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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Rfi et France 24 sur l’actualité nationale: Talon répond à tout, voici l’intégralité de l’entretien


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Le Chef de l’Etat, Patrice Talon, le jeudi 07 novembre dernier était l’invité spécial de Rfi et de France 24. Il y a abordé plusieurs sujets,dont la crise politique au Bénin et ses actions pour y mettre fin, sa candidature ou non à la présidentielle 2021, le devenir du franc Cfa, etc. Lire ci-après l’intégralité de cet entretien.

Christophe Boisbouvier : Monsieur le président, cette année a été marquée par une grave crise politique et par des violences meurtrières. Les législatives se sont déroulées en l’absence des partis de l’opposition. Et le 28 avril, trois quarts des Béninois se sont abstenus à ces élections législatives. C’est un record. Est-ce que cela n’a pas été pour vous un désaveu ?

Patrice Talon : Désaveu, par rapport à quoi ? Par rapport à la réforme du système politique ou par rapport à mon action globalement : au plan économique, au plan social, au plan sécuritaire, au plan éducationnel ? Désaveu ? Je ne pense pas. Je ne fais pas cette lecture. À mon arrivée, j’ai dit haut et fort que la réforme du pays s’imposait sur tous les plans, y compris sur le plan politique. Les lois qui ont été votées pour réformer le code électoral, pour réformer la charte des partis politiques ont été des lois qui ont été votées par le Parlement sortant. Ceux qui étaient là, les députés qui étaient en place avant mon arrivée, c’est eux qui ont voté les lois en question. Maintenant, pour la mise en œuvre de ces lois, comme on a pu le constater, il s’est posé quelques problèmes. Tout le monde n’a pas été en mesure de satisfaire les exigences de la loi. Les lois ont mis la barre, il faut l’avouer, un peu haut pour contrer…

Marc Perelman : Vous le regrettez peut-être un petit peu ?
Non, je ne peux le regretter parce que c’était une bonne chose. Mais je trouve que la classe politique et les groupes politiques n’étaient pas suffisamment préparés à satisfaire les exigences qu’eux-mêmes ont fixées. Cela a pu donner lieu à des controverses, ce à quoi nous avons assisté. Mais quelles sont les réformes constructives, réparatrices qui n’engendrent pas des heurts et des controverses ? C’est pour cela que la pertinence de la réforme a été confirmée par les difficultés que nous avons eues à mettre ça en œuvre sans histoire. Mais c’est derrière nous.

M.P. : Alors ce qui n’est pas quand même pas totalement derrière vous -vous avez parlé des heurts-, il y a eu des violences meurtrières, très rares, presque sans précédent dans le pays. Votre ministre de l’Intérieur a admis que les forces de sécurité avaient utilisé des armes létales. Amnesty International affirme qu’il y a eu au moins quatre morts. Aujourd’hui, est-ce que vous pouvez nous dire officiellement, parce que le gouvernement n’a jamais exprimé sa position, combien il y a eu de morts lors de ces troubles ?
Il y a eu des morts.

M. P. : Combien, monsieur le président ?
Je peux vous l’affirmer. Le procureur de la République et le ministère de l’Intérieur ont annoncé qu’il y a eu environ quatre morts. La difficulté, c’est quoi ? C’est qu’il y a des gens qu’on appelle des « chasseurs » qui ont été mobilisés à l’intérieur et à l’extérieur du pays par des acteurs politiques. Des « chasseurs » qui ont tiré avec des armes sur les agents de sécurité, sur les militaires, sur les policiers et même sur les civils. Et parfois, le réflexe de protection du bien public et de protection de soi a amené certains agents de sécurité à faire face aux tirs de ces « chasseurs ». Parfois, pour dissimuler leur action, certains sont partis avec les blessés. Parce que, quand vous tirez sur les forces de l’ordre, et qu’elles ripostent, pour ne pas laisser de traces de qui vous êtes, les gens partent parfois avec les blessés. En estimant les dégâts qui ont pu être causés ici et là, je confirme que le nombre de morts pourrait atteindre le chiffre de quatre. Ce que je veux faire comprendre, c’est que ce qui s’est passé relève d’une responsabilité globale de nous tous.

C. B. : Et vous prenez votre part de responsabilité ?
Tout à fait, comme la plupart des Béninois. Je suis le premier responsable aujourd’hui des forces de sécurité, je suis le premier responsable en matière de maintien de l’ordre. Et toutes les fois qu’il y a des dérapages, qu’il y a une foule, un groupuscule de gens qui s’attaquent à leurs semblables, à leurs concitoyens, je suis le premier à assumer mes responsabilités, dans un cas ou dans l’autre.

