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Le triomphe de la vérité

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Actualité politique en Afrique: Les analyses pertinentes du Prof. Yahaya Diaby sur la politique africaine


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En séjour au Bénin il y a quelques jours, Professeur Yahaya Diaby, le fondateur et directeur de l’Ecole des sciences de l’information et de la communication (Esic-Afrique), professeur missionnaire dans plusieurs universités d’Afrique, s’est prononcé sur les grandes mutations politiques que s’apprêtent à vivre plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’ouest à travers l’organisation d’élections présidentielles. C’était au cours d’une émission spéciale de la chaîne de télévision privée Canal 3 Bénin. Yahaya Diaby a aussi, au cours de l’émission, abordé des sujets relatifs à la période post-électorale dans certains pays comme le Mali et le Sénégal, la libération l’ex Première dame ivoirienne Simone Gbagbo, etc.

Journaliste : Le peuple malien a une fois encore réussi son examen démocratique en reconduisant Ibrahim Boubacar Kéita. Comment avez-vous suivi le déroulement de ce scrutin?

Yahaya Diaby : Je pense que le Mali vient de démontrer une fois de plus sa capacité d’organiser des élections démocratiques depuis l’avènement du pluralisme politique en 1991. Comme vous le savez, Alpha Oumar Konaré a été le premier président élu démocratiquement au Mali. Il a été réélu 5 ans après. Au terme de ses deux mandats, il a été remplacé démocratiquement par le président Amadou Toumani Touré qui a été réélu. Maintenant, il s’agit du fait de la réélection du président Ibrahim Boubacar Kéita. La réélection sans difficultés majeures des présidents au Mali, depuis 1997, fait que le pays est entré maintenant dans une phase de culture de réélection pour deux mandats au plus. C’est vrai que cette élection s’est déroulée dans la transparence, même si la question du fichier électoral a opposé entre temps l’opposition au pouvoir.

Quelle sont les faiblesses que vous avez pu noter dans le processus électoral?
La question du fichier électoral est un problème général en Afrique et qui est lié au recensement de nos populations. Il faudrait qu’il y ait de la sensibilisation. Il ne faut pas qu’on attende les élections pour procéder à la révision du fichier électoral. Comme vous le savez, il faudrait que les actes de naissance, les jugements supplétifs dans nos villages et dans nos villes soient établis pour chaque citoyen. Et c’est à la lumière de cela que nous pouvons établir très rapidement avec l’informatisation, un fichier électoral correct en tenant compte de ceux qui sont vivants. Je pense qu’il ne faut pas attendre l’approche des élections pour procéder à la révision du fichier électoral. Cela peut conduire certainement à des tripatouillages, parce que ceux qui sont au pouvoir ont tendance à faire en sorte que le fichier électoral soit en leur faveur. Alors, il y a beaucoup d’observateurs qui proposent qu’on forme véritablement les agents électoraux.

Au Mali, quelles sont les propositions que vous avez à faire pour qu’on puisse améliorer le système électoral ?
Je pense qu’il ne s’agit pas seulement de former les agents électoraux tout de suite, à la veille des élections. Il faut que ces documents soient bien préparés à l’avance, que chaque citoyen ait été formé sur le plan de l’informatique, soit recensé en ayant sa carte d’identité biométrique et tous les documents nécessaires. Dès que nous serons à la veille des élections, et avec l’informatisation de toutes ces données, on ressort les documents qu’il faut pour passer à la phase des élections. Le fait d’attendre les élections pour faire le travail peut entrainer des doutes sur la bonne gestion du fichier électoral.

En politique, la communication est un facteur majeur pour la réussite d’une élection présidentielle. Ce facteur a-t-il favorisé les résultats au Mali ?
J’étais au Mali avant le vote. J’ai participé à un colloque sur Soundiata Kéita à l’Université des sciences et lettres de Bamako. A cette occasion, j’ai compris que les différents partis politiques étaient en train de se préparer pour mener la campagne pour la présidentielle. Dans ce cadre, la communication politique a été bien menée. Je l’ai vu à la télévision, à travers les meetings organisés en langue nationale dans les différents quartiers de Bamako. Je pense que la communication politique repose sur trois domaines principaux. Il s’agit de l’opinion publique, les journalistes et les différents médias, et enfin les hommes politiques. Quand on regarde les différents messages à la télévision, je peux dire que les Maliens étaient à la hauteur de la communication politique. C’est un peuple pour qui le Bambara est une langue davantage nationale, et cela a été bien utilisé pour que les populations sachent les projets et programmes des différents partis politiques présentés au peuple malien.

D’autres pays africains se préparent à élire leur nouveau président. C’est le cas du Cameroun qui va aux élections en octobre prochain. Comment appréciez-vous la candidature du président sortant, Paul Biya ?
Paul Biya est le deuxième président du Cameroun après le président El Hadj Amadou Ahidjo. Au départ de ce dernier, c’est Paul Biya qui lui a succédé et chaque fois, son mandat a été renouvelé. En Afrique, si les élections sont démocratiques, c’est au peuple d’en décider. Vu le travail et les efforts élaborés par le président Paul Biya, il y a de fortes chances qu’il soit réélu. Comme vous le savez, il ne faut pas croire que la démocratie africaine doit s’inspirer de la démocratie occidentale. On a vu tout récemment l’Assemblée nationale de la Chine décider de faire de Xi Jinping, un président à vie. En Afrique, cela serait impossible. Je pense que chaque pays est souverain pour sa démocratie. Chaque pays a sa démocratie, mais il faudrait que les élections soient ouvertes, transparentes, et que celui qui est élu, qu’il soit jeune ou vieux, soit élu démocratiquement.

