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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’internet à haut prix


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J’ai reçu à mon bureau cette semaine, le CEO d’un grand groupe anglais qui s’est installé au Bénin il y a à peine quelques mois. La société qui est présente dans neuf pays africains, veut étendre ses activités au Bénin et dans d’autres pays de la sous-région. Et quelles activités : faire de la communication digitale en utilisant les réseaux sociaux, et d’autres plateformes du web pour vendre les entreprises béninoises, les institutions ou produits qui désirent communiquer avec les Béninois. La société entend profiter de l’envol récent de la connectivité web pour percer un marché encore en gestation, celui du web.
Comme lui, des entreprises ont été créées dans le sillage de la démocratisation de l’internet. Cette évolution n’a pas été possible sans trois facteurs principaux indiscutables: la popularisation du téléphone portable, la baisse des prix de l’internet et l’amélioration de la qualité de l’internet au Bénin. Ces trois facteurs sont interdépendants, au point de créer un marché que des investisseurs ont déjà identifié et dont ils ont mesuré les potentialités de croissance. Dire que ces trois facteurs sont interdépendants, c’est dire que l’un ne va pas sans l’autre. Autrement dit, si le coût d’accès à l’internet augmente, il est évident que la chaîne s’effondre d’elle-même. Si vous avez suivi l’actualité ces derniers mois, vous auriez constaté qu’une firme comme Facebook a mis en place fin juin 2018 une nouvelle stratégie de popularisation de l’internet grâce à son drone dénommé Aquila. C’est un drone solaire situé à 60.000 pieds au-dessus de nos têtes et qui est capable de fournir gratuitement internet dans un rayon donné, plus ou moins large. Projet philanthropique ? En apparence seulement, puisque pour être présent sur Facebook, il faut bien être connecté. Ainsi, offrir une connexion gratuite constitue une stratégie qui draine le grand monde sur le réseau social qui l’utilisera ensuite pour fructifier ses affaires.
Un pays comme le Rwanda est convaincu que la popularisation de l’internet est une stratégie de croissance économique. Il a donc développé le projet « Smart Kigali », en signant depuis juin 2013, un partenariat de 140 millions de dollar (environ 70 milliards de FCFA) avec la Korea Telecom (KT) en vue de fournir la 4G à travers le pays, notamment dans les régions où la connexion internet est faible. Ainsi donc, un service de wifi gratuit est assuré aux usagers de la capitale rwandaise depuis plusieurs années.
Oui, un pays comme l’Ouganda a fait le choix de taxer les réseaux sociaux pour, selon le président Musévéni, limiter le « bavardage » qu’ils drainent. Mais à ce niveau, il faut bien voir que ce pays ne prélève qu’une taxe journalière de 200 shillings, soit 0,05 dollar (environ 25 FCFA) sur les consommateurs. Nous parlons bien de 25FCFA par jour, loin de la tarification usuraire actuellement utilisée. Quant à la Zambie, elle a envisagé cette tarification, avant d’y renoncer officiellement en juillet dernier par le biais de son ministre de la communication, Brain Mushimba.
Avec la nouvelle tarification qu’impose l’ARCEP, une chose est certaine, naviguer sur les réseaux sociaux ne sera bientôt qu’un luxe réservé à quelques privilégiés, à moins d’utiliser le VPN qui sera rudement utile dès maintenant. Les prix imposés par l’institution sur les réseaux sociaux sont presque multipliés par dix, si l’on fait une comparaison avec les niveaux de prix actuels.
Et comme pour ne rien arranger, la boutade du ministre des finances a achevé de convaincre la plupart des internautes que cette augmentation brutale est faite pour que les citoyens cessent de critiquer le gouvernement. Nous passons d’un objectif économique à un objectif politique.
Le Bénin choisit ainsi de ramer à contre-courant de tous les pays africains qui se battent aujourd’hui pour créer des emplois à travers l’économie numérique. Car il s’agit bien d’un vivier d’emplois et de création de richesse. Un chef d’entreprise a pu écrire ceci ce mercredi sur son mur Facebook : « Comment est-ce que je vais toucher mes cibles, sachant que la communication digitale est le nerf de MA guerre en tant que PME (comme beaucoup d’autres), si ces dernières sont moins présentés sur les plateformes digitales ? Ça risque d’être chaud de rester connecté à son public. Baisse prévisible de notoriété pour les marques et de revenus pour les sociétés ? »
Ça risque d’être chaud en effet. Et la mesure de l’ARCEP est appelée à évoluer, pour ne pas détruire tous les efforts du gouvernement lui-même. Je ne vois aucun autre destin à cette décision.

Par Olivier ALLOCHEME

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