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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Candide Ahouansou: Coronavirus en situation de gestion de crise. Solidarité de peur ou solidarité citoyenne?


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Ambassadeur Candide Ahouansou

La maxime toute romaine, de stratégie militaire nous enseigne : Si vis pacem para bellum, signifiant en Français, si tu veux la paix prépare la guerre. Et le Président de la République française n’a eu de cesse de marteler à ses concitoyens que son pays était en situation de guerre contre le coronavirus 19. Il partait ainsi au combat, par la force des choses, avec le lourd handicap matériel de l’insuffisance de ses troupes, en l’occurrence, le matériel médical, mais avec l’atout inestimable de la valeur citoyenne qu’est la solidarité préexistante dans la société qu’il dirige et qui lui a permis, malgré tout, de mettre d’emblée son pays sur pieds de guerre contre ce fléau importun.
Dans l’épreuve qu’est cette crise sanitaire, nous avons vu notre Chef d’Etat soucieux et préoccupé par la pandémie, en sa lourde charge de père d’une famille de onze millions d’âmes qui lui a confié la gestion de son bien-être et de sa survie ; et cela n’est pas métaphore. Nous voyons et imagions le Ministre de la Santé en alerte sur tous les fronts. Nous l’avons particulièrement vu prendre, au demeurant à bon escient, le peuple à témoin, dans une situation embarrassante mais en toute détermination, siffler la fin de la spéculation sur les masques dans les pharmacies, entouré qu’il était de hautes autorités judiciaires. Il faut dire que le peuple se serait bien passé de cette séance ; et pour cause. Ce n’est pas de bras de fer ni d’autre divergence dont il a besoin en pareille circonstance dramatique, mais d’acte de solidarité et le Ministre n’aurait assurément pas procédé ainsi si les pharmaciens ne l’y avaient contraint. La gestion d’un pays est, et doit se faire totalement solidaire pour venir à bout de toute crise notamment sanitaire.

L’intervention attendue de nos universitaires et les assurances du gouvernement
Bien que la gestion de cette crise qui menace d’étendre ses tentacules sur l’ensemble du territoire reste empreinte de discernement, le questionnement qui nous a turlupine jusqu’à récemment était le suivant : nonobstant le fait que le gouvernement se soit fait entouré, de bonne heure et à juste titre, d’un comité médical, où donc étaient passées les sommités universitaires de ce pays ? Nous nous étions déjà posé la même question lorsqu’à l’occasion des débats sur la mutation du franc CFA, nous avions attendu en vain que nos économistes universitaires éclairent notre lanterne, alors que leurs collègues d’autres pays africains donnaient de la voix pour faire connaitre leurs avis techniques sur le sujet. Nous nous l’étions également posée, cette même question, lorsque le gouvernement faisait feu de tout bois et déployait sa diplomatie pour récupérer nos œuvres d’art pillées par le Général Dodds si tant est que notre Académie avait une composante Arts et Lettres. En situation de crise, les citoyens sont fondés à réclamer que des personnalités du monde scientifique soient à leurs côtés quand bien même toute décision revienne, en dernier ressort, au seul Chef de l’Etat.
L’Académie nationale des Sciences Arts et Lettres a été créée en 2010 ; il y a donc dix ans de cela. Il faut dire qu’elle n’a été officiellement reconnue par décret présidentiel, qu’en avril 2016. Elle fit sa rentrée solennelle le 14 novembre 2018 à l’occasion de la réunion annuelle des Académiciens d’Afrique qui eut lieu sur notre sol. A la réunion du réseau des Académies africaines des sciences regroupant 24 pays, tenue à accra du 13 au 16 novembre 2019, le Président de notre Académie des Sciences Arts et lettres avait été élu président dudit réseau. Par ce rappel, nous n’avons d’autre but que de signifier la confiance et le prestige dont jouit la communauté scientifique béninoise à l’international. Et pourtant !
Et pourtant, l’on n’entendait pas la voix de l’Académie dans cette crise sanitaire mondiale d’origine scientifique et nous nous en inquiétions. Nous nous préparions à attirer l’attention sur cette situation quant, nous coupant l’herbe sous les pieds, pour ainsi dire, les Académiciens se sont finalement fait entendre à notre grande satisfaction et à notre grand bonheur ; nous leur en savons gré. Leurs homologues de l’Académie française en venant dire leur petit mot à la télévision, n’ont certes pas inventé le fil à couper le beurre à cette occasion, mais leur apparition avait rassuré le peuple français. Et c’est alors que nous nous étions demandé où étaient nos académiciens ? Mais ils viennent de nous témoigner qu’ils sont présents à nos côtés. Le lecteur aura compris que ce que nous cherchons à faire, c’est d’inviter nos scientifiques à sortir de leur tour d’ivoire et à descendre de leur piédestal pour coller au peuple si tant est qu’il est légitime que ce dernier, fier qu’il est d’eux, ressente le besoin de les sentir à ses côtés notamment dans les moments difficiles. Nous avons besoin de les voir et de les entendre de temps à autre.
Quant au gouvernement, le Directeur de la Communication de la Présidence de la République est monté au créneau avec d’autres personnalités du monde médical, expliquer et justifier sur le petit écran, avec beaucoup de certitude, de persuasion et la clairvoyance dont il fait preuve d’ordinaire, les mesures prises par le gouvernement pour contenir le virus. Nous devons reconnaitre qu’il a rassuré : et, par les temps qui courent, c’est de cela que le peuple anxieux de ce fléau qu’il voit arriver et qu’il ne sait comment conjurer, a besoin. Aujourd’hui, par la force des choses, les autorités se résolvent à faire état de la solidarité, mais de quelle solidarité parlons-nous exactement ?

