toutes origines tant noirs que blancs. Les artistes s’y sont mis, le monde de la musique s’en est mêlé ; des chaines de télévision ont suspendu leurs émissions pour afficher des carrés noirs et les réseaux sociaux leur ont emboité le pas, généreusement. Il n’est pas jusqu’aux honnêtes gens qui n’aient pas mis un genou à terre, signe conventionnel de protestation depuis 2016, nous a-t-on dit, contre les bavures policières ; et je n’ai pas fini d’en dire. Les afro-américains se sont montrés à la hauteur de leur dignité et ils ne peuvent qu’en être honorés. Ils ont misé sur l’internationalisation de leur mouvement et la pression qui en résultera, finalement, sur le Président des Etats-Unis ; et ils n’ont pas eu tort. La contestation a fait large tâche d’huile et traverse les continents. Mais quelle réaction du côté du père de la nation américaine ?

La réaction du Président des Etats-Unis d’Amérique

Les afro-américains continuent de défendre leur dignité nonobstant les intimidations de celui à qui ils ont donné mandat pour les diriger et qui, au lieu de les apaiser en leur promettant tout simplement que des réformes administratives seront initiées et que des sanctions exemplaires seront prises à l’encontre des policiers criminels, n’a rien trouvé de mieux que leur lancer à la figure qu’il lâchera tous les chiens de la Maison blanche sur eux si d’aventure, ils s’approchaient de sa résidence. Tout de même, un chef d’Etat à la tête du pays censé être le plus démocratique du monde, tenir tel propos à l’encontre d’une partie de son propre peuple quand bien même ne représenterait-elle que 13% de la population nationale ! J’ai représenté mon pays auprès de deux Présidents américains, un républicain et un démocrate, et je tomberais à la renverse si l’on me disait que l’un deux a pu s’adresser en des termes aussi vils à son peuple. De toute évidence, la Présidence des Etats-Unis a perdu de son panache et le Président, sa crédibilité ; c’est le moins que je puisse dire pour paraitre politiquement correct bien que n’étant plus en liens avec la fonction publique.

Les réactions des institutions internationales

L’Organisation des Nations Unies a joué sa partition. La Haute Commissaire aux droits de la personne a condamné fermement ce crime et a appelé les autorités américaines à ‘’agir pour mettre fin à ces meurtres d’afro-américains et pour s’assurer que justice soit faite quand ils se produisent’’. Elle a dénoncé le ‘’racisme structurel’’ aux USA. La réaction de l’ONU a eu l’avantage de titiller, une fois de plus, la conscience collective sur l’épineuse question de la discrimination raciale.

L’Union Africaine a, par la voix du Président de la Commission, condamné fermement, le 29 mai, le meurtre de George, tout en rappelant la résolution historique de l’Organisation de l’Unité Africaine sur la discrimination raciale aux USA, prise par les Chefs d’Etat et de gouvernement africains, lors de la première conférence de ladite institution en 1964. Il a’’ rejeté les pratiques discriminatoires persistantes à l’encontre des citoyens noirs des Etats-Unis d’Amérique et exhorté les autorités américaines à intensifier leurs efforts afin d’assurer l’élimination totale de toutes les formes de discrimination fondées sur la race ou l’origine ethnique’’ Les afro-américains sont partis d’Afrique et l’Union africaine a joué son rôle conséquemment.

L’Union Européenne, par la voix de son Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré, le 2 juin, que ‘’ toutes vies comptent, celle des Noirs comme celle des autres’’.  Il a stigmatisé ‘’l’abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre’’ et a déclaré :  ‘’nous sommes choqués et consternés’’. Sa réaction a légitimé et popularisé la révolte des afro-américains en Europe.

Les réactions des Etats et nos observations

Des pays dont on ne peut pourtant pas douter des bonnes relations avec les Etats- Unis d’Amérique, tels la Grande Bretagne, l’Allemagne et l’Australie ont condamné le meurtre perpétré par le policier de Minneapolis et ont invité les autorités américaines à privilégier l’apaisement. Le Ghana, par la voix de son Président qui a organisé dans son pays il y a de cela un an, ‘’l’année du retour’’ ayant réuni des milliers d’afro descendants, a déclaré sur sa page Facebook que ‘’ les Noirs du monde entier étaient choqués et bouleverses par ce meurtre’’. En Afrique du sud, le Congrès National Africain l’ANC a condamné ‘’tel meurtre raciste 70 ans après l’abolition de l’esclavage’’. En République démocratique du Congo, l’Ambassadeur américain a fait une longue déclaration sur son compte twitter en réponse aux nombreux congolais qui l’ont interpellé sur les réseaux sociaux. Au Kenyan, en Ouganda et en Tanzanie, des déclarations similaires ont été faites par les ambassadeurs américains. Dans la capitale kenyane, des manifestants se sont réunis devant l’ambassade américaine en brandissant la pancarte ‘’Black lives matter’’ Le Zimbabwe a été le seul pays africain a avoir convoqué l’ambassadeur des Etats-Unis.