Pour vous, la candidature de Paul Biya est opportune et nécessaire ?
Pour moi, elle n’est pas inopportune. C’est un citoyen camerounais. Il faut que les élections soient démocratiques, transparentes et que les résultats soient connues de tous.

En République démocratique du Congo, les élections présidentielles plusieurs fois reportées, sont annoncées pour le mois de décembre prochain. Est-ce que cette fois-ci est la bonne ?
Je pense qu’on est bien parti pour la succession de l’actuel président, Kabila. J’ai vu à la Cour constitutionnelle, des recours de certains candidats dont la candidature a été rejetée. On attend le résultat de ces recours. Au regard des faits antérieurs, la République démocratique du Congo est un pays qu’il n’a jamais été aussi facile de démocratiser depuis Patrice Lumumba. On souhaite que cela se passe dans la paix et dans la transparence, pour que le nouveau président soit démocratiquement élu et accepté de tous les Congolais.

Que pouvons-nous attendre de cette élection ?
Il faut que cette élection soit démocratique, qu’elle soit marquée par la présence des observateurs internationaux, qu’il y ait une bonne campagne politique, un bon recensement de la population, de bonnes conduites de la part des candidats pour éviter la violence.

Le Sénégal et le Nigéria seront aussi soumis à cette épreuve démocratique. Comment appréciez-vous ces élections ?
Depuis l’époque du président Léopold Sédar Senghor jusqu’à nos jours, le Sénégal est une référence démocratique. Il n’a jamais basculé dans l’anti-démocratie. Le président Senghor est parti par la démocratie, de même que le président Diouf. Abdoulaye Wade est venu par voie démocratique. Il a voulu se maintenir mais a été écarté par la démocratie. Aujourd’hui, c’est Macky Sall qui est là. C’est un pays où la culture démocratique est acceptée de tous. Il sera difficile pour le Sénégal de tripatouiller les élections pour que x ou y vienne au pouvoir. Je pense que les élections vont se passer dans de très bonnes conditions.

Quelles sont les forces en présence au Sénégal pour ces élections ?
Nous avons le Parti socialiste sénégalais, le Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade, et aussi la mouvance présidentielle qui se bat pour la réélection de son candidat, Macky Sall.

On s’apprête également à aller aux urnes en Guinée-Conakry où la rumeur de la révision de la Constitution devient persistante. Qu’en dites-vous ?
Croyez-vous aux rumeurs ? Le président Alpha Condé a-t-il dit qu’il va relancer sa candidature pour un troisième mandat ? C’est la rumeur et ce n’est pas fondé. Je pense que le professeur Alpha Condé est un grand humaniste, un grand démocrate qui s’est battu depuis le président Ahmed Sékou Touré pour que le pays retrouve la démocratie. Je pense qu’il doit pouvoir penser à l’avenir démocratique de son pays qui doit passer de la transmission de pouvoir à d’autres.

Parlons de l’actualité politique en Côte d’Ivoire notamment de la crise ouverte entre le PDCI-RDA de Henri Konan Bédié, et le RDHP du président Alassane Ouattara. Quelle est l’origine de cette crise ?
Je pense que c’est un problème qui aurait pu se régler autrement. Pour vous faire l’historique de cette crise, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire est issu du Rassemblement démocratique africain, deuxième parti en Afrique subsaharienne après l’ANC de l’Afrique du sud. Après l’indépendance de la Côte d’Ivoire et la création du RDA en 1946, le PDCI-RDA était un parti révolutionnaire, anticolonialiste. A partir de 1957/1958, le PDCI-RDA ayant gagné les élections, a fini par intégrer un parti qu’est le Parti progressiste de Côte d’Ivoire et le Parti des indépendants d’Outre-mer et d’autres partis. Dans l’ouvrage du journaliste français André Blanchet intitulé « L’itinéraire des partis politiques africains depuis Bamako », vous verrez que le PDCI-RDA est un parti unifié parce que le Parti progressiste de Côte d’Ivoire et le Parti des indépendants d’Outre-mer et d’autres partis avaient été invités à intégrer le PDC-RDA. Mais ils lui ont demandé de changer de sigle, ce qu’il a refusé de faire. Les autres partis ont finalement intégré le PDCI-RDA qui est devenu un parti unifié depuis 1958/1959. Il n’a jamais voulu changer de sigle et de nom mais a voulu se rattacher à son idéal depuis sa création en 1946 à Bamako. C’est pourquoi aujourd’hui, nombre d’ivoiriens connaissent ce passé du PDCI-RDA. Si le président Bédié est attaché à ce PDCI-RDA, c’est qu’il en connait l’histoire. Donc, il appartient aux présidents Bédié et Ouattara de bien négocier pour que le RDR et le PDCI s’intègrent comme par le passé, vu que le RDR est inclus dans le PDCI-RDA.