Solidarité face au covid 19 : réflexe conjoncturel de peur ou manifestation de valeur citoyenne fondamentale ?
Nous n’aurons de cesse de regretter amèrement que nos Autorités n’aient jamais, depuis notre accession à la souveraineté nationale, donné l’importance qui convenait à la solidarité dans la gestion des affaires publiques, et pourtant notre tradition était encline à cette valeur. Certes, celle-ci se manifestait à l’intérieur de groupes déterminés sur fond d’appartenance communautaire sans jamais avoir atteint l’envergure nationale. Mais il revenait aux autorités politiques de la hisser à ce niveau ; et elles ont manqué de le faire. Le même régime qui l’avait officiellement introduite sur la scène politique avec toute son autonomie, l’en avait dépossédée par la suite en la mettant sous la tutelle d’un ministère tandis que le régime qui lui a succédé l’a purement et simplement dégagé de l’ossature gouvernementale. Ainsi disparut, pour de bon, le Haut-Commissariat à la solidarité nationale. Et depuis lors, absolument plus rien ne matérialise l’esprit de solidarité dans notre pays. Et pourtant, il est, à nos jours, de notoriété publique que la solidarité est facteur incontournable de réussite de toute action de développement.
La solidarité dont l’on nous entretient actuellement, consécutive aux dons dans le cadre de la lutte contre le coronavirus est, de toute évidence, celle de la peur qui, de manière discursive, disparaitra lorsque le virus s’en sera allé remballant la peur qu’il a semée. Solidarité, bien comprise n’est point affaire de dons circonstanciels, mais un état d’esprit, une disposition permanente à porter spontanément assistance, la vaillance, le désintéressement, le sacrifice pour les autres et au nom de la nation ; c’est une valeur permanente qui mérite d’être promue et entretenue. Nous ne demandons pas de rétablir un Haut-Commissariat à la Solidarité ; nous demandons simplement que la solidarité fasse partie nominalement d’un département ministériel afin que l’esprit du citoyen en soit imprégné. De même manière, nous suggérons que soit décrétée une journée nationale de la solidarité tant le besoin de solidarité citoyenne est le seul sentiment qui structure une société. Mais par quel bout prendre pour démontrer l’omniprésence de la solidarité en toute action de l’Etat visant le bien-être du citoyen ?

