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Le triomphe de la vérité

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Edito: Face à la dérive


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En allant au cours ce lundi, Aboubacar Yaya aura face à lui ses étudiants en droit parmi lesquels ceux originaires de l’Atacora. J’imagine déjà comment ces apprenants dont certains le prenaient pour un modèle, le regarderont, lui qui a eu tous les noms d’oiseaux pour qualifier leur ethnie au cours d’une rencontre politique vendredi dernier. J’imagine leur détresse, leur désillusion et peut-être même leur désir de vengeance face à l’inconduite de leur professeur. Aboubacar Yaya est précisément enseignant de droit, une matière où s’enseignent les vicissitudes de la création des Etats, vicissitudes pendant lesquelles des guerres s’allument, des pogroms et des génocides se déclenchent pour une petite étincelle. Plus que quiconque donc, il connaît ce que les dérives ethno-régionalistes engendrent et ont engendré en Côte-d’Ivoire, au Rwanda, au Kenya, en République centrafricaine et ailleurs. De sa position de professeur de droit, il a la capacité plus que quiconque, de savoir que la recherche d’un strapontin politique est capable d’embraser un pays.
Oui, nous avons vu il y a quelques années à peine comment Claudine Prudencio, emportée par la fièvre de la campagne pour les législatives de 2015, s’était attaquée aux ressortissants de la région Agonlin (Covè, Zagnanado, Ouinhi) résidant à Godomey. Elle les sommait de rentrer chez eux s’ils aspirent à un quelconque poste de député. L’attaque visait en l’occurrence Valentin Djènontin accusé de chercher à moissonner sur les terres qui ne sont pas celles de ses ancêtres. En 2012, dans un registre plus fou, Boni Yayi, du haut du palais de la présidence, disait vouloir faire affronter les Béninois qui le critiquent à ceux venus « du Bénin profond » qui le soutiennent. Il y a quelques années encore, un maire de Natitingou avait imposé des conditions draconiennes à toute personne « étrangère » désireuse d’acheter une parcelle dans la ville. Et vous verrez dans chacune de nos communes ces clivages plus ou moins latents s’éveiller et se raviver à la veille de chaque consultation électorale. Le communautarisme qui se développe alors se remarque dès que vous cherchez à voir au-delà du vernis des adhésions politiques. Presque toujours, chaque leader politique s’appuie sur une communauté de base pour ancrer son action. Cette communauté, qu’elle soit ethnique, religieuse ou socio-professionnelle, fonctionne comme le tremplin de toute ambition électorale qui se veut gagnante. A défaut d’en avoir, à défaut d’en percevoir l’utilité et d’en élargir le spectre, tant de rêves politiques sont restés à l’étape d’illusions sans lendemain. Tant de bonnes têtes ont sombré dans l’oubli après des déculottées électorales.
C’est en réalité que si vous n’avez pas une communauté qui s’identifie en vous, toute action électorale est un leurre. On feint de ne pas voir que chaque conseiller communal, chaque député ou chaque président élu dans ce pays, est toujours le fruit d’une communauté. Celle-ci cherche dans les arènes du pouvoir la représentativité nécessaire à la prise en compte de ses préoccupations spécifiques, mais aussi une certaine fierté identitaire. Dans bien des cas aussi, le communautarisme se développe comme une stratégie de repli face aux dangers que représenteraient les autres communautés promptes à user des leviers du pouvoir pour promouvoir les leurs et brimer les autres. Ce repli identitaire que Guy-Landry Hazoumè a appelé « les idéologies tribalistes », s’opérationnalise bien malheureusement par la violence. Il procède en réalité par « néantisation » de l’autre, pour parler comme Jean-Paul Sartre, en le réduisant à l’état animal, au mieux à un objet de rebut méprisable et dangereux. Les Hutus appelaient les Tutsis des cancrelats et priaient Dieu à la radio et dans les églises pour qu’il anéantisse ces bêtes répugnantes. Aboubacar Yaya n’a pas fait autre chose. Les termes perdrix, coqs, pintades et pigeon qu’il a utilisés, participent de cette rhétorique de la haine propre à ces idéologies tribalistes.
Face à la répétition de ces dérives verbales, il s’agit aujourd’hui, plus que par le passé, de savoir si nos autorités judiciaires vont continuer à laisser se commettre l’imposture. La question est précisément de savoir si pour une fois, face à ce délit d’incitation à la haine ethnique, il n’y a pas lieu d’appliquer une sanction exemplaire pour le futur.

Par Olivier ALLOCHEME

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