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Le triomphe de la vérité

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ENTRETIEN AVEC LE DIRECTEUR DES SERVICES LEGISLATIFS DE L’ASSEMBLEE NATIONALE:  Le Magistrat Isaac FAYOMI fait des révélations sur les acquis de la 7ème mandature et les présidents du parlement béninois


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Afin de mieux comprendre le travail abattu par la 7ème législature finissante, votre journal a rencontré une personne ressource. Il s’agit de Monsieur Isaac FAYOMI, Magistrat de son état et Directeur des Services Législatifs à l’Assemblée Nationale.Monsieur Isaac FAYOMI compte pratiquement à son actif, quatre législatures. En effet, nommé en novembre 2003 (quatrième législature) il y est encore à la septième. Expérience unique de longévité au poste de Directeur dans l’administration parlementaire béninoise, quand on sait que l’Assemblée Nationale est un milieu politique. Votre Journal s’est rapproché de ce fonctionnaire parlementaire de haut niveau pour en savoir davantage sur ce qu’il fait et ce qui fait son secret de longévité au poste.

 

L’événement précis : Monsieur le Directeur des Services législatifs. Comment se porte aujourd’hui le Parlement béninois ?

 

Magistrat Isaac FAYOMI : Le Parlement béninois se porte très bien. Vous comprenez pourquoi je le dis. Une sérénité y règne. L’ambiance est bon enfant comme on le dit. Jusqu’ici tous les rapports d’activités du Président sont adoptés par l’ensemble des députés, toutes tendances confondues. Il n’y a dernièrement qu’une seule voix contre. Les députés collaborent, malgré les divergences de points de vue politiques.

 

Faites-nous découvrir un peu les coulisses des Services législatifs de l’Assemblée Nationale 

 Sans fausse modestie, je dirai que la Direction des Services législatifs est la cheville ouvrière de toute la machine parlementaire.

Retenez que c’est le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale et la Décision n° 98-367 du 6 août 1998 portant attributions, organisation et fonctionnement du Secrétariat Général Administratif qui constituent les fondements de son existence.

En effet, le Règlement intérieur admet son existence au titre des deux Directions qui animent le Secrétariat Général Administratif et la Décision  précise qu’elle est chargée de :

– la coordination, le suivi et le contrôle des activités au niveau de ses services ;

– l’exécution des tâches qu’implique la double mission de législation et de contrôle constitutionnellement dévolue à l’Assemblée Nationale ;

– l’information du public des travaux de l’Assemblée Nationale ainsi que des activités de son Président ;

– la valorisation et la promotion de l’image de l’institution parlementaire…».

Pour atteindre les missions sus-évoquées, la Direction dispose des services ci-après :

– le service des commissions, des réunions du Bureau et de la conférence des Présidents ;

–  le service des séances et questions ;

-le service de la communication ;

-le service de la documentation et des archives.

Je ne serai pas complet si je n’évoquais pas d’autres structures d’appui dont les rôles sont d’une grande importance. Il s’agit des assistants de commissions et des réviseurs des débats qui ont rang de chefs de services. Il y’a les transcripteurs des débats qui relèvent du service des séances et questions.

 

Vous êtes à la tête de cette Direction importante depuis quelques années. Quels travaux faites-vous en amont dès l’introduction d’une loi par un député, un groupe de députés ou le gouvernement jusqu’à son examen en plénière ?

Tous les services et personnels cités plus haut, concourent à la bonne marche des missions constitutionnelles des députés à savoir le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale.

Ces missions sont préparées et coordonnées par nos soins. A titre d’illustration, la procédure de vote d’une loi passe par  l’étude préalable au sein de l’une des cinq commissions permanentes de l’Assemblée Nationale ; ce qui suppose avant tout, la convocation de tous les acteurs concernés dont le Gouvernement. Le rapport issu des travaux qui sont suivis de bout en bout par la Direction à travers le service des commissions et les assistants, fait l’objet de multiplication et de distribution à tous les députés selon des délais constitutionnellement établis.

Il est important de souligner que le Règlement intérieur impose qu’aucune affaire ne peut être examinée en plénière sans avoir fait l’objet auparavant d’un rapport écrit ou verbal (Article 48.2 du Règlement intérieur).

La plénière qui est la rencontre de tous les députés est préparée par la Direction et c’est sous son œil vigilant que tout se déroule. Le Président de séance qui dirige sur la base du Règlement intérieur est assisté certes par les secrétaires parlementaires, mais aussi par le Directeur des Services Législatifs et le Secrétaire Général Administratif.

