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Le triomphe de la vérité

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Zagnanado: Un patrimoine historique de l’Unesco parti en fumée


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Il était une fois, AGONGLO, 6ème roi de Danxomè (1789-1797) installa sa première ferme royale à Zagnanado afin de nourrir convenablement sa cour qui ne vivait que des prélèvements des cultures qu’on lui envoyait. A sa mort, son fils GHEZO a poursuivi l’agrandissement de ladite ferme et profita pour y construire un pied-à-terre (Lieu de repos) qu’il considéra comme arrière garde du royaume de Danxomè. Assassiné au retour d’une bataille contre les Nagots, Yoruba et autres ethnies vers l’est, son fils GLELE 9ème roi de Danxomè s’installa à Zagnanado dans le souci de venger son père. Son domicile fut le grand bâtiment qui abritait les bureaux de la mairie avant la construction de l’hôtel de ville de Zagnanado. Non loin de ce bâtiment est érigé un autre qui, a servi à l’époque coloniale, dans les années 1897 de résidence aux résidents français puis après aux chefs cantons, aux préfets, sous-préfets et ensuite aux maires. Ce bâtiment, l’un des plus ancien, vestige de l’histoire de la commune, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO a été consumé par les feux de brousse le samedi 25 janvier 2020 sous le regard impuissant des populations. Que s’est-il passé, quelle est l’histoire de ce patrimoine et comment a-t-elle pu disparaître ?

Un vestige de l’histoire à conserver à tout prix
« Pour la petite histoire, à l’arrivée des colons jusqu’en 1895, la résidence du résident Français était à Sagon (aujourd’hui arrondissement de la commune de Ouinhi) et c’est vers 1897 que la résidence a été transférée dans le palais de Glèlè à Zagnanado », raconte Apollinaire Kantchékon, enseignant et cadre politique de la commune à la retraite. « On parlait d’administrateur du cercle d’Agonlin et c’est l’arrêté du 27 avril 1897 signé du gouverneur Bagnole qui a fait transférer la résidence du résident français dans le tata de Glèlè. En ce moment-là, c’était le cercle d’Agonlin et on l’appelait Agonlin Ouémè Kétou », précise Monsieur Kantchékon, l’un des rares anciens de la commune. Vestige de l’histoire de la commune et symbole de la période coloniale au Daxomey, ce bâtiment a été construit en 1897 par le premier gouverneur Paterson. « L’administrateur français Louis Paterson a été le premier résident à habiter ce bâtiment, érigé à proximité du Tata du Roi Glèlè », a rappelé Apollinaire Kantchékon.
Aujourd’hui, les toitures de ce bâtiment sont en bandoulière, volé en éclat sous la chaleur du feu. Sa charpente consumée et ses murs fragilisés et effondrés par endroit sous les affres d’un incendie non encore élucidé. Ces feux, aucune source administrative officielle de la commune n’a encore expliqué leurs origines, mais pour les témoins du drame, ce bâtiment a été abandonné dans une broussaille et a été emporté par les feux de brousse. « Nous étions là entre amis en train d’échanger à la place du monument aux morts qui fait face à la mairie quand subitement, nous avons commencé par entendre les craquements de l’incendie », témoigne Rodolphe Dowénon, présent sur les lieux et témoin oculaire de l’incendie.

« Feu de brousse !!! négligence de l’administration »
Selon les témoins du drame, le feu est parti de l’arrière dudit bâtiment qui jouxte la petite clôture du domaine administratif qui abrite l’hôtel de ville et les bâtiments administratifs. Augustin Kèouda est agent des collectivités locales de Zagnanado à la retraite. Mécontent et révolté, il explique : « Ce bâtiment a été abandonné par le Maire qui en réalité est censé être le locataire de cette résidence. Non seulement il ne réside pas là mais il n’a pas cru devoir prendre les dispositions nécessaires pour son entretien », dénonce Augustin Kèouda qui lève un coin de voile sur la légèreté et la négligence de l’autorité communale et du personnel administratif : « Les agents d’entretien de la mairie aussi ne font pas leur travail et il n’y a personne pour les ramener à l’ordre » précise Mr Kèouda. Selon ses explications, le bâtiment parti en fumée est à une vingtaine de mètres seulement de l’hôtel de ville. Apollinaire Kantchékon confirme le fait, pour avoir fait de maints rappels à l’autorité communale. « Ce bâtiment est abandonné dans une brousse qui ne dit pas son nom malgré les nombreux agents d’entretien recruté politiquement. Ils sont là, ils sont tous devenus Akowé (intellectuel). Ils ne veulent pas faire leur travail. A plusieurs reprises, j’ai attiré l’attention du maire sur le fait mais rien n’a été fait. C’est lamentable », regrette le sexagénaire. Clément Hinvi est natif de Zagnanado, enseignant du secondaire et administrateur d’un réseau social de discussion pour le développement de Zagnanado. Il raconte l’expérience vécue à propos de l’entretien des locaux de la mairie ou de la résidence administrative. « J’ai saisi le maire entre temps pour lui rappeler que les agents d’entretien de la mairie ne jouaient pas leur rôle et que la mairie se trouve dans une broussaille » rappelle Clément Hinvi qui poursuit : « Plusieurs semaines après ce rappel au maire et constatant que notre administration communale végète dans une broussaille, nous avons lancé un appel aux volontaires pour une action de salubrité au sein de la mairie. Mais une association dénommé AZAR qui soutient les actions du maire s’est empressée d’aller faire le nettoyage de la devanture de la mairie avant le jour de notre activité. Nous avons alors sursoit notre action puisque dans le même temps, les agents de la mairie ont commencé par nettoyer certains endroits dans la mairie. Mais malheureusement, leur action n’est pas allée vers la résidence qui est à moins d’une vingtaine de mètre de l’hôtel de ville », a exposé Clément Hinvi très mécontent.

L’indifférence des autorités administratives face à la colère des populations
Présent sur les lieux après l’arrivée des pompiers qui ont tenté d’éteindre le feu, le Maire de la commune a aussitôt disparu laissant les pompiers dans une incompréhension totale. Quelle est l’origine de l’incendie ? Aucune autorité administrative n’a encore le courage de confirmer ou infirmer la thèse de feux de brousse soulevée par les témoins du drame. Car, toutes nos tentatives pour avoir la version du maire ou même de son premier adjoint ont été vaines. Emmanuel Ekehounho, natif de Zagnanado, parle de « négligence coupable ». « Je crois que si notre pays fonctionne bien, les responsabilités doivent être situées et les responsables doivent être sanctionnés. Mais, si rien n’est fait, c’est que ça va passer sous silence et c’est très grave pour la commune », dénonce-t-il car pour lui, ce bâtiment est un vestige de l’histoire de la commune et l’administration communale et l’on doit en prendre soins. Clément Hinvi dit-lui, « être déçu et en colère ». Jonas Yézounme, enseignant du secondaire dit être « remonté et en colère ». Toutefois, il pense que le joyau peut être restauré. « Je pense qu’il faut restaurer ce patrimoine. Pas pour le laisser dans la brousse mais en faire un musée ou même un centre de culture pour la commune ». Le sexagénaire Apollinaire Kantchékon pense lui, que la période de restauration pour ce bâtiment est passée et que le vin est tiré. « On peut restaurer mais le moment est déjà passé. C’est une grosse perte pour la commune », s’indigne Mr Apollinaire.

Yannick SOMALON

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