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Le triomphe de la vérité

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Edito: Il y a quelque chose


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Lorsqu’en mars 2016, un groupe terroriste se revendiquant d’ Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a tué 19 personnes à Grand-Bassam en Côte-d’Ivoire, je n’ai pas entendu le gouvernement français taxer la Côte-d’Ivoire de pays à risque. Et pourtant quatre touristes français faisaient partie des victimes. De plus, l’attentat avait eu lieu à quelques kilomètres d’une base militaire française. A l’époque, on avait estimé que la cible de l’attaque était les Français contre lesquels AQMI a déclaré la guerre pour être intervenus au Mali.
Mais dans le cas de l’enlèvement de deux touristes dans la Pendjari, les commentaires du Quai d’Orsay sont allés dans le sens de catégoriser le parc comme une zone à risque. Jean-Yves Le Drian, ministre français des affaires étrangères, a estimé samedi que la zone « était considérée depuis déjà pas mal de temps comme une zone rouge, c’est-à-dire une zone où il ne faut pas aller, où on prend des risques majeurs si on y va. » Une impertinence que certains médias français ont tôt fait de relever, le journal Le Figaro rappelant par exemple que jusqu’au 10 mai dernier, le parc Pendjari n’était sur aucune liste rouge. Il est vrai que certains esprits ont rapidement fait le lien avec la crise politique nationale, certains soulignant que la situation sécuritaire du pays est aussi tributaire des problèmes de gouvernance à Cotonou. On aura compris.
La conséquence directe de toutes ces extrapolations imprécises et, à la limite, ingénues, c’est que les agences de voyage ont commencé par annuler la destination Bénin. Et Jean-Yves Le Drian, qui était ministre de la défense en 2016, au moment des attentats de Grand-Bassam, sait très bien l’incidence de ses déclarations sur le Bénin en général et le parc en particulier. L’infrastructure elle-même est en pleine phase de transformation, en vue d’y développer un tourisme animalier de haut niveau. African Park Network y investit environ 26 millions de dollars pour sécuriser et réhabiliter le site, aidé par des organismes comme National Geographic, la Wyss Fondation et le gouvernement béninois. Ce partenariat international mis en place vient du fait que la Pendjari constitue une réserve faunistique exceptionnelle, sur une superficie de plus de 4600 km², avec des espèces sauvages comme les éléphants, les lions, les guépards, les antilopes, les buffles et les hippopotames. C’est le plus grand parc d’Afrique de l’ouest. Même si je ne partage pas toujours cet enthousiasme du gouvernement béninois, il est évident que le tourisme fait partie des axes prioritaires de son programme d’action. Et cela va au-delà des mots. Des actions concrètes sont menées pour revaloriser le secteur et en faire un pôle de création de richesse. Et il n’y a pas qu’au Bénin que cette perception est partagée. La semaine dernière, le Président sud-africain Cyrille Ramaphosa, a pu laisser entendre au cours du salon Africa Travel que le tourisme est le nouvel or de l’Afrique. Et selon le rapport Africa Tourism Monitor publié en juillet 2018 par la Banque Africaine de Développement, le secteur a généré en 2016 des revenus évalués à 36,2 milliards de dollars pour 62,9 millions de visiteurs internationaux. Ce sont 22,8 millions d’emplois directs et indirects qui ont été créés par le secteur en Afrique en 2017.
En clair, Paris sait très bien combien le tourisme peut devenir vital pour l’économie béninoise, au regard des investissements injectés et de tous les espoirs placés en lui. Le fait que cet enlèvement intervienne en cette période de grand tumulte pour le Bénin peut soulever des questions légitimes : pourquoi cette volonté presque visible de nuire à l’image du Bénin ? Malgré tout, le Bénin ne saurait courir le risque d’une confrontation directe avec l’ex métropole. Un Etat africain conscient des errements du passé et des enjeux de l’avenir ne saurait s’embarrasser d’une telle confrontation dans laquelle elle aurait plus à perdre qu’à gagner. Oui, la France a commis une erreur en se positionnant dans un Beninbashing qui sonne comme un complot au pire moment. Mais il appartient aux autorités béninoises et surtout aux responsables du parc de relever ce nouveau défi en mettant en place une stratégie adéquate de communication et d’action géostratégique.
Je ne peux pas finir cet éditorial, sans rendre hommage à notre compatriote Fiacre Gbédji qui a perdu la vie dans cette tragique odyssée. A sa famille traumatisée et à tous ses collègues du parc, je formule toutes mes condoléances. La Pendjari revivra.

Par Olivier ALLOCHEME

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