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Le triomphe de la vérité

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Edito: Une loi d’amnistie ?


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Pour l’opposition radicale, la loi d’amnistie souhaitée par les participants au dialogue politique, cache la volonté de Talon de s’absoudre des morts survenus à la suite de la crise postélectorale. Et c’est vrai que le vote de cette loi permet à tout le monde d’être quitte. Ceux qui ont été emprisonnés sortiront de prison, définitivement libérés de toute poursuite judiciaire. Ce qui ne signifie nullement qu’ils ne sont pas coupables, mais que l’Etat a décidé de ne plus leur demander des comptes. Ceux qui ont été contraints à la clandestinité pourraient alors sortir du bois et vaquer librement à leurs activités. Ceci signifie également que toute poursuite à l’encontre des auteurs ou commanditaires des violences, de quelque camp qu’ils se trouveraient, sont définitivement soulagés. Plus jamais personne ne les inquiétera sur cette affaire, quel que puisse être leur niveau de responsabilité dans le drame. L’exercice, évidemment, vaut aussi pour le pouvoir dont les principaux responsables ne seront plus jamais poursuivis sur cette affaire. Et c’est précisément ce que l’opposition radicale ne veut pas.
Mais pour l’opposition modérée, cette loi permet aux camarades emprisonnés et aux fugitifs d’être libres. Comme vous le voyez, là où les uns voient une opportunité d’apaisement et donc un retour nécessaire à une vie normale, pour les autres, il s’agit d’une ruse de plus.
Ces deux niveaux d’interprétation ne sont pas bien surprenants. En 1990, lorsque la conférence nationale a décidé d’amnistier les barons du PRPB dont les crimes ont été rappelés devant les délégués, certains parmi les victimes des barbaries de l’époque, ne l’ont jamais digéré. Pour des raisons que l’on peut comprendre, même aujourd’hui une bonne partie des victimes n’ont jamais pardonné à Mathieu Kérékou les morts, les sévices, les tortures et autres représailles qui ont été infligés par les caciques de son régime. Mieux, ceux auxquels l’on a pardonné bien des crimes, se sont retrouvés au lendemain de la conférence à jouer des rôles importants dans l’appareil politique. Mathieu Kérékou lui-même a fini par se tailler un manteau de héros national.
Le fait ici c’est que, qu’on le veuille ou non, une loi d’amnistie est un moyen par lequel l’on reconnait des torts commis, tout en acceptant de pardonner au nom de la paix. Là-dessus, les organisations de lutte pour les droits humains auront beau crier à l’injustice, elles doivent faire face à la volonté des politiques qui décident de passer l’éponge, sans chercher outre mesure à venger les crimes commis, les maisons brûlées, les blessures infligées, les voitures cassées, etc. Tout au plus, on agitera la possibilité de dédommagement pour les ayant-droits de ceux qui sont décédés et ceux ayant subi divers préjudices. La conférence nationale avait bien obligé l’Etat à payer des indemnités aux victimes du PRPB et à leurs ayant-droits, mais les morts ne sont plus jamais revenus. Ceux qui ont subi des infirmités permanentes ont été traumatisés à jamais. Ceux qui ne peuvent pas pardonner continueront à garder leurs haines et leurs rancœurs, mais la classe politique ayant décidé qu’il est plus important de regarder le futur que le passé, il n’y a plus qu’à se tourner vers cet horizon de pardon.
Même si une loi d’amnistie paraît injuste pour ceux qui ont subi des dommages et surtout pour ceux qui sont morts, il n’en est pas moins qu’elle permet au pays de ne pas sombrer dans les règlements de compte à répétition. Ces règlements de compte font le lit à l’instabilité politique dont on connait les ravages sur le développement.
Mais la question fondamentale que l’on se pose est de savoir si la loi d’amnistie ne sera pas une manière de dire aux futurs fauteurs de troubles qu’ils peuvent toujours casser ou tuer dès qu’une crise survient.Cette loi n’est-elle pas en définitive une licence de désordre ? Ne va-t-elle pas créer un climat d’impunité propice à l’arrogance des malfaiteurs qui ont mis le pays à feu et à sang ? Le risque est bien réel. Entre courir ce risque et regarder l’avenir, il y a un choix de clémence et d’indulgence à faire. En espérant que chacun saura finalement qu’aucune amnistie ne lave la conscience du mal qu’on a fait aux autres.

Par Olivier ALLOCHEME

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