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Le triomphe de la vérité

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Echec massif au Cep, Bepc et Bac 2018: Enseignants et syndicalistes déçus : les responsabilités situées


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Les examens de fin d’année ont connu des résultats assez médiocres, surtout en ce qui concerne le Brevet d’études de premier cycle (Bepc), 28,23% et le Baccalauréat, 33,43%. Le taux d’échec à ces deux examens avoisine près de 70%, suscitant assez de polémiques et d’inquiétudes dans le rang des acteurs du secteur de l’éducation, des parents d’élèves, gouvernants, enseignants, syndicalistes et autres. Tous situent les responsabilités et convient les dirigeants à prendre des résolutions pour corriger le tir.

 

Christian Bossabi, Informaticien
« On ne peut pas avoir ces mouvements et s’attendre à avoir de meilleurs résultats »
« Les mouvements de grève observés au cours de l’année scolaire justifient le taux de réussite aux différents examens, surtout en ce qui concerne le Bepc et le Bac. On ne peut pas avoir ces mouvements et s’attendre à avoir de meilleurs résultats. Je ne les condamne pas pour autant. Il est vrai que les gouvernants ne peuvent pas répondre à toutes les doléances venant des enseignants mais il faut anticiper pour éviter que ces mouvements ne paralysent l’année scolaire. Les doléances des enseignants sont connues. Je souhaite que le gouvernement s’entretienne avec les enseignants, avant le démarrage de la prochaine rentrée scolaire, afin de trouver un consensus devant conduire à une année scolaire apaisée ».

Ali Ousmane, enseignant d’anglais
« Je pense qu’il faut interpeller le gouvernement »
« Plusieurs raisons sont à la base du faible taux de réussite aux différents examens de cette année. L’acharnement des enseignants pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, en est une cause. Je pense qu’il faut interpeller le gouvernement et l’exhorter à satisfaire les besoins des enseignants. Car, sans satisfaction, l’enseignant ne peut jamais donner le meilleur en classe. La responsabilité incombe aussi aux élèves et à leurs parents. J’invite les parents à suivre leurs enfants »

Marius Atioko, enseignant à Gbèdagba
« Les enfants ne font plus leurs devoirs de classe, après les cours »
« Je ne suis pas satisfait des résultats du Bepc et du Bac qui sont du reste, médiocres. Cet échec est dû à plusieurs causes notamment l’inconscience des parents qui n’assurent plus le suivi de leurs enfants, les conditions de travail qui sont toujours précaires, l’effectif pléthorique dans les classes, le manque de motivation à l’endroit des enseignants qui continuent de gagner des salaires vraiment dérisoires malgré plusieurs années d’enseignement. Les mouvements de grève ont aussi pris par là. Il faut également noter que les enfants ne font plus leurs devoirs de classe, après les cours. Il faut que l’Etat prenne en compte les doléances des enseignants afin qu’on puisse s’attendre à une année scolaire apaisée. Il faut aussi que les parents assurent le suivi de l’enseignement en recrutant des répétiteurs pour entrainer leurs enfants, et que ces derniers se donnent au travail. On doit mettre l’enfant au sein de son savoir pour assurer son avenir ».

Laurent Ouinsou, Juriste de formation
«La grève a pesé sur les résultats mais il faut aussi déplorer le faible niveau des enseignants »
« Les enfants n’ont pas travaillé cette année. Il y a une différence de 1% par rapport au Cep de l’année passée, et la catastrophe pour le Bepc. Il faut noter que les enfants qui ont été au Bepc cette année sont ceux qui avaient décroché leur Cep en 2014, qui avait donné 90% de taux de réussite et suscité un tollé dans le rang des populations. On peut aussi dire que la grève a été la cause de ce résultat. En ce qui concerne le baccalauréat, la classe de terminale est une classe où il faut suivre les cours de façon soutenue. Ce qui n’a pas été le cas au cours de cette année. La grève a pesé sur les résultats mais il faut aussi déplorer le faible niveau des enseignants, la qualité du programme enseigné, l’existence des réseaux sociaux qui occupent les élèves. Aujourd’hui, le modèle de réussite chez les élèves c’est les cybercriminels, les « gay-man », ce qui fait que les enfants désapprennent. On trouve de la facilité dans toute chose et plus personne ne veut faire d’effort. La responsabilité est à plusieurs niveaux. Il faut revoir l’enseignement, former les enseignants non qualifiés qui sont dans le secteur, encadrer les élèves, interdire si possible le port de téléphone portable dans les écoles et revoir les horaires des cours dans les lycées et collèges ».

Thierry DOVONOU, Syndicat
« Ces résultats représentent la façon dont nous travaillons »
Ces résultats représentent la façon dont nous travaillons. Nous ne mettons pas du sérieux. Quand on dit que le Bac est à 33,43% le Bepc, 28,63% le Cep 64,44%, nous devons nous demander si c’est vraiment les taux réels ou les taux fabriqués ? L’un dans l’autre, l’école béninoise est malade. Nous devons tirer chapeau au Directeur des examens et concours et au Directeur de l’office du Bac qui ont fait un travail appréciable. Depuis 2001 et 2002, nous disions la même chose avec la généralisation des APC.
Parlant des causes, nous avons les programmes d’étude et leurs pilotages. Les programmes représentent une calamité et les hommes qui gèrent ce programme ne sont pas bien formés. La qualité des enseignants chargés de former les élèves et les formations continues ne sont pas ce que ça doit être.
Il faut aussi signaler, le manque criard d’enseignants. Par exemple,dans les départements qui sont en queue de peloton dans les taux d’admissibilité à savoir l’Alibori, la Donga, on a un deux professeurs de Mathématique.Tous les autres professeurs sont des vacataires et des contractuels. Ces contractuels, par exemple, ont des licences en économie. Ils vont enseigner quelle mathématique ? Conséquence directe, ces résultats dans l’Alibori, le Couffo et dans le Plateau ont plombé le résultat national.

Vous parlez là du manque criard des enseignants qualifiés. A qui revient la responsabilité ?

La gouvernance pose également problème. Regardez le calendrier réaménagé élaboré. Pour trois mois de grèves, on nous a donné deux mois pour faire les cours. Après les dernières grèves, pourquoi les cadres de nos ministères ont accepté qu’on fasse deux mois de rattrapage au lieu de quatre ? Pourquoi certaines épreuves sont élaborées exclusivement en SA 3 ou en SA 4, quand on sait que nos enfants n’ont pas eu le temps didactique ? Le problème le plus important, c’est l’Etat béninois, qui depuis 1960, a une gouvernance qui laisse à désirer. L’éducation est une question de souveraineté nationale. Voilà les facteurs qui ont accouché des résultats que nous avons et non exclusivement la grève ! La grève a bel et bien joué un rôle que je ne dénie pas. Mais ce n’est pas la cause principale.

Que devons-nous faire à présent pour corriger le niveau des apprenants ?

D’abord, on a constaté que les enseignants ne préparent plus leurs fiches et se cramponnent aux cahiers d’activités. Il va falloir corriger cela d’abord. Et j’invite les ministres en charge de l’éducation nationale à régler une fois de bon cette question. Deuxièmement, le Bénin est l’un des rares pays à adopter l’approche par compétence et n’a pas une politique du livre. Et dans aucun pays, un programme scolaire ne peut réussir sans une politique du livre. Troisièmement, il faut revoir la formation des enseignants et surtout en recruter. Le Bénin a un personnel stand by dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire le Gabon. On a un vivier de professeurs de Mathématiques et de sciences physiques dans ces pays qu’on peut rapatrier dans les mêmes conditions que le Sénégal l’a fait sous Abdoulaye Wade. Ils avaient rapatrié les professeurs pour renforcer le personnel et combler le vide qu’il y a. Quatrièmement, reformer les écoles normales et réorienter la formation à leur niveau. Cinquièmement, créer des institutions de recherche et utiliser les didacticiens de la Flash et l’Umsp pour le pilotage du programme.