M. P. : Vous aviez dit après l’échec de ce projet de mandat unique que pour la prochaine élection, prévue en 2021, vous aviseriez. J’imagine que vous avez dû y réfléchir. Cette réforme constitutionnelle est passée. Donc la question évidente, pour tout le monde : est-ce que vous allez vous représenter en 2021 ?
Être réélu éventuellement ou non, être candidat éventuellement ou non ne conditionne pas mon action au quotidien. Peu importe alors que Patrice Talon soit candidat en 2021. Ma candidature éventuelle dépend de trois choses : elle dépend de ma disponibilité personnelle, de mon état d’esprit ; elle dépend de l’environnement politique dans lequel nous sommes puisque les réformes qui sont en cours tentent à renforcer le rôle des partis politiques ; le troisième facteur duquel dépend une éventuelle candidature de Patrice Talon, c’est la mise en œuvre de mon action actuelle. Je suis relativement satisfait de la définition des actions gouvernementales. Même si dans la mise en œuvre, il nous a fallu plus de temps que prévu. Ces trois facteurs demain détermineront mon choix. Mais je vous dis, j’aviserai en tenant compte de ces trois facteurs, demain, si je dois être candidat ou non.

C. B. : Le deuxième facteur, c’est l’environnement politique. On remarque que pour 2021, vos deux principaux adversaires de 2016 sont hors-jeu puisque Lionel Zinsou (l’ancien Premier ministre béninois condamné le 2 août à Cotonou pour usage de faux documents) est inéligible pour cinq ans et puisque Sébastien Ajavon (condamné, par contumace, le 18 octobre 2018, pour une affaire de drogue) a été condamné à 20 vingt ans de prison et est en exil en France. Du coup, l’un de vos prédécesseurs, Nicéphore Dieudonné Soglo, vous a qualifié de « petit dictateur ». Que répondez-vous à tous les Béninois qui disent : Patrice Talon, en fait, va être candidat et va verrouiller la présidentielle de 2021 ?
Ceux qui disent que je vais être candidat, si c’est leur souhait, j’aviserai. Je vous dirai si je suis candidat. Mais vous avez dit, mes « deux principaux adversaires ». Je n’ai pas compris le sens de la question. Lionel Zinzou et Sébastien Ajavon, qui ont donc été candidats aux précédentes élections, pourraient ne pas être candidats aux élections à venir. D’abord, je ne suis pas dans cette dynamique puisque je ne suis pas candidat. Je ne vous ai pas dit que je suis déjà candidat en 2021. Pourquoi voulez-vous que, parce que quelqu’un a un manteau politique, que la personne soit exemptée de toute faute, soit un saint et qu’il ne puisse jamais répondre de ses fautes. Est-ce que c’est parce que quelqu’un a été candidat une fois et que la personne est vue comme un acteur politique et même un opposant politique qu’il ne doit jamais répondre de ses actes ? Vous avez cité Sébastien Ajavon, je n’aime pas parler de ce genre de chose, mais je vais vous répondre là-dessus. Est-ce que parce que Sébastien Ajavon a été candidat et qu’il pourrait être candidat à nouveau, il ne doit jamais répondre de ce qu’il a pu faire ou de ce qu’il aurait pu faire ? Je vous pose la question. Est-ce que vous voulez que la compromission aille jusqu’à ce niveau-là ? Vous avez parlé de Lionel Zinsou. Vous avez vu circuler dans la presse de manière authentique les preuves d’une utilisation d’un prêt pour le financement de son élection. Cela a été dit et écrit noir sur blanc de sa main. Vous voulez que quelqu’un qui déclare ou qui dit publiquement, je prends 30 millions d’euros ou 40 millions d’euros (je ne me rappelle plus), pour financer mes élections… Il le dit publiquement alors que la loi interdit, limite les dépenses pour les élections présidentielles. Vous voulez qu’il n’en réponde pas parce qu’il est un acteur politique, qu’il est au-dessus de tout le monde ? Si vous voulez que l’action politique soit exemplaire et qu’elle entraîne les citoyens à être également exemplaires, chacun dans son domaine, il faut bien que ceux qui dérapent répondent de leur dérapage. Sinon pourquoi voulez-vous que le policier, le douanier, le fonctionnaire ordinaire réponde de ce que lui il a fait ?