 

Dès lors que le projet de loi ou la proposition de loi est examinée et adoptée par les députés, qu’est-ce qui vous revient encore comme tâche ?

 Le Directeur des services législatifs assiste de bout en bout aux séances comme il est dit plus haut. A titre d’exemple, les débats sur le code pénal ont mobilisé le personnel technique et les députés, dans la nuit du 04 au 5 juin 2018. Imaginez ! Les députés ont fini d’adopter au-delà de deux heures (2H) du matin, le code de mille sept (1007) articles relatifs au code pénal.C’est après ce travail, que le DSL avec les assistants de la commission saisie du dossier procèdent à la relecture et à la mise à jour.

Et Dieu sait qu’à cette occasion, il se découvre beaucoup d’incorrections que nous sommes obligés de corriger tant que cela ne touche pas le fond. Il nous arrive même de recourir au Président et au Rapporteur de la commission concernée pour avoir des précisions sur tels ou tels aspects de la loi votée. En vérité, le travail à cette étape est plus dur que celui qui consiste à suivre les débats sur le vote de la loi. Vous comprenez que dans ces conditions, l’Assemblée Nationale ne peut respecter le délai de 48H prescrit par le Règlement intérieur pour transmettre au Président de la République, toute loi votée.

 

Et que se passe-t-il lorsque le texte de loi est rejeté par les députés en plénière ?

L’article 76 du Règlement intérieur règle la question en ces termes.Je cite : « Les propositions de lois et les propositions de résolutions repoussées par l’Assemblée nationale ne peuvent être réintroduites avant le délai de trois mois… ».

Ce n’est toujours pas de gaieté de cœur que de telles mesures sont prises. C’est pourquoi, lorsqu’un Président de commission voit la tournure que prennent les débats sur le dossier en examen, il suggère le retrait du rapport.

 

On vous voit toujours assis derrière le Président de séance installé au perchoir. Que ce soit, Me Adrien HOUNGBEDJI  lui-même ou l’un de ses deux Vice-Présidents.Quel appui le DSL apporte-il au Président lors de la conduite de chaque séance plénière ?

 

Comme je l’ai rappelé plus haut, le DSL tout comme le SGA appuient techniquement le Président de séance.

Vous savez qu’un Président de l’Assemblée est un député que ses  pairs ont élupour conduire les affaires durant une mandature. Il n’est pas censé être du domaine du droit. S’il est un professionnel du droit, c’est tant mieux car il aura de facilité pour comprendre et interpréter à bon escient le Règlement intérieur.

Au cours des débats en plénière, des préoccupations d’ordre technique peuvent se poser.Le Président peut vous solliciter sur place, soit pour lui préciser un article du Règlement intérieur, soit lui suggérer un avis. C’est dire que la vigilance est de mise car la plénière est le centre de tous les intérêts ; disons même de tous  les enjeux en raison même du milieu politique qu’est l’Assemblée.

Evidemment, toutes les préoccupations netrouvent pas leur solution dans le Règlement intérieur. La pratique parlementaire, la jurisprudence sont aussi des sources d’inspiration non négligeables.

 

Dans quelques mois, la 7ème législature sera à son terme. Vous voudriez nous faire un bilan sommaire des activités législatives au cours des trois premières années de la législature ?

 

Je dirai d’entrée que le bilan est élogieux sur tous les plans. Vous avez évoqué les activités législatives. J’y inclus naturellement le contrôle de l’action gouvernementale.

A la date du 11 juin 2018, nous sommes à un total de 118 lois votées. Cela me paraît important à un an de la fin de la législature. S’agissant du contrôle de l’action gouvernementale c’est-à-dire les questions au gouvernement, les commissions parlementaires d’enquête, il y a eu un regain d’espoir. Vous savez que le Bureau de l’Assemblée Nationale et la Conférence des Présidents ont innové en cette matière. Désormais les jeudis sont systématiquement réservés pour les questions. Cela porte ses fruits car plusieurs questions restées en instance sont aujourd’hui vidées.

 

Quels sont les dossiers en instance et qui pourraient être étudiés avant 2019 ?

 

Nous avons la Résolution portant sur le Règlement intérieur, la proposition de loi portant statut du personnel parlementaire, la proposition du code électoral qui sera certainement déposée dans les semaines à venir, la loi portant statut du Barreau, …etc. J’ai cité celles-là au regard de leur importance pour le parlement et le pays.

 

Quelle appréciation faites-vous de la gouvernance du Président HOUNGBEDJI ?

