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Le triomphe de la vérité

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Un ancien ministre de Yayi, invité « Sous l’arbre à Palabres », au siège de L’Événement Précis : Benoît Dègla appelle au ralliement des forces politiques au PAG


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En deuil dans la nuit du dimanche 21 octobre 2018 suite au décès de sa mère, l’ancien ministre de l’Intérieur de Boni Yayi et député à l’Assemblée nationale, Benoit Assouan Dègla était dans les locaux de L’Evénement Précis le jeudi 23 octobre. Malgré sa douleur, l’homme a tenu à honorer le rendez-vous de ‘’Sous l’arbre à palabres’’, la rubrique phare du journal dont il est le 111e invité. Accueilli par l’équipe mobilisée pour l’occasion, Benoît Dègla s’est, pendant plus de deux heures, exprimé sur les grands sujets de l’heure au Bénin. Soutien de la première heure de l’ancien chef de l’Etat Boni Yayi et actuellement engagé aux côtés du président Patrice Talon, l’invité n’a pas échappé aux questions sur ce revirement. Initiateur de l’« Opération Djakpata » contre l’insécurité au Bénin alors qu’il ét         ait ministre de l’Intérieur, Benoît Dègla a abordé avec les journalistes des questions liées à la gouvernance Talon, la vie politique nationale en l’occurrence la réforme du système partisan et surtout son appartenance au Bloc de la majorité parlementaire.

Il a éclairé les journalistes sur sa démission des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) ainsi que les motivations ayant conduit à son nouveau choix politique, des actions déjà entreprises au sein du Bloc de la majorité parlementaire. Plat de résistance de cet entretien à bâtons rompus, les récentes lois votées par l’Assemblée nationale, la lutte contre la corruption menée par Patrice Talon et surtout les défis sécuritaires au Bénin. « Il faut nécessairement une période où on est réfractaire mais, en même temps on doit rester dans l’espérance que la douleur d’aujourd’hui produira l’espoir demain. Les réformes, telles qu’elles sont entreprises, aucun président à propension populiste ne peut les mener », dira-t-il au sujet des réformes entamées par le chef de l’Etat, Patrice Talon.

Et si on en parlait

Vous avez été élu en 2015 député à l’Assemblée Nationale, 7ème législature sur la liste Fcbe. A six mois à peu près de la fin de votre mandature, quel bilan pouvez-vous faire de cette législature ?

C’est une législature qui est à cheval sur deux mandats présidentiels. Cette législature a vu le jour à un an de la fin du mandat du président de la République en exercice, c’est-à-dire en 2015 et en 2016, notre pays est entré dans une nouvelle phase avec l’arrivée du président Patrice Talon. Chaque président, évidemment, en matière de texte législatif, a besoin de cette collaboration intense avec l’Assemblée nationale pour conduire les dossiers essentiels lui permettant de mobiliser les ressources. Ce que beaucoup de nos concitoyens ne savent pas, c’est que l’Assemblée nationale ne fait pas que voter les lois mais elle participe également à la mobilisation des ressources. En cela, nous avons tant donné d’accords au président Yayi Boni qu’au président Patrice Talon. L’Assemblée Nationale a donné l’accord pour que ces gouvernements puissent s’endetter au nom de la nation tout entière pour pouvoir exécuter les projets contenus dans leurs projets de société. En la matière, l’Assemblée Nationale a joué pleinement son rôle. Nous avons travaillé intensément, nous avons fait plusieurs sessions extraordinaires. C’est-à-dire que depuis la 6ème législature, nous n’avons pas eu de vacance ou de congé parlementaire en tant que tel. Si non, normalement entre les deux sessions ordinaires, les députés ont trois mois de repos, mais nous n’en avons jamais eu. La preuve est que depuis la première session qui est terminée, qui doit donner lieu à la seconde session dans une semaine, nous avons eu plusieurs sessions extraordinaires sur des dossiers d’importance capitale pour la nation, ce qui nous a empêchés de bénéficier véritablement de ce qu’on appelle repos. C’est dire que nous avons travaillé d’arrache-pied. Tellement, les textes étaient nombreux, tellement les accords de ratification étaient nombreux, tellement les projets de loi étaient nombreux, tellement les propositions de loi initiées par les députés eux-mêmes étaient nombreuses que tout le monde était au travail. J’ai connu la 5ème législature dans des contextes différents, j’ai suivi de loin la 6ème législature parce que j’étais ministre ou en tant que chargé de mission, et je me rends compte du travail qui a été abattu ou qui est en train d’être fait par cette législature dirigée par le président Adrien Houngbédji. Nous avons voté beaucoup de lois de grande importance, nous avons voté des accords de ratification pour mobiliser plusieurs milliers de milliards pour le développement de notre pays. Ça veut dire que l’Assemblée a travaillé et continue de travailler jusqu’à la fin de son mandat qui arrive dans bientôt sept mois.

 

Qu’est-ce que ça fait d’appartenir à cette 7ème législature ?

Lorsque vous avez mené le combat pour obtenir le titre de député, vous avez un engagement moral pour vous de travailler pour cette nation dont vous êtes le représentant. Et à ce titre, c’est un honneur qui vous est fait et c’est une fierté que vous devez pouvoir exprimer en vous-même et vis-à-vis des autres par rapport au travail que vous faites et par rapport à l’appréciation que les autres peuvent se faire de vous. En la matière, je dis oui, je suis fier d’appartenir à cette 7ème législature. Aucune œuvre humaine n’est exempte de critique, de commentaires parfois malveillants, mais tout ce que nous avons fait, jusque-là, nous l’avons fait en notre âme et conscience, et cela, convaincu que nous voulons rendre notre pays plus prospère, pour faire de notre pays un pays plus gouvernable, pour faire de notre pays, un pays débarrassé d’un certain nombre de tares. C’est vrai, tout changement entraine ses mélancolies. Nous avons appris pendant longtemps à vivre au-dessus de nos moyens. Aujourd’hui, la nouvelle gouvernance nous impose des changements dans le comportement et c’est normal que cela entraine des grincements de dents. Donc, en la matière, je crois que l’Assemblée fait correctement son travail et c’est vrai, le peuple, à des moments donnés, ne va pas savoir qu’il y a des mesures qui paraissent dures à accepter, mais c’est fait chaque fois en toute conscience et même si nous sommes incompris, l’histoire nous donnera raison.