M. P. : Il y a aussi évidemment le cas de l’ex-président Thomas Boni Yayi. Il y a eu des semaines de tensions ici même à Cotonou. Vous avez fini par le laisser partir à l’étranger. Des questions très concrètes : est-ce que vous vous êtes parlé directement et va-t-il rentrer au Bénin ?
C’est tout mon souhait que le président Boni Yayi rentre au Bénin. C’est l’ancien président du Bénin. Le président Boni Yayi est désormais une personnalité particulière dans l’espace de vie au Bénin. Et nous avons la conviction au niveau de l’Union africaine, de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest], et c’est également ma conviction… Il est important que l’alternance politique soit une réalité en Afrique, que les présidents en exercice puissent facilement passer la main. Et c’est pour cela que, quelqu’un qui a été président de la République, peut-être même confondu dans des choses répréhensibles, doit faire l’objet de traitements particuliers. C’est difficile à dire parce que tantôt, je viens de vous dire que chacun doit répondre de ses faits et gestes, mais les pays africains continuent de se construire. Je ne vais pas vous dire que la nation béninoise, que nous avons fini de la construire, qu’elle est une et complète. Non. J’ai également dans mon rôle actuel la responsabilité de porter ma pierre à la construction de la nation béninoise. Et pour peu qu’un ancien président fasse l’objet de tracasseries, fondées ou pas, une bonne partie de la nation, du peuple peut mal le percevoir. Et c’est pour cela que j’ai beaucoup regretté l’implication du président Boni Yayi dans ce qui s’est passé, parce qu’il a été impliqué dans ce qui s’est passé. Je lui ai fait comprendre, je lui ai dit ouvertement parce que moi, je m’adresse direct…

M. P. : Vous lui avez donc parlé ?
Je lui ai fait comprendre. Mais c’est désormais du passé. Mais malgré cela, mon souhait était qu’il rentre, qu’il montre au peuple béninois que, même s’il a désapprouvé la manière dont les élections se sont passées par la mise en œuvre des nouvelles lois, et que cela a pu amener de la violence, nous sommes capables de tirer un trait sur cet évènement difficile pour nous, et que chacun dans la sagesse continue de contribuer à un environnement de paix et de développement. Le président Boni Yayi a été dix ans président de la République du Bénin, donc responsable de notre devenir et de notre destin commun. Même s’il n’est plus dans la charge, la noblesse de la fonction doit continuer d’être pour lui un impératif.C’est pour cela que ce serait bien que le président Boni Yayi rentre. D’autant qu’aujourd’hui, plus personne ne doit craindre les suites de son action à cause de l’amnistie. Donc, il n’a plus rien à craindre même s’il avait des inquiétudes quant à l’interpellation d’un juge sur ce qui a pu se passer. C’est fini.

C. B. : Le 20 août dernier, le Nigeria a fermé ses frontières terrestres avec tous ses voisins, et notamment avec vous, le Bénin. On connaît les raisons économiques, notamment la lutte contre la contrebande. Mais on sait aussi l’investissement de l’ancien président Obasanjo en faveur du président Boni Yayi. Est-ce que ce n’est pas aussi à cause du traitement qui a été initialement infligé au président Boni Yayi que le Nigeria a pris cette mesure ?
Mon dieu, ce que vous dites est très réducteur pour le grand Nigeria et pour le président Buhari. C’est très réducteur. Je trouve cela assez curieux qu’on dise que, parce que le président Boni Yayi a reçu une convocation d’un juge, cela a pu être une raison de fermeture des frontières du Bénin (rires). Mais non. La situation du Bénin, des frontières terrestres entre le Nigeria, le Niger et le Bénin, est une situation difficile et préoccupante aussi bien pour nous, pour notre population, pour nos acteurs économiques, que même pour les autorités nigérianes. J’ai vu le président Buhari déjà plusieurs fois sur la question, il est très embarrassé. Les administrations sont en train de travailler pour enfin trouver les mesures techniques qu’il faut pour que cette solution radicale ne soit pas… Elle ne peut pas durer, pourquoi ? Parce que nous sommes deux pays frères et, quels que soient les problèmes techniques que nous reconnaissons tous, nous sommes tenus de trouver une solution pour ne pas mettre un mur entre les deux peuples. Et ce n’est pas la volonté du président nigérian. Pas du tout. Ce n’est pas non plus ma volonté. Et nous travaillons à cela.