 

Il n’appartient pas à un agent de noter  son supérieur ! Mais souffrez que je dise que son mandat a été réellement placé sous le signe de la modernisation du parlement. L’audit organisationnel a été effectué et son rapport est éloquent. Le Plan de développement et de modernisation a conclu à un vaste programme à court, moyen et long terme. Et les partenaires se sont mobilisés pour accompagner ce mouvement de modernisation et de développement. C’est un homme de vision et de nobles ambitions.

 

Sur le plan de la production législative. Savez-vous que le code pénal adopté au cours de ce mois de juin a été transmis en 1999 à l’Assemblée ? Un autre décret correctif l’a complété en 2001. C’est une législature qui a embrassé beaucoup de choses qui étaient utiles. C’est tout à son honneur.

 

A son investiture, il projetait apporter un changement profond à la 7ème législature. Dites-nous ce que vous avez perçu comme acquis fondamental à mettre à l’actif de la mandature actuelle à quelques mois de son terme.

 

La réponse à votre préoccupation semble avoir été abordée dans la question précédente. Je pourrais ajouter que la situation au niveau des députés qui se retrouvaient sous les manguiers après les suspensions a trouvé une solution avec le nouveau bâtiment érigé. C’est important de le souligner.

 

Quels sont vos secrets pour avoir réussi à battre un record de longévité à la DSL et surtout pour avoir servi trois Présidents d’Assemblée de manière ininterrompue ? Est-ce votre capacité à « changer de veste » comme on le dit couramment dans le pays ?

 

Vous comprenez que je ne peux qu’en rire ! D’abord je rectifie, j’ai servi trois Présidents. C’est vrai mais je dirais quatre. Savez-vous pourquoi ?

J’ai servi le Président Nago à la cinquième législature. Il a dirigé dans les conditions très difficiles après 18 mois de prise de fonctions. Tout le reste a été la gestion de crise. Ce fut un homme. Je l’ai encore accompagné à la sixième législature dans un autre contexte de sérénité. Ce fut encore un autre homme.  Le dénominateur commun est une haute personnalité travailleur, rigoureux et surtout pointilleux sur tous les bords.

Je peux parler du Président IDJI Kolawolé de la quatrième et du Président HOUNGBEDJI aussi. Il faut reconnaître qu’ils sont tous des personnalités de valeur. Aux côtés de ces hommes, vous apprenez beaucoup de choses. En tout cas, moi j’ai appris.

Pour répondre précisément à votre question, je n’ai aucun secret que mon travail dans l’humilité. Sans fausse modestie, je fais ce qu’on me confie et je m’efforce de bien le faire.

A la vérité, je ne regrette pas mon séjour. Le Président IDJI qui m’a nommé m’a permis de boucler tout le cycle des trois pouvoirs. Je suis un magistrat qui a eu la chance de connaître la pratique judiciaire, de travailler dans les cabinets de trois ministres en qualité de conseiller technique (pouvoir exécutif) et enfin de connaître la pratique parlementaire (pouvoir législatif). Je remercie le Tout Miséricordieux de m’avoir fait cette grâce.

Je vous ferai une confidence que mon entourage ignore. Savez-vous qu’en 1995, lorsque le Président AMOUSSOU Ange Bruno prenait le perchoir, j’ai été sollicité pour occuper le poste de Directeur des Services Législatifs ?

J’ai décliné l’offre en disant « je viens d’être nommé juge d’instruction. Je veux faire l’expérience de juge enquêteur ».Et pourtant j’étais loin de ma petite famille.

 

Un mot pour conclure cet entretien ?

 

Le plus grand mot est merci à vous pour cet entretien qui permet de comprendre ce que nous faisons. Merci à tous les Présidents qui m’ont fait confiance car ce n’était pas évident. N’oubliez pas que nous sommes dans un milieu politique où le politique cherche à satisfaire les intérêts des militants et des sympathisants.

Je suis bien placé pour dire haut et fort que les trois Présidents ont démontré que l’on peut faire exception à certaines règles de la politique. Vous ne me direz pas qu’ils n’ont pas de magistrat au sein de leur landerneau politique. Et peut-être mieux compétent que moi. Pourtant ! Ils n’ont pas fait parler leur cœur ou les intérêts politiques. Je leur sais gré. J’espère que d’autres autorités sauront emboîter leurs pas dans certaines hautes fonctions de l’Etat en faisant confiance aux cadres, quelque soient leurs bords politiques.

Je vous réitère mes compliments pour le sérieux qui caractérise votre organe. Bon courage à vous ! Merci encore pour l’opportunité que vous m’offrez.

Entretien réalