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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’hydre persiste


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l y a quelques années, j’aurais applaudi le seul point acquis par le Bénin dans le classement de Transparency International pour son édition 2018. J’aurais applaudi pour saluer le petit pas dans le vaste non-sens de la mauvaise gouvernance qui fut érigé en système. Tant la gangrène avait atteint un tel niveau de pourriture que nous en désespérions. Il y avait une révolte qui s’est cristallisée avec les concours frauduleux et l’arrogante suffisance des princes fiers à l’époque de saccager la morale républicaine. Je revois encore certaines images, et je me dis que nous venons vraiment de loin.

C’est pourquoi j’ai été déçu du classement qui est celui du Bénin. 85ème sur 180 pays, cela ne reflète pas du tout les réformes qui sont menées dans le cadre de la bonne gouvernance. Disons le mot : on ne peut pas être fier d’en être encore là. Il y a quelques années encore, les tracasseries policières faisaient la chronique quotidienne des médias, avec leurs lots de pot-de-vin à glisser. Aujourd’hui, les fonctionnaires de la police républicaine sont si disciplinés qu’il faut réfléchir avant de leur offrir des pourboires. Pour l’avoir tenté, certains usagers l’ont appris à leurs dépens. Ils ont été condamnés par la justice. Au port et à l’aéroport, il est devenu très difficile de corrompre qui que ce soit. La dématérialisation des formalités douanières renforcée grâce au guichet unique, n’a fait qu’anéantir les anciens nids de corruption. Si entretemps, les douaniers s’enrichissaient à tour de bras, aujourd’hui, les plus sincères vous diront qu’ils ont commencé à vendre certains de leurs biens non nécessaires. Le serrage de ceinture a été violent.

Alors question : qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Il faut d’abord se rappeler que le classement de  Transparency International se base sur la perception des citoyens. Là-dessus, le Bénin ne déroge pas à la règle régionale. Le rapport 2018 note que la plupart des gouvernements d’Afrique subsaharienne ont échoué à traduire dans les faits, leurs engagements contre la corruption. Résultats,  la région présente les résultats les plus faibles. Les Seychelles, le Botswana, Cap Vert, le Rwanda et la Namibie sont les pays les moins corrompus d’Afrique subsaharienne.  Mais l’on notera que sur les dix pires Etats en cette matière à travers le monde, cinq sont en Afrique : Somalie, Sud Soudan, Soudan, Guinée Bissau et Guinée Equatoriale. Et lorsque l’on évoque ce fléau, il est évident que ses répercussions sur les services publics élémentaires sont dramatiques. En matière de soins de santé, d’administration de la justice, de qualité d’éducation…, c’est le citoyen ordinaire qui souffre. Ce sont les Etats qui reportent à demain la perspective même du bonheur de leurs citoyens. Alors, pourquoi les fruits n’ont-ils pas tenu les promesses des fleurs ?

La perception des citoyens ordinaires n’a certainement pas retenu les efforts fournis, mais les déséquilibres perçus. Beaucoup se demandent effectivement pourquoi la lutte contre la corruption est sélective, pourquoi certains dirigeants notoirement corrompus mais proches du régime, continuent à être protégés aujourd’hui comme hier, alors que les opposants sont traqués avec la dernière énergie. On radie de la fonction publique des agents de police qui ont volé moins de cent mille (100.000) FCFA, alors que l’on dresse le tapis rouge à des acteurs politiques qui ont volé des milliards, un peu comme s’il y avait dans ce pays une justice pour les pauvres et une autre exclusivement dédiée aux riches à qui tous les droits sont donnés. J’entends les citoyens crier de-ci de-là, et se demander si c’est vraiment Patrice Talon qui conduit les réformes qui leur arrachent leurs gagne-pain. L’ancien roi du coton dont les méthodes d’homme d’affaire sont loin d’être orthodoxes, a revêtu ses habits de justicier, pour sanctionner des pratiques qu’il connaît plutôt bien. Ce n’est pas une posture que bon nombre de Béninois acceptent. Et ils ont raison.

Malgré les réformes, malgré les dématérialisations et l’ampleur des contrôles et audits qui mettent des pressions parfois inouïes sur tout le monde, la perception de la corruption a très peu évolué au Bénin. Cette déception peut au moins se satisfaire de ce qu’un jour, les acteurs politiques aujourd’hui protégés par leur popularité au sein de leurs électorats, pourront effectivement répondre un jour de leurs crimes économiques qui restent désespérément imprescriptibles. C’est le seul espoir pour renverser la vapeur et pour que le Bénin se hisse dans le lot des pays les plus vertueux.

 

Par Olivier ALLOCHEME

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