Le Vatican s’est élevé contre ce crime et a déclaré : ‘’ nous ne pouvons ni tolérer ni fermer les yeux sur aucune forme de racisme ou d’exclusion et prétendre défendre le caractère sacré de tout vie humaine’’

Pourquoi d’autres pays africains n’ont-ils pas régi ? Le cas de notre pays.

L’énumération des pays qui ont réagi nous permet de relever que ce sont, essentiellement, les pays francophones qui sont restés silencieux à l’opposé des anglophones. Et pourquoi donc ? Est-ce l’impact socio-politique de la superposition de leur culture d’apport sur leurs cultures traditionnelles respectives qui s’exprime ainsi sur chacun des deux groupes, anglophones et francophones ? Ou les francophones resteraient-ils scotchés au principe classique de non-ingérence ; principe qui, du reste, a largement évolué surtout quand sa mise en œuvre implique l’humain ? Ce ne peut être la bonne justification, d’autant que bravant, au demeurant à bon escient, ledit principe, plusieurs Etats et non des moindres, européens comme africains, sont largement intervenus dans cette affaire criminelle et que, de surcroit, l’acte de fondation de l’Union africaine est, si je ne m’abuse, le premier traité de droit international qui maintient le droit d’intervention pour des raisons humanitaires. Ou alors, est-ce parce qu’ils se sont dit que l’Union Africaine ayant déjà donné de la voix, point n’était nécessaire d’en rajouter ? La justification serait à propos et surtout bien commode pour justifier l’attitude de ceux qui sont restés cois, leur permettant de s’en tirer à bon compte.

Cependant, l’on pourrait penser que notre pays avait tout à gagner à se faire entendre, et pour cause. Nous n’aurions pas dû perdre de vue et laisser l’oubli s’emparer du fait que le Benin est, à travers la ville de Ouidah, un haut lieu de l’esclavage d’où sont partis bon nombre d’afro-américains et que c’est à ce titre qu’il y avait organisé sous les auspices de l’UNESCO, la Route des Esclaves, il y a bientôt trente ans, avec précisément la participation de beaucoup d’invités afro-américains. L’assassinat de George nous donnait ainsi l’occasion de nous présenter en défenseurs de vieille date, de la cause des Noirs américains, bien avant la toute récente organisation de l’’’Année du retour’’ du Ghana et de tirer profit de cet atout inégalé.  Au lieu de cela, notre pays est resté silencieux. Et pourtant nous en avions déjà fini avec les élections communales quand survint la mise à mort de George. Intellectuels privilégiés en tout petit nombre que nous sommes, au milieu d’un peuple qui a besoin d’être tiré par le haut, nous avons le devoir de nous indigner face à cet assassinat d’un afro-américain et de semer l’indignation dans les esprits, car la réalité c’est que nous sommes Noirs ; que nous nous devons de défendre la couleur de notre peau en toutes occurrences et d’encourager les concitoyens à le faire. Rien qui rabaisse le Noir ne devrait nous laisser indifférent.

Enseignements pour le renforcement de l’Union africaine

L’Union africaine a effectivement joué le rôle que l’on pouvait attendre d’elle dans cette affaire macabre, et il est de notre opinion qu’elle devrait s’attendre à beaucoup plus vaste à l’avenir. Les africains devront réaliser qu’elle représente leur continent, à l’instar de l’Union européenne certes, mais alors que cette dernière ne rassemble que 446 millions d’âmes, avec ses 27 pays membres, leur institution inter étatique en compte 1 156 648 000, forte de ses 55 Etats membres, et en être fiers. Nous estimons alors que par son intervention dans l’assassinat de George, le monde sera davantage à l’écoute de sa voix et de ses positions sur l’échiquier international. Aussi devrait-il lui revenir de ne point rester indifférente aux droits humanitaires de tout africain quel que soit l’endroit où il se trouve, dépassant ainsi le seul cadre du Continent africain, tout comme elle vient de le faire en prenant fait et cause pour un afro-américain sur le continent américain. 

Sur le plan économique, l’Union représente un vaste marché potentiel. A présent que l’Afrique fait l’objet de toutes les convoitises, elle deviendra, au fil du temps, la plate-forme commode des investisseurs qui voudront intervenir sur le continent. En effet, ils auront tendance à se rendre à Addis-Abeba, pour des investigations préliminaires afin de déterminer les pays susceptibles d’accueillir leurs investissements avant de s’y rendre, le cas échéant. Ce sera, également, la meilleure occasion pour eux de jauger les chances de projets réalisables en partenariat avec plusieurs pays du continent. D’un autre côté, Il convient de retenir que l’Union vise l’intégration régionale sur le plan socio-économique et que cette perspective requiert, dans une large mesure, l’harmonisation, autant que faire se peut, des instruments de fonctionnement des pays membres. Et nous savons que tout cela se négocie. Pour toutes ces raisons, il nous parait indiqué que tous pays membres de l’Union soient effectivement représentés auprès d’elle et fassent partie du Comité des représentants permanents de l’Institution. Décider de  ne pas y être ou de s’en soustraire, il vaut mieux y réfléchir par deux fois

Ambassadeur Candide Ahouansou

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