M. P. : Donc vous espérez une solution bientôt ?
Il y aura une solution très bientôt qui va satisfaire les exigences du libre-échange entre deux pays.

M. P. : Je vais revenir rapidement à une question plus économique, vous êtes depuis longtemps un défenseur du franc CFA. Le gouvernement se dit prêt à une réforme ambitieuse de la zone franc…
Quel gouvernement ?

M. P. : Le gouvernement français.
Il faut le dire (rires).

M. P. : Pardon si je ne l’ai pas dit, c’est mon erreur. Donc le gouvernement français se dit prêt à une réforme ambitieuse de la zone franc, par la voie de son ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Une question concrète : est-ce que vous seriez favorable à un transfert des réserves monétaires de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans un autre pays que la France ? C’est une des mesures qui est réclamée ?
Les paysde l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] et la France, puisque la France est notre partenaire en matière monétaire, elle assure la convertibilité illimitée du franc CFA dans le monde, et notamment à travers l’euro. Cette réforme qui veut qu’il n’y ait plus de comptes d’opération et que la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest de l’UEMOA ne garde plus une partie de ses réserves de change auprès du Trésor français, cette réforme est souhaitée de tous, y compris par le gouvernement français actuel, y compris par le président Macron. Nous sommes tous d’accord là-dessus, à l’unanimité, pour mettre fin à ce modèle qui, techniquement, n’était pas un problème. Une monnaie a deux faces, a deux valeurs. Il y a la valeur technique et la valeur psychologique. Cet état de choses est devenu un problème pour le CFA, mais un problème psychologique, pas un problème technique. Les réserves de change, qui sont pour une partie logées auprès du Trésor français pour assurer la garantie de convertibilité, si c’était une partie – ce n’est pas toute la réserve de change de la Banque centrale qui était domiciliée en France auprès du Trésor français -, si demain, nous mettons en œuvre – et ça va se faire très rapidement – cette mesure, les réserves de change seront gérées dans les diverses banques centrales (américaine, chinoise, japonaise, canadienne et autres, européennes). Donc, la Banque centrale des pays d’Afrique de l’UEMOA va gérer la totalité de ses réserves de devises, va les répartir auprès de ces diverses banques centrales partenaires dans le monde. Psychologiquement, par rapport à la vision de souveraineté et de gestion de sa monnaie, il n’est pas bien que ce modèle continu, parce que c’est également quand même la vision du monde par rapport à une monnaie, à un pays est un élément important de la valeur de la monnaie.

C. B. : Ce changement de domicile des réserves de change de la Banque centrale, c’est pour quand, c’est pour avant le sommet Afrique-France du mois de mai prochain ?
Non, je n’ai pas à vous donner la date. Je peux vous dire que c’est déjà acté, c’est déjà la volonté de tout le monde. Ça va se faire et d’ailleurs, la France va aussi se retirer des structures de gouvernance de la monnaie. Quoi que, je vais vous dire une chose, la présence des Français, des Canadiens, Américains dans nos structures de gouvernance en tant qu’observateurs pour s’assurer que les pays de l’UEMOA ont une gestion de leur monnaie, une gestion efficace transparente et digne de confiance, est quelque chose qui ne me gêne pas. La monnaie, c’est quelque chose qui a besoin d’avoir la crédibilité et l’assurance de tout le monde quant à sa gestion.

C. B. : Normalement, c’est l’année prochaine que le CFA doit être remplace par l’éco des 15 pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), mais vous qui êtes un homme pragmatique, vous croyez que ce sera vraiment l’année prochaine ? Est-ce vraiment réaliste ?
C’est un agenda politico-économique, mais les réalités de l’économie parfois sont en déphasage avec la volonté politique. Ce n’est pas évident que techniquement, nous soyons prêts à rentrer dans une monnaie comme l’année prochaine. Moi, j’ai le défaut de dire les choses de manière trop directe. Les critères de convergence, l’harmonisation de tout ce qui techniquement concoure à l’entrée à la fois de tous ces pays dans la même monnaie pose encore quelques problèmes de calendrier. Même si nous n’y parvenons pas véritablement l’année prochaine, la volonté demeure et nous souhaitons qu’un jour, les pays de la Cédéao [15 pays, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Cap-Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo] puissent se retrouver tous au sein d’une même monnaie. Cela viendra même si techniquement, nous n’y parvenons pas encore l’année prochaine.

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