Qu’est-ce qui divise aujourd’hui les deux partis ?
C’est un problème de leadership par rapport à la campagne électorale de 2020. Le PDCI a voulu être au-devant de tous les partis politiques de la Côte d’Ivoire. Le PDCI admet difficilement qu’un autre parti le dépasse.

Il y a un parti qui accuse l’autre d’avoir volé ses cadres. Cette guéguerre a-t-elle sa raison d’être ?
En Côte d’Ivoire, nous avons des partis à tendance ethno-régionales. Aujourd’hui, le PDCI intègre toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Le RDR avait commencé sur une base ethno-régionale mais aujourd’hui, c’est un parti qui s’élargit dans d’autres régions. Le RDR est devenu un parti national. En Côte d’Ivoire, aucun parti politique ne peut gagner à lui seul les élections. Il faut aller aux alliances et c’est ce qui justifie qu’en Côte d’Ivoire, on a eu le PDCI-RDA et le Front populaire ivoirien, puis le Front républicain qui était l’alliance entre le Front patriotique de l’honorable Gbagbo et le RDR. Aujourd’hui, avec l’avènement de RDHP parti unifié, nous assistons aussi à la propension du FPI à aller vers le PDCI-RDA pour combattre le RDHP unifié. On se demande alors qui sera le mieux placé en 2020 pour accéder au pouvoir?

Comment voyez-vous l’éventuelle candidature de Guillaume Soro en Côte d’Ivoire ?
Comme l’a dit le président Alassane Ouattara, tout le monde peut être candidat en 2020. L’éventuelle candidature de Guillaume Soro participe à la vision du président Alassane Ouattara. Je ne suis pas contre la candidature d’un citoyen ivoirien. Soro mérite d’être citoyen comme tous les ivoiriens.

Le président dit qu’il veut passer la main à la jeune génération. Guillaume Soro est-il indirectement désigné ?
Je pense que le concept de nouvelle génération est un concept qui ne tient pas forcement à l’Afrique. C’est le peuple qui choisit celui qui saura le guider et le diriger.

Simone Gbagbo est désormais libre de ses mouvements. Cette libération va-t-elle contribuer à réconcilier davantage le peuple ivoirien ?
Oui. J’ai constaté que la libération de Simone Gbagbo a donné de la joie au cœur non seulement au RDR du président Alassane Ouattara, mais également aux membres du RDHP. Bien sûr, les partis politiques de l’opposition ont été heureux de constater cette libération, ce qui est une très bonne chose à l’issue de la crise post-électorale. Comme vous le savez, cette crise post-électorale a fait des victimes et quand il y a des victimes, il y a de la rancœur. Il appartient au pourvoir de la soigner pour que les uns et les autres puissent vivre ensemble et s’accepter au mieux. Il faut que les gens sachent que tout pouvoir obtenu de Dieu est éternel et tout pouvoir obtenu des hommes est éphémère.

Quelle est votre position sur le débat en cours sur le franc CFA?
Je pense que le débat sur le CFA est un très bon débat.

Faut-il supprimer cette monnaie ? Quelle est votre position ?
Je ne parlerai pas de suppression, mais je vous ferai un rappel historique. Les Etats Unis étaient sous la bannière de l’Angleterre mais, c’est par la « livre sterling » qu’on connait aux USA le dollar qui est une monnaie américaine. Des pays comme le Brésil, étaient sous la bannière du Portugal et l’Argentine sous la bannière de l’Espagne. Voilà autant de pays qui ont des monnaies nationales qui ne sont pas liées aux monnaies de leurs anciens colonisateurs. Donc moi je pense que le fait même que le CFA existe est un symbole d’union de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale.

Que pensez-vous de la relation entre la Chine et l’Afrique ?
Un des ministres du Général de Gaulle, en 1973 a dit: « Lorsque la Chine s’éveillera, le monde tremblera». Aujourd’hui, cela est une réalité. La Chine démontre à l’ensemble de l’humanité qu’un peuple qui travaille et est rigoureux est un peuple qui avance. Un autre auteur a dit : « Les peuples sont comme des hommes, ils naissent, grandissent et meurent ». Aujourd’hui la Chine a grandi et je pense que la Chine est plus ou moins la première puissance économique du monde. L’Afrique doit s’en inspirer, l’Afrique doit avoir des rapports privilégiés avec la Chine pour se développer aussi.

Professeur Yahaya Diabi, vous avez fait un tour de la ville de Cotonou. Que pensez-vous du gouvernement de Patrice Talon ?
Cela fait plus d’un an que j’ai quitté Cotonou et je constate que la physionomie de cette cité a bien progressé: beaucoup plus d’autoroutes, surtout du côté de la mer, beaucoup plus d’aération et de propreté, toutes choses, à notre humble avis, qui relèvent de la vision développementaliste du président Patrice Talon. Et nous souhaitons que cela se poursuive pour le bonheur continu des Béninois.

La Rédaction

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