Alexandre Adjinan, Syndicaliste
« La plupart des parents ne suivent pas du tout leurs enfants »
Après les résultats du Bepc 2018, beaucoup de citoyens ont commencé à faire le procès des enseignants parce qu’ils ont estimé que c’est à cause de la grève que les résultats sont mauvais.
Même si on ne peut pas exclure totalement les effets de la grève sur les résultats, il est utile de rappeler que nous avons eu des résultats plus catastrophiques certaines années où il n’y a pas eu de grève. S’agissant des effets de la grève, il faut préciser qu’elle a trop duré, du fait du mépris qu’ont affiché le gouvernement et son chef vis-à-vis des problèmes réels posés par les enseignants. Les programmes n’ont donc pas été achevés et les effets vont perdurer sur des années, non seulement sur les apprenants des classes d’examen mais aussi sur ceux des classes intermédiaires. En dehors des effets de la grève, il y a la gestion qui est faite du système éducatif. À ce niveau, nous allons nous intéresser au comportement des acteurs.

Le Gouvernement
Il ne fait pas de l’éducation, une priorité. Des enseignants sont en formation depuis 2011 et n’ont pas encore terminé. Au niveau de l’école normale supérieure de Natitingou, nombreux sont les enseignants qui attendent les résultats d’une composition faite depuis plus d’un an. D’autres ont des diplômes non reconnus et sont également bloqués. Certains attendent la signature des arrêtés de mise en formation depuis mars 2017. Il y en a également qui attendent des examens de rattrapage au niveau de l’école normale supérieure de Porto-Novo.
Toutes ces catégories d’enseignants cités gagnent le même salaire depuis 11ans. En dehors de ces problèmes, il y a l’humiliation subie par les enseignants de la part du Chef de l’Etat qui les a traités de tous les noms d’oiseaux pendant les grèves. Ce sont là autant de problèmes qui démotivent les enseignants. À cela s’ajoute les redéploiements intervenus à contre temps.
On ne doit pas, en pleine année scolaire, envoyer à la craie, des enseignants qui sont dans l’administration depuis 7, 8, 10ans et plus. Ils ne peuvent pas se retrouver de sitôt. Nous avons également les contractuels de 2008 à qui le gouvernement a coupé les avances sur solde, sous prétexte qu’il est en train d’organiser l’audit du reversement. Nous ne sommes pas contre l’audit du reversement mais on ne doit renvoyer les enseignants à la misère parce que l’audit est en cours. L’autre problème est l’insuffisance du corps de contrôle composé des inspecteurs et des conseillers pédagogiques. Ils ne sont pas nombreux etn’ arrivent pas à couvrir le pays.
Au lieu que chaque enseignant reçoive au moins une fois l’an, la visite d’un conseiller pédagogique ou d’un inspecteur, il y en a qui ne sont jamais visités par le corps de contrôle ou d’encadrement car, effectif est très réduit, insuffisant. ,Voilà autant de choses qui ne sont pas de nature à rendre le système éducatif performant.

Les Enseignants
Tout le monde n’est pas devenu enseignant par vocation. Il y en a qui sont devenus enseignants par accident. Des gens enseignent à défaut du mieux, malgré eux. Ils sont là en attendant de trouver mieux ailleurs. On ne peut donc pas attendre grande chose de ceux-là. De même, il y en a qui ne savent pas que l’échec des apprenants est également leur échec. Certains sont peu conscients. Ils viennent au cours en retard ou s’absentent comme ils veulent.
Ils n’ont pas d’objectifs, naviguent à vue et sacrifient ainsi les apprenants.

Les Parents
La plupart des parents ne suivent pas du tout leurs enfants. Ils ne sont pas disponibles.
Le suivi fait donc défaut et les résultats sont mauvais.

Les Apprenants
Ils sont pour la plupart sans objectifs, sans vision. Certains sont déroutés par la cybercriminalité et la sexualité parce que les parents ne jouent plus leur rôle et l’école n’est pas en mesure de se substituer à eux. Pour finir, je dois dire que chaque acteur doit jouer sa partition. Le gouvernement doit régler les problèmes réels posés par les enseignants et améliorer leurs conditions de vie et de travail. Après avoir fait cela, il peut devenir exigeant vis-à-vis des enseignants.

 

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