Nécessaire omniprésence de la solidarité citoyenne

Il est de notre opinion qu’en république moderne, l’état de la solidarité nationale est le miroir de son évolution sociale ainsi que le reflet de la considération que les citoyens se donnent mutuellement. Et nous ne nous rendons pas bien compte que notre pays croule sous un déficit de solidarité citoyenne qui le rend vulnérable à toute crise de quelque nature. Lorsque nous considérons le pays qui nous sert habituellement de référence, nous voyons que la solidarité tient une grande place dans la gestion des affaires publiques. Elle n’aurait pas été là, que la France aurait sombré face au covid 19 ; si criarde était l’insuffisance de son matériel médical. La notion de solidarité est inscrite dans la culture et dans les esprits français à tel point que tout gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, est moralement tenu de s’y conformer au risque de soulever la colère populaire, s’il s’en écartait. Et comme pour synthétiser cette politique de solidarité tous azimuts, il a été décidé l’instauration d’une journée de solidarité au profit des personnes du troisième âge, pendant lequel l’on travaille sans percevoir son salaire que reverse l’employeur à l’Etat. Nous autres, sommes bien loin d’une telle initiative, à dire vrai.
Et je chuchoterais bien à l’oreille du lecteur que je suis séduit par l’existence au sein du gouvernement français, d’un Ministère des Solidarités et de la Santé. J’y trouve l’avantage qu’il regroupe tous les domaines susceptibles d’avoir recours à l’esprit de solidarité en matière sociale telles la famille, l’enfance, les affaires sociales, les personnes du troisième âge, les personnes handicapées, la lutte contre l’exclusion, la retraite, la sécurité sociale et les catastrophes naturelles. C’est un département, j’allais dire de synthèse sociale. Nous autres n’avons aucun ministère qui fasse référence à la solidarité alors même que bon nombre de pays africains disposent d’un Ministère de la Solidarité. Je ne suis pas un adepte du copier-coller d’un élément de culture sur une autre culture, et comparaison n’est pas raison ; mais lorsque cet élément se justifie, pourquoi ne pas en tirer le meilleur parti pour son pays, le cas échéant ?
Eu égard à la grande considération que nous lui accordons en matière de gestion des affaires publiques, l’on pourrait présumer que la solidarité serait en bonne place dans notre Constitution. Mais elle n’y est pas. Elle n’y est nulle part ni dans son corps ; ni dans son préambule ni même dans notre devise alors que celle-ci est censée synthétiser les valeurs essentielles devant régir la nation. Elle n’y est nulle part certes, mais la fraternité est en première ligne de notre devise ternaire. Sémantiquement parlant, fraternité n’est point solidarité, mais ce sont deux valeurs qui se tiennent ; la fraternité étant le sous bassement de la solidarité. Le substantif fraternité est, dans son acception classique, le lien qui unit des membres d’une même famille. Puis, il prit le sens unificateur des membres de la confrérie des francs-maçons. De l’état d’union et d’endogène qu’il était dans cette communauté de petite taille, il s’était adjugé, sous la Révolution française de 1789, une dimension politique immense. Sous l’influence de la loge maçonnique, le substantif était devenu le mot de ralliement de tous ceux qui, français comme étrangers, luttaient pour les principes de liberté et d’égalité. Dès lors, le terme qui revêtait une connotation philosophique et une envergure intime, quitta la société de petite taille maçonnique pour se voir conférer le sens de défense d’une cause commune nationale : il prit alors une dimension nationale. De même manière, il convient de se rappeler que dans notre culture traditionnelle, la notion de frère dépasse celle du frère de sang de la culture d’apport et que nous autres, nous nous considérons tous comme des frères. Cette perception de la fraternité a pu motiver les rédacteurs de notre Constitution pour avoir débuté notre devise par le terme fraternité.
Stricto sensu, la fraternité est une notion statique ; elle vise la concorde des peuples mais aussi leur aspiration à la jonction. Elle a besoin, pour se réaliser pleinement, d’être animée, drainée et entretenue par le vecteur sociologique qu’est la solidarité. Sans solidarité, à quelque titre, il ne saurait y avoir manifestation concrète de fraternité. En revanche, la solidarité qui ne peut exister sui generis, ne saurait se mettre en action, au plan national, sans le sentiment préalable et sous-jacent d’appartenance à une même société qu’induit la fraternité. Et, tout bien pesé, je considère la solidarité comme étant la version civile nationale et païenne de la fraternité. Tout cela pour dire que l’esprit de solidarité est bel et bien dans notre devise et, partant, dans notre Constitution.
La fraternité rassemble mais ne peut, à elle seule, construire un pays ni le délivrer d’une quelconque crise ; c’est la solidarité qui, notamment en raison de son ampleur, construit en bonne intelligence avec elle et délivre un pays d’une crise éventuelle. Nous devrions, alors, garder à l’esprit que le terme fraternité inscrit dans notre devise dépasse son contenu nominal pour englober celui de la solidarité sur laquelle le gouvernement devrait miser et dans laquelle il devrait investir aux fins d’obtenir, à n’en pas douter, des résultats encore meilleurs dans ses actions de développement et d’avoir raison de toute crise de quelque nature quand bien même s’appellerait-elle coronavirus. Il est de notre opinion que les Autorités qui nous dirigent devraient promouvoir systématiquement la notion de solidarité d’autant qu’elle est implicitement présente dans notre Constitution.

Ambassadeur Candide Ahouansou

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