 

Vous êtes élu sur la liste Fcbe mais avec l’arrivée du régime Talon, vous avez basculé. Pourquoi ce revirement ?

Je dois vous dire que la politique, telle que nous la pratiquons dans notre pays, et dans les pays africains ne doit pas être comparée à la politique telle que ça se vit ailleurs. La démocratie, nous en prenons connaissance seulement maintenant. Nous en jouissons seulement maintenant. Lorsque vous suivez l’actualité dans les pays de ceux-là qui nous ont amené la démocratie, lorsque vous suivez leurs débats, lorsque vous écoutez les sujets sur lesquels ils s’opposent, ce ne sont pas des sujets de développement. C’est des sujets qui ne nous intéressent même pas. Je donne un exemple. Lorsque le peuple doit se soulever, lorsqu’il doit y avoir des marches dans toute la France, simplement parce qu’on veut construire un aéroport et qu’à cause de l’espace que doit occuper l’aéroport, les populations se soulèvent, vous croyez que nous sommes à ce niveau-là ?  Lorsque le mariage homosexuel divise la droite, divise la gauche et c’est des débats à ne plus en finir pendant des heures et des heures, des jours et des jours, des semaines et des semaines, est-ce que cela est pour nous ? Parce qu’ils ont déjà dépassé l’étape du développement, les problèmes de développement sont déjà réglés. Mais nous, non. Nous avons un problème de développement. Pour construire ce développement ou le mener, il y a que selon notre constitution à la date d’aujourd’hui, c’est le président de la République qui a reçu mandat du peuple, pour conduire le développement de son peuple. Mais lorsque vous êtes originaire de l’une de ces localités qui sont en attente de tout, en attente de l’eau, de l’électricité, de l’école, de la santé, de route, une localité qui manque de tout, lorsque vous avez été là pendant cinq ans, dix ans, vingt ans, et que le résultat attendu par le peuple n’est pas atteint et que quelqu’un d’autre vient, et qui dit : « moi, ce défi, je vais le relever », si vous êtes un homme politique fidèle à la défense des intérêts de vos populations, dites-moi messieurs les journalistes: allez-vous tourner dos aux préoccupations des populations que vous dites défendre, aux préoccupations des populations que vous avez portées pendant cinq ans, dix ans et plus, auprès de quelqu’un qui n’a pas pu les satisfaire ? Ou alors aller vers quelqu’un qui dit : « je vais relever le défi » ?

Je crois et je le répète, en politique, on ne trahi pas un homme, on trahit son peuple et l’histoire politique est faite de cela. Les exemples sont légions. Ceux-là même qui sont l’expression de la démocratie en Europe nous en donnent les preuves et les exemples à foison. Yves Le Drian, actuel ministre des affaires étrangères de la France, membre influent du gouvernement Hollande, a passé la main au nouveau ministre de la défense nommé par Emmanuel Macron à 09h et à 16h, il recevait mandat pour être ministre des affaires étrangères. Au Bénin, c’est que le ciel serait déjà tombé sur la personne. Pourtant, à la question qui lui a été posée, il a dit : « je défends les intérêts de ma communauté, la communauté française à aller de l’avant. » J’ai participé à la création des FCBE. Des quatre lettres FCBE, il y en a une  qui est de moi. Au moment où le rêve n’était même pas permis en 2004, au moment où l’espoir n’était même pas permis, nous étions parmi ceux qui ont osé dans ce pays parler de Boni Yayi contre vents et marées. Au risque de notre vie, nous l’avions fait parce qu’on a cru en cet espoir-là. Il y a ce rêve-là auquel nous avions cru. Mais dix ans sont passés au cours desquels, le président Boni Yayi a fait ce qu’il pouvait faire. N’oublions pas que notre pays est un pays pauvre et dans un environnement austère, il a fait ce qu’il pouvait mais les attentes sont restées nombreuses. Il avait tout le pouvoir de décider de construire ou de bitumer la voie depuis le carrefour jusqu’à chez vous. Il n’a pas pu le faire peut-être à cause d’une programmation, peut-être parce qu’il n’en avait pas les moyens. Mais il avait le pouvoir de décider et il pouvait forcer, dire à l’armée de faire cela. Mais il ne l’a pas fait. Aujourd’hui, il se retrouve dans une position où il n’a plus ce pouvoir. Il n’a plus la capacité de décider, ni la capacité de faire faire. Mais, les besoins sont là. Vous hommes politique, vous faites quoi ? Parce que j’ai situé le contexte dans lequel se situent nos pays africains. C’est-à-dire que quand on n’aura pas fini de régler les problèmes existentiels, l’homme politique se trouve toujours redevable de sa population.

 

Mais, est-ce que à l’époque, lorsque vous avez fait ce revirement, vous avez eu des appréciations négatives de vos mandants ?

Je ne serais pas là si la population avait trouvé cela négatif. Parce que la population aussi est déçue. Je ne sais pas si ma pensée peut illustrer ce que vous demandez, si je prenais mon seul cas. Mais comme la question est posée comme ça, je vous donne l’exemple typique de chez moi. Je suis d’une zone productrice, une grande zone agricole. Je suis d’une grande commune (Ouèssè) avec 142.000 habitants. Au-delà de Dassa dans les Collines, ce n’est pas toutes les communes qui ont ce chiffre. Mais je n’ai pas de voie d’accès. Ça ne date pas de Yayi Boni. Ça date de toujours. Mais le président Boni Yayi, à 7 reprises, c’est-à-dire 7 fois, est allé en hélicoptère et chaque fois on a dit à la population : « la prochaine fois, je viendrai par le goudron ». C’est 21km et l’autre côté, c’est 19km. Si on veut faire le bouclage, ça fait 42 ou une quarantaine de Kilomètre. Ou alors, on fait les 19km, ou alors on fait les 21 même si on n’en a pas les moyens. A sept reprises, le même langage a été tenu. La population a demandé, n’a pas eu. Moi qui suis censé être proche, je n’ai pas cessé de verser les larmes pour que les choses se fassent. C’est à deux semaines de la fin du mandat qu’une cérémonie a été organisée pour lancer les travaux de bitumage de la voie. C’est le même jour-là qu’on a ramassé les pavés au bord de la route quelque part et puis c’est parti, on veut faire les pavés. A deux semaines de la fin du mandat. Lorsque le président Patrice Talon est arrivé, le point a été fait par rapport aux projets routiers, on se rend compte que ce projet ne figurait nulle part. Il n’y a même pas eu d’étude de faisabilité. Aujourd’hui, nous sommes au point mort. A ces populations, vous pouvez aller parler un autre langage ? Il en est de même pour beaucoup d’autres localités. Vous allez à Aklamkpa, c’est la même chose. 21km, mais vous  faites le trajet en deux heures de temps voire trois heures. Vous partez de Kilibo pour Ouèssè, 21km, en temps de pluie, parfois vous laissez le véhicule, vous traversez à pieds et le véhicule vous rejoint après. Des cas comme ça, il y en a beaucoup. Je ne me mets pas dans une position de colère mais de déception.

C’est pour dire que la population ne pouvait pas entendre qu’après 10 ans d’attente où on n’a pas eu nos besoins, nous coller encore à Yayi pour espérer quelque chose, par quelle alchimie le ramener au pouvoir encore pour qu’il pense à nous ? C’est donc vis-à-vis du peuple que je peux exprimer un sentiment de traitrise, mais pas à l’endroit d’un individu. Car celui qui était président, j’ai contribué à son élection. C’est vrai, il a fait de moi, un ministre de l’intérieur, un député. Je lui suis reconnaissant. J’ai eu des problèmes de santé, Dieu l’a mis sur mon chemin et il a fait que je sois parmi vous aujourd’hui. Je ne peux pas l’oublier. Tous les jours, je dis Dieu merci. Mon corps est fait de cicatrices et chaque fois que je vois ça, je pense à lui. Donc vis-à-vis de l’homme, il n’y a pas d’animosité. Mais le système n’a pas donné satisfaction aux populations de ma localité comme à d’autres localités du pays. Je viens de Porto-Novo où j’ai assisté à un atelier de formation. Mais dans quelques mois, Porto-Novo sera métamorphosé…

 

Le tableau est jonché de faits inacceptables, mais quand Yayi a amené un candidat, vous n’avez pas hésité à le soutenir. Pourquoi ?

Le candidat n’est pas Boni Yayi. Si vous avez suivi Boni Yayi lors de la campagne, il disait que ce qu’il n’a pas pu faire, celui qui vient et en qui il a confiance nous le fera. C’est un aveu d’impuissance et une expression d’espérance. Ce n’est pas de la naïveté de croire que ce candidat peut effectivement corriger les choses et concrétiser ce qui n’a pas été. Mais malheureusement, c’est le peuple qui décide et il l’a effectivement fait au moment opportun. Et si je dois revenir à la théorie que j’ai développée, si Talon était le candidat de Yayi et qu’il perdait et que c’était Zinsou, je vais me replier sur ce dernier.

 

Telle était la décision du groupe de députés que vous formiez ?

Je crois que vous ne recevez pas le porte-parole des députés, mais plutôt Benoit Dègla qui parle de lui, de son contexte, de sa localité et qui exprime ce que son cœur lui dit.

 

Qu’est-ce que votre changement d’option politique a apporté à vos mandants?

Je suis un député national. Je ne devrais pas parler de moi par rapport à chez moi. Je devrais parler du pays tout entier. Vous savez que depuis l’avènement du Président Talon, il a pris le temps de faire un certain nombre d’évaluations sur la base desquelles, il a pris un certain nombre de décisions dont les réformes énumérées lors de sa campagne. Le peuple savait bien qu’il venait pour les réformes. Peut-être que les gens se sont focalisés sur l’aura de la personne sans prêter attention à ce qu’il disait. L’essentiel des propos de Président Talon était de venir faire des réformes et partir. On doit pouvoir lire son discours de façon objective. Nous sommes à deux ans et demi de gestion, il a eu le temps de l’observation. L’attente de nos populations est trop grande. Quand vous prenez le tarmac de l’aéroport, à tout moment on cherche des trous à combler. Mais chez nous ici, tout est trou. C’est un tarmac jonché de trous. Il faut boucher les trous pour décoller. Qu’il s’agit de l’école, de la santé et autres. Il faut donc corriger cela pour décoller. C’est-à-dire que tout est prioritaire. Aujourd’hui, on met de la méthode dans les travaux, les projets et programmes. Il n’y a pas longtemps, on voulait faire tout à la fois. Et malheureusement, on ne voit pas l’impact. Aujourd’hui, je suis en train d’avoir de l’eau chez moi et mes populations sont en train de parler avec fierté et de dire qu’elles sont des populations paysannes. Aujourd’hui, tout le monde court pour produire le coton. De 260 milles tonnes, on est passé à plus de 600 mille tonnes. Et c’est rémunéré immédiatement. C’est des millions de personnes qui travaillent. Donc, je ne me vois pas en tant qu’individu, mais je vois plutôt le peuple. Et par rapport à cela, 50 mille ou 100 mille tonnes de coton, c’est un point que nous gagnons en termes de croissance. Et quand la croissance est continue, vous avez la confiance des partenaires. Et si vous me demandez ce qui est en train d’être fait, je vous citerai de l’électricité et la production agricole. Au niveau de l’accessibilité, vous voyez tout ce qui se fait, comparativement au passé, où on promet et on ne fait pas.

 

Mais il n’y a pas Ouèssè dans le projet asphaltage…

Si Ouèssè n’est pas dans le projet asphaltage et qu’il a autre chose en retour ? Ouèssè sera bientôt rejoint par une voie bitumée qui est aussi de l’asphaltage, puisque c’est une affaire de terminologie. Le bitume n’est rien d’autre que l’asphaltage. On l’aura mais pas dans les rues. Notre chef-lieu l’aura, et c’est le plus important.

 

Est-ce que le financement est déjà acquis ?

C’est déjà acquis et bientôt les travaux partent de Bohicon pour Parakou avec deux bretelles. Une première bretelle à Kilibo-Ouèssè et une seconde  Kilibo-Frontière du Nigéria. Cela devrait démarrer mais la date a été changée parce qu’il y a eu quelques réaménagements faits par la BOAD, sinon cela aurait démarré. Vous voyez l’état de la voie ? Cela ne devrait pas rester comme cela. Aujourd’hui, nous sommes un pays qui vit du tertiaire et l’état de la voie (Bohicon-Parakou) n’arrange pas la circulation des marchandises. Nous attendons maintenant le démarrage de ces travaux avec les bretelles pour ma localité après tant d’années d’existence.

 

Vous êtes un membre actif du Bloc de la majorité parlementaire qui soutient les actions du Chef de l’Etat. Quelles sont les grandes actions qu’on peut déjà retenir de ce Bloc depuis qu’il existe ?

Le bloc s’est constitué pour accompagner le Président de la République. Donc tout ce que j’ai dit lorsque je parle de lois et des ratifications, c’est le travail des députés et il faut se donner une majorité de 42+1 pour le faire. C’est notre détermination à l’accompagner qui constitue le soutien que nous lui apportons. Nous avons dit que nous ne pouvons pas bloquer le développement. C’est ce que la Constitution nous exige et nous ne pouvons pas nous refuser de le faire. Chaque président doit s’arranger pour avoir sa majorité. Il fut un moment au cours de la 5ème législature où on avait une majorité de 69 qui a éclaté à un moment donné puisque ce n’était pas entretenu. Deux ou trois mois après, on est passé de 69 à 39 et à 27 enfin.

 

Comment entretenir les députés dans un bloc ?

Vous savez, les députés viennent et sont porteurs des voix de leurs populations. On doit les écouter lors de l’élaboration du budget. Même si vous n’en avez pas les moyens, il faut les associer et le leur expliquer. Le député dans une localité ne peut pas plaire à tout le monde. Il faut faire en sorte que le Député puisse être celui-là qui vous aide en tant qu’exécutif à satisfaire un certain nombre de mécontentements au sein de la population. Lorsque c’est fait comme cela, on obtient moins de frustrations et d’antagonismes. Mais si vous, en tant qu’exécutif, c’est vous qui suscitez les divisions et opposez députés, ministres, directeurs généraux, vous ne pouvez pas avoir une majorité stable à l’Assemblée. Aujourd’hui, nous sommes à bientôt trois ans, je pense qu’il y a une totale complicité entre l’Assemblée nationale, les députés de la majorité et l’exécutif. Cela nous permet d’éviter les pertes de temps à régler des problèmes inutiles de leadership, d’intérêts égoïstes. Mais il n’y a pas longtemps on vivait cela. Vous avez vu comment on remplaçait les ministres d’une localité par d’autres cadres de la même localité. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Dans ce cas, on ne fait qu’aggraver un problème. Nous avons alimenté des choses qui n’ont pas permis la stabilité. Si aujourd’hui, ce n’est plus le cas, on doit s’en réjouir.

 

L’Assemblée nationale a voté plusieurs lois à polémique ces dernières semaines, notamment la Charte des partis politiques et le Code électoral. Sont-ils vraiment des actes objectifs ou visent-ils des règlements de compte politique, comme le pensent certains ?

Le code électoral est toujours retouché à presque toutes les élections au Bénin. Il faut qu’on finisse avec cela un jour. Sinon, comment concevez-vous qu’on perde de l’argent avec notre rang de pays pauvre et passer tout son temps à organiser les élections presque tous les ans ? Ce sont des dizaines de milliards qu’on engloutit. Des pays plus avancés que nous ont compris que les élections doivent se faire dans des conditions de manière à ce que le peuple, puisse avoir le temps de travailler. Il semblerait que des propositions avaient été faites lorsqu’en 2017, le chef de l’Etat a introduit la révision de la constitution pour nous épargner un certain nombre de choses. L’idée n’est pas passée mais en même temps, il y avait une porte de sortie. C’est l’initiative que peuvent prendre les députés à travers les propositions de loi. Les propositions de loi relatives au code électoral permettent de tamiser l’ensemble des textes et de mettre en place un code qui permette d’aller aux élections et qui soit en adéquation avec un objectif, celui de ne pas passer toute notre vie à faire de la politique, la première richesse de notre pays. Le code électoral a été concocté avec l’objectif de réduire de façon drastique les partis politiques, les clubs électoraux. Quand j’ai été ministre de l’intérieur, en deux ans et demi, je me suis imposé une rigueur parce que les partis existants ne respectaient pas les textes contenus dans l’ancienne charte des partis. Il n’y avait pas de congrès ou de renouvellement des postes. Du mois de juin 2011 à octobre 2013, vous verrez qu’il y a eu trois partis politiques pour lesquels j’ai donné mon accord. On était à moins de 160 partis mais aujourd’hui nous sommes à près de 300 partis politiques. Ils ne faisaient pas leur travail d’animation de la vie politique. La contribution positive pour faire avancer le pays ne se faisait pas. Je n’avais pas été extrémiste pour dissoudre les partis politiques fictifs. A l’époque, j’avais plusieurs défis sécuritaires à relever. Je renvoyais ceux qui venaient pour obtenir leur agrément.

 

Est-ce une raison pour augmenter les frais de candidature ?

Pour éviter que n’importe quel quidam se lève pour être député et éviter que ceux qui n’ont pas les moyens ne puissent pas aller puiser dans les caisses de l’Etat, procéder par des démarches inappropriées ou s’engager vis-à-vis des banques, s’endetter pour dire qu’il sera candidat, on a dit que la liste doit déposer un montant de 249 millions. Quand vous le divisez par 166, cela fait près d’un million et demi par candidat. C’est une caution qui est remboursable si vous atteignez un certain pourcentage. On ne refuse pas d’aller aux élections. Si votre liste dépose la caution, vous y allez, vous raflez les voix et si vous êtes dans le pourcentage proposé, vous avez droit au retour de votre caution. Il en est de même pour le Président de la république. On voit seulement le montant global mais descendez les chiffres et vous verrez que ce qu’on demande au député est minime que ce qu’il dépense quand il rassemble 1000 personnes.

 

On a aujourd’hui de grands groupements politiques. Vous appartenez au bloc de la Dynamique républicaine. Où en êtes-vous dans les préparatifs pour le congrès ?

Nous avons deux blocs qui appartiennent à la majorité présidentielle. Nous avions pensé qu’on pouvait nous mettre tous ensemble pour faire un seul parti politique. Si l’opposition en avait un, on aurait deux grands partis politiques et c’est le Bénin qui en sortirait grandie. En politique, les vérités sont ce qu’elles sont à l’heure où elles se disent et les réalités sont autre chose. Mais parvenir à un seul groupe était difficile et nous avons pensé à former 3 groupes.

 

Pourquoi est-ce difficile ?

Si le temps le permettait, c’est possible qu’on se donne une échéance d’un an pour se parler, se convaincre. On peut laisser tomber ses petits égos et influences. C’est l’incapacité de parler d’une seule et même voix qui constitue aujourd’hui le problème de l’Afrique. On a vu que le temps de parler d’une même voix était partie. Telles que les choses ont commencé par se dessiner, des informations ont commencé par nous parvenir comme quoi on constituait un monstre à trois têtes. Le souvenir du monstre à trois têtes est triste. On s’est dit que les trois fassent le sacrifice pour se mettre à deux. Les trois étaient le bloc progressiste, celui formé autour du Prd et le bloc républicain. J’avoue que le bloc qui avait en elle seule la potentialité d’aller aux élections parce qu’elle regroupait à elle seule les députés du centre et du nord, était la Dynamique unitaire. C’était la seule qui avait en son sein plus de 50 partis politiques régulièrement enregistrés, 22 députés de tout le Bénin. Lorsqu’il s’est agi de cette évidence, nous, au niveau de la Dynamique unitaire, étions là à attendre que l’on fasse des propositions pour voir avec qui aller ensemble. A l’époque, le bloc progressiste et celui formé autour du Prd ne pouvaient pas faire face à celui du bloc Dynamique unitaire. A tort, les gens voyaient la Dynamique unitaire comme un bloc du nord. Ni moi, ni Yahouédéhou, Houdé et Abimbola ne sommes du nord. Le Centre du Bénin est à Tchaourou. C’est scientifique et c’est la géographie qui l’a démontré.

 

Le président Talon a-t-il donné sa caution sur les deux blocs ?

Il ne peut pas accepter que nous soyons à ses côtés sans qu’il ait son mot à dire sur la constitution de nos blocs. Si nous en sommes là, c’est certainement parce qu’il a donné sa caution. Lorsque vous vous êtes combattus par le passé, lorsque vous avez des ambitions et que vous devez vous mettre ensemble, que vous pensez déjà à demain, c’est normal qu’il y ait des grincements de dents et des doutes. Nous sommes en train de construire quelque chose dont le Bénin sera fier. Le congrès de la Dynamique unitaire va se tenir avant la fin du mois de novembre et vous verrez tout le monde au travail. Il y a déjà des groupes de travail qui sont à la tâche, les organes transitoires et d’ici là, vous verrez le travail qui sera fait dans les trois semaines à venir.

 

On a comme l’impression que la lutte contre la corruption est essentiellement menée contre les opposants. Est-ce à dire que dans votre camp, personne ne se reproche quelque chose ?

Il y a quelques jours, Mélenchon a eu une réaction brutale, lorsque les policiers faisaient une perquisition à sa résidence. Mais avant lui, Marine Le Pen a eu la même réaction. Elle pense que la lutte menée par le président Macron est de déstabiliser les partis de l’opposition. Je déclare une fois encore que le chef de l’Etat s’est engagé à mener une lutte implacable contre la corruption. Mais, qu’on lui prête des intentions ou pas, je voudrais seulement vous renvoyer aux années antérieures. Un président a dit dans ce pays : «je ferai rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale ». Un autre président a organisé la marche contre la corruption. On a soulevé beaucoup de dossiers (Cen-Sad, Icc…). Mais, qu’en avez-vous fait ? Qu’en a-t-on fait? J’étais à l’Assemblée déjà quand la lettre est arrivée pour demander la levée de l’immunité des députés sans suivre la procédure. Donc, la lutte contre la corruption est restée à l’étape seulement des intentions. On est resté à en parler sans réellement s’attaquer à cela. Il faut que quelqu’un commence par véritablement s’attaquer à cela. Si on avait vraiment commencé au moment où on disait « j’enverrai tel ou tel à la Haute cour de justice », et si on permettait à la Haute cour de justice d’avoir les moyens pour conduire le processus de mise en accusation des concernés (députés, anciens ministres et autres), je pense que le président Talon sera dans la logique de continuer ce combat-là. Aujourd’hui, que ce soit des dossiers liés à ceux-là qui malheureusement se trouvent être des gens qui ne sont pas avec lui, on trouve qu’il y a acharnement. On doit d’abord féliciter le courage qu’il a eu en s’attaquant à ce phénomène qu’est la corruption dans notre pays et qui nous fait perdre des centaines de milliards tous les ans. Il est à souhaiter que le président qui viendra après lui, fasse comme lui.

 

Est-ce que la lutte contre la corruption vous fait peur aussi ?

J’ai exercé la fonction ministérielle pendant deux ans et demi. Je ne sais pas l’acte que j’aurais pu poser et qui me ferait peur.

 

Vous n’avez pas touché par hasard à l’argent des policiers ?

Vous savez, les noms de ceux qui ont pris l’argent des policiers ont été communiqués avant que le président Talon n’arrive au pouvoir. Donc si j’en avais, ils l’auraient dit. Vous savez, j’ai parlé très solennellement la dernière fois à l’Assemblée pour dire que je ne sais pas par quelle alchimie le collègue a pu voir 200 millions parce qu’il y a des règles et des normes. Moi j’ai été ministre de l’intérieur. Mais je n’ai jamais vu 20 millions en bloc. Parce que c’est vrai, vous êtes le ministre, mais sous vous, il y a les administrations de la police, de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers qui ont leurs budgets totalement autonomes. Elles viennent seulement greffer leur budget sur le vôtre. Dès que vous signez, ils sont mêmes informés avant vous dès que le Sigfip est ouvert. Ils sont saisis par le régisseur principal du ministère qui les informe que c’est ouvert. Vous ne savez même pas où passe l’argent.

J’ai compris que c’étaient des sous spéciaux liés aux élections. Moi je n’ai pas eu d’élection. Peut-être c’est pour cela que je n’ai pas eu ce souci. Et je ne le regrette pas du tout. Parce que le poste où j’étais, j’étais animé par l’envie de réussir et de laisser un nom.

 

Aujourd’hui, pas mal de ceux qui sont inquiétés sont à l’extérieur en exil. Que pensez-vous de tous ces cas d’exils ?

Ce sont des décisions personnelles et volontaires. Puisque vous avez la possibilité de prouver votre innocence, votre bonne foi devant les juridictions de ce pays. La Haute cour de justice est l’institution qui connait d’un certain nombre d’actes posés par les ministres dans l’exercice de leur fonction. Et il y a toute une procédure pour ça. L’Assemblée nationale se réunit et réagit par rapport à la demande de levée de l’immunité.

Il y a les textes de la république. Le procureur spécial a répondu qu’il n’est pas habileté à connaitre les cas concernant les ministres. On a été suffisamment clair. Il y a tout un processus qu’il faut suivre derrière la levée de l’immunité. Et c’est seulement après qu’on demande la mise en accusation qui va requérir encore un vote qualifié. Et ce n’est pas avant la fin du mandat présidentiel actuel. Lorsqu’on vous accuse d’un fait de fragrant délit, pour une de vos attitudes qui entre en contradiction avec le code du numérique, on ne peut pas dire qu’il y a un harcèlement contre vous.

 

Voulez-vous dire qu’il n’y a pas de chasse aux sorcières ?

J’ai évoqué un dossier précis sur le numérique. Vous répondez oui. Mais l’autre dossier, je vous ai dit en tant qu’ancien ministre tout le circuit qu’il faut faire. Et cela ne vous envoie pas en prison directement. Vous devez avoir l’occasion de vous justifier ou votre avocat doit pouvoir vous défendre. Si vous ne le faites pas et que vous choisissez le chemin de l’exil, je dis qu’il s’agit d’un choix personnel. Dans tous les cas, moi j’ai toujours dit que chacun de ceux qui sont à l’extérieur ou qui sont ici, réfugiés quelque part, porte un nom. Chacun est chef de famille, chacun est l’espoir d’une famille. Et lorsque vous allez dans ces conditions, vous mettez à mal votre honorabilité et votre famille tout entière. L’idéal aurait été qu’on commette l’injustice à votre endroit en vous endant à la justice et qu’elle commette l’injustice. Quand c’est comme cela, le peuple vous comprendra mieux. Le peuple béninois saura face à cela si vous avez été victime d’un acharnement ou pas. Mais lorsque vous décidez comme ça de vous exiler et de ne pas répondre à la justice de votre pays alors qu’on vient simplement d’ouvrir le processus, le peuple, que vous le veuillez ou pas, vous traitera de tous les noms. C’est parce que vous connaissez ce que vous avez fait que vous êtes partis.

 

Que vous inspire la gouvernance Talon ?

Il se fait que nous avons choisi un président qui ne veut pas être populaire. Il ne veut pas tomber sous le coup du populisme. Il a un objectif, un programme à défendre et il fonce. Parce qu’il pense qu’il y a de la justesse dedans. Le chef de l’Etat est entouré des membres de son gouvernement, il a son cabinet, des conseillers, etc. Et je crois qu’il a l’obligation de réussir. Il doit réussir mieux que celui à qui il a succédé. Il n’est pas obligé d’avoir la même conduite que l’autre. Avec le président Boni Yayi, une pluie détruit une feuille de tôle d’un toit dans un village, vous êtes ministre, vous ne dormez pas. Mais Talon recherche la solution durable. Et la recherche de cette solution durable donne l’impression qu’il y a un manque d’humanisme de la personne. On pense qu’il est trop rigoureux. Ceux qui étaient habitués à aller aux ateliers, colloques et séminaires, avaient des cocktails, des primes… alors que vous êtes au lieu du travail, à l’heure du travail. Parfois, quand on totalise toutes ces primes, elles dépassent le salaire. Conséquences, nous avons appris à vivre au-dessus de nos moyens. Mais, quand il est venu, il a dit que tout ce qui est extra, il faut les supprimer et ne nous contenter que de ce pour quoi nous travaillons. C’est normal que la réaction des humains que nous sommes soit une réaction de colère. Or, c’est pour qu’on puisse économiser le peu là. Nous avons quelles ressources du sous-sol ? Nous n’avons rien. Si les gens courent après la Côte- d’Ivoire, malgré sa situation politique tendue, ou que les gens courent après le Burkina, le Mali, le Niger, c’est parce qu’ils ont des ressources du sous-sol qui sont importantes. Ils ont l’or, le diamant, le pétrole, l’uranium et autres. Mais nous, nous sommes obligés de faire la pression fiscale et de serrer toutes les ceintures à gauche et à droite pour pouvoir gagner le peu pour payer les salaires. C’est très dur. Nous en souffrons nous députés.

 

Est-ce pour cela il n’y a pas de meeting çà et là pour soutenir le PAG ?

Au meeting, vous portez un message. Mais tout le monde ne vient pas pour écouter le message que vous avez à donner. Je vous dis que des erreurs ont dû être commises. Et face à cela, il ne faut pas toujours vouloir récidiver. Le programme d’action du gouvernement, on doit chacun au poste où il se trouve, faire sa promotion, en parler pour que les populations s’y retrouvent. Ce n’est pas les meetings où vous êtes obligés de faire partir des camions d’un village de 50km pour que les gens viennent. Et tout ce qu’ils attendent, ce sont les sandwichs et les 1000f que vous leur donnez. Alors que ce que vous avez dit ne fait pas leur problème. Un meeting aujourd’hui n’est pas conséquent avec la rigueur que nous nous imposons désormais.

La mauvaise compréhension de la politique a fait que lorsqu’on voit un homme politique parler, même quand c’est dans l’intérêt de la population, il faut que vous payiez ces derniers pour qu’ils viennent vous écouter. Est-ce que là, ils viennent écouter ce que vous venez leur dire ou ils viennent pour ce que vous allez leur donner à leur retour ? Il faut faire le choix.

 

Beaucoup de gens estiment que ce sont des chantiers de Yayi que le gouvernement poursuit…. ?

Beaucoup de chantiers qui avaient été initiés par le président Mathieu Kérékou (paix à son âme), ont été achevés par le président Yayi Boni sans qu’on ait eu à chanter cela. Quand vous prenez par exemple l’échangeur de Godomey, les passages à niveau, etc. tout était déjà prévu par le gouvernement du président Kérékou. Sauf qu’il n’avait pas mobilisé les ressources. Mais le projet était là. Avant Yayi Boni, on parlait déjà de l’aéroport de Glo-Djigbé, on parlait de la Route des pêches. A plusieurs reprises, on a voulu continuer cette route. Moi-même en tant que ministre, j’avais fait le tronçon à pieds. J’ai menacé de déguerpir les gens. C’est un projet qui avait commencé avant nous. Donc, lorsque vous initiez un chantier dans l’intérêt de la nation, et que cela répond aux normes et aux attentes de la population, ce n’est pas parce que je suis nouveau président que je vais refuser de poursuivre. Pourquoi aujourd’hui lorsqu’on reprend les microcrédits aux plus pauvres, il n’y a pas une campagne autour pour que personne ne prenne ? Pourquoi lorsqu’on redimensionne le projet de la césarienne pour avoir un projet plus grand qui prend en compte tant la césarienne que les microcrédits, on ne demande pas au peuple de ne pas prendre ? Je pense qu’on ne peut pas être dans l’éternel recommencement. Quand vous venez, ce qui est bon, vous continuez. Mais, les routes sont combien ? Je n’ai pas les documents sous les yeux ici, mais je sais que la route Bohicon-Parakou était dans le pipeline depuis.

Parce que Talon va rechercher les financements aujourd’hui, et qu’il va lancer les travaux, on dira que c’est des chantiers entamés par Yayi Boni ? En quoi se trouve le mal ? Est-ce que c’est parce que nous sommes à court d’arguments qu’il faudra un débat autour de cela ? Il y a beaucoup de choses qui ont été faites comme ça, sans avoir fait l’objet d’étude réelle. Il faut chercher des solutions durables, et ces solutions durables nécessitent des études de faisabilité objectives. Quand c’est fait comme ça, tout gouvernement qui vient ne peut pas ne pas en tenir compte. Nous sommes endettés sur plusieurs milliers de milliards au titre du partenariat public privé, sans un fondement législatif, sans négocier. On a retenu les projets à la tête du client. Il faut que le projet retenu profite et pour savoir s’il profite, il faut faire une étude. Mais ces projets n’ont pas fait l’objet d’étude.

 

Que vous inspire la CRIET ?

La CRIET n’est pas une innovation béninoise. Au Sénégal, on l’appelle CREI. En France c’est la Cour de répression criminelle, au Maroc c’est la CREI. C’est nous qui avons ajouté terrorisme. Ce n’est pas nouveau. On s’est dit que lorsque vous voulez lutter efficacement contre les crimes économiques et que vous devez compter sur la juridiction ordinaire, il y a des risques que cela n’aboutisse jamais. Parce que vous ne pouvez pas envoyer quelqu’un à Calavi pour une affaire de détournement de plusieurs milliards dans une entreprise alors que les gens ont des milliers de dossiers sur le foncier, sur une affaire de mariage, etc. Si c’est une programmation qu’on doit suivre, le dossier ne passera pas de sitôt. Une cour spéciale permet de s’attaquer rapidement au dossier. C’est l’objectif même, la rapidité d’en finir avec les fossoyeurs. Une loi, lorsqu’elle est votée par l’Assemblée nationale, lorsqu’elle reçoit la conformité de la Cour constitutionnelle et est promulguée par le gouvernement est immédiatement exécutable. Maintenant, cette loi a prévu certaines dispositions qu’on est en train d’appliquer. Je pense que le procureur spécial lui-même a eu à intervenir à travers la presse pour expliquer les fondements mêmes et les attributions de la CRIET.

 

Vous étiez content de la condamnation de Sébastien Ajavon ?

En droit, lorsque vous n’êtes pas là, la peine maximale vous est appliquée. Quand vous n’êtes pas là, où est la circonstance atténuante ? En attendant que vous reveniez pour le procès, on prend la peine maximale. Il n’y a rien d’extraordinaire. Si c’est 50 ans on donne 50 ans. Si c’est la peine de mort on prononce la peine de mort. Lorsque le président Houngbédji a été jugé ici sous la révolution, on lui a collé la peine de mort. Quand on n’est pas là, on prend toujours la peine maximale. La Cour a démarré son travail. Maintenait, le concerné et son conseil d’avocats ont des voies de recours. On attend. Nous appartenons à une sous-région. Il y a une juridiction régionale et tout. Au lieu que nous soyons en train de nous insulter, de dénigrer la Cour, il vaut mieux s’attaquer à la Cour par les voies de recours.

 

Sous Talon, la lutte contre la corruption n’est dirigée que contre les opposants, n’est-ce pas honorable ?…

A supposer que ce soit vrai, la corruption ne date pas d’aujourd’hui. Qu’ont-ils fait, les autres présidents ? S’ils avaient commencé, il serait en train de continuer ce qu’ils ont fait. Mais s’ils ne l’ont pas fait et que lui, il commence par le faire courageusement, on souhaite vivement que ceux qui viendront après lui le fassent, s’arment du même courage, parce que vous n’êtes pas sans savoir qu’il a aussi des gens à lui en prison à cause de la corruption. Ses soutiens de première heure. Je ne donne pas de noms.

 

L’opération ‘’djakpata’’, quel souvenir vous en gardez ?

Lorsque j’ai pris service au poste de ministre de l’intérieur, je me suis dit que je dois le faire avec dignité, probité et réussir la mission que m’a confiée le peuple et laisser des traces, laisser un nom. J’ai pensé à l’époque à ce que je pouvais faire pour participer à la lutte contre la criminalité. La sécurité zéro n’existe nulle part dans aucun pays du monde. Regardez notre frontière avec le Nigéria. A partir d’un moment, nous entrons dans une zone d’insécurité jusqu’au nord. On peut venir du Mali à Malanville via une pirogue. Ça veut dire que les terroristes maliens qui voudront s’attaquer au Bénin le feront volontiers. Vous avez la situation du Niger. Vous avez vu nos frères du Togo. L’instabilité politique fait qu’on peut redouter à tout moment ce qu’on a connu dans les années 90 et qu’on n’a pas fini de gérer jusqu’aujourd’hui. Cela veut dire que nous sommes la terre molle.

 

Fusion police et gendarmerie : qu’en dites-vous?

On a créé la police républicaine il y a seulement quelques mois. Il faut donner aux gens le temps de vivre ensemble, de cohabiter, parce que c’était deux corps qui œuvraient pour la même cause, à peu près. La gendarmerie est militaire, elle est sous le ministre de l’intérieur et ce n’était pas facile de gérer les contradictions entre ces deux corps. Pour réussir cette opération ‘’djakpata’’, il a fallu apprendre à ces deux corps à travailler ensemble et avec l’armée. J’ai fait l’effort de mettre les commandements de ces deux forces et le commandement militaire ensemble pour pouvoir créer l’opération ‘’djakpata’’ pour que tout le monde se mette ensemble pour travailler. A l’époque, dans chaque véhicule de patrouille il y avait des militaires, des policiers et des gendarmes qui apprenaient déjà à cohabiter, à travailler, à parler. Lorsque vous avez des commandements différents, qu’on le veuille ou pas, il peut y avoir quelques situations de rivalité inutile. Quand vous les mettez ensemble et qu’ils réfléchissent ensemble, conçoivent ensemble les plans de sécurisation, les stratégies pour sécuriser le pays, il y a des bénéfices en cela. Ensuite, on mutualise les moyens et cela règle beaucoup de problèmes. La police républicaine, c’est le bébé qui apprend à marcher et je suis persuadé que d’ici à là elle va se mettre à courir. Beaucoup de pays sont en train de réfléchir comme nous et je crois que nous serons un exemple en la matière.

 

Talon est-il, selon vous, à l’écoute de son peuple ?

Le président Talon avait un projet de société avant d’arriver au pouvoir. Peu de temps après son arrivée, il a commencé à parler de la nécessité d’un plan d’ensemble qui est le PAG. Celui-ci est la récapitulation du visuel sur le terrain. Les travaux qui ont conduit au PAG sont la résultante des constats faits par nos populations et des attentes exprimées. Le peuple sait que quand on veut manger une omelette, il faut casser des œufs. Il faut nécessairement une période où on est réfractaire mais, en même temps on doit rester dans l’espérance que la douleur d’aujourd’hui produira l’espoir demain. Les réformes, telles qu’elles sont entreprises, aucun président à propension populiste ne peut les mener. Dès l’instant où ces réformes sont le reflet du constat qu’il a fait sur le terrain et des attentes qu’il a collectées, il se dit qu’aujourd’hui peut ne pas être bon, peu importe, mais demain sera meilleur. C’est dans cette logique-là que s’inscrit le président Talon. Je ne crois pas qu’il ne soit pas à l’écoute de son peuple. Si les moyens pouvaient permettre que le PAG s’exécute à 75% seulement, le Bénin sortirait grandi et serait un exemple en démocratie et en développement dans la sous-région et, pourquoi pas, dans l’Afrique.

Carte d’identité: Le miraculé de Ouèssè

Dègla Assouan Bénoît est né le 25 février 1959 en Côte-d’Ivoire d’un père et d’une mère Mahi. C’est d’ailleurs en Côte-d’Ivoire qu’il passe son enfance et décroche son Bac série B. « Puis, alors, j’ai pris la décision hasardeuse et sans contrainte de revenir au pays, parce que j’ai été orienté à la Faculté de droit de l’Université d’Abidjan, mais j’ai fait le choix de revenir », dit le député. A l’époque, il avait bénéficié d’une bourse FAC (Fonds d’Aide et de Coopération) qui nécessitait l’autorisation de son pays, le Bénin. Il débarque à Cotonou et se voit opposer une fin de non-recevoir. Le conseiller à l’éducation du Président de la République avait bloqué son dossier, estimant qu’il avait déjà passé assez de temps à l’extérieur. Le jeune bachelier est contraint à une année de mission d’enseignement de Jeune bachelier en mission à Savalou. On était en 1980. Revenu à Cotonou, il se voit octroyer une bourse pour aller faire le droit maritime à la Havane, à Cuba. Après une maitrise puis un DEA dans la règlementation maritime en matière de transport, il revient au pays en 1988. A l’issue d’un concours organisé par le Groupe Bolloré pour recruter des cadres auxiliaires en matière de transport maritime, il sort premier du Bénin sur les 600 candidats ayant planché. Il repart alors pour Abidjan, à l’Ecole maritime de Yopougon. A la fin de la formation, Benoit Assouan Dègla est recruté à la Socopao, une branche de Bolloré installé à Abidjan, en tant que Chef division trafic Sahel. Mais un an et demi plus tard, il rejoint l’agence béninoise du groupe où il est nommé chef trafic maritime et aérien. Contacté par un autre groupe maritime en 1995,  il en dirige la représentation à Cotonou jusqu’en  2000 avant d’ouvrir son propre cabinet d’expertise maritime T.T.M. Quatre ans plus tard, marqué par ses actions de développement de son Ouèssè, la population le porte à la tête de l’association de développement de la commune. Puis il rejoint l’équipe de Boni Yayi qui se préparait à être candidat à la présidentielle 2006. Ses activités politiques l’éloignent alors de sa profession d’expert maritime. Une fois élu, le nouveau président de la république le nomme Conseiller technique et Chef de la cellule de surveillance des projets de développement. Un an après, il devient député, élu à la cinquième législature d’où il est nommé  ministre de l’intérieur et de la sécurité publique, puis encore Chargé de mission à la présidence, avant de retourner à nouveau à l’Assemblée nationale comme député pour la 7ème législature en cours. Lorsqu’on lui demande s’il pense à sa retraite, sa réponse fuse : « Je ne crois pas faire de la politique, quelque chose à vie. A un moment donné, il faut arrêter. Je vais aux élections législatives en 2019, mais ce sera pour la dernière fois. » Mais en fait, le député avoue aujourd’hui qu’il a un autre regard sur la vie depuis le grave accident de circulation qu’il a eu le samedi 31 janvier 2015 à hauteur de Dan dans la commune de Djidja alors qu’il se rendait dans son village natal pour une rencontre politique, accident qui a coûté la vie à son garde du corps et à son chauffeur. Sauvé de justesse grâce à la promptitude du Chef de l’Etat Boni Yayi qui a mis à sa disposition son hélicoptère et une évacuation sanitaire rapide, le député soupire aujourd’hui à l’évocation de ce drame personnel. « Et je mentirai aussi si je ne dis pas que le président Patrice Talon, après le départ du président Boni Yayi, aussi n’a pas contribué », avoue-t-il. « On doit pouvoir cultiver l’humilité parce que nous ne sommes rien en réalité », confesse le miraculé qui ajoute : « Lorsque vous êtes passé par là où je suis passé, on doit pouvoir à des moments donnés, apprendre à ne pas réagir à tout. On doit apprendre à tolérer parce que c’est tout cela qui constitue cette grâce dont j’ai parlé tantôt ».

 

Intimité: Simplicité

Marié et père de plusieurs enfants, le député clame sa simplicité. « A table, j’aime ce qui est simple, dit-il. Du riz avec du piment ou de l’oignon, cela me suffit ». Pour le recevoir, vous pouvez lui faire du Agbéli avec des feuilles d’épinards. Mais il faut aussi de l’igname pilé ainsi que de l’Atièkè à côté. Il aime boire beaucoup d’eau et du jus de coco qu’il adore littéralement.  Faire également du vélo de temps en temps constitue l’un de ses moments d’exercice par lesquels il tente de maintenir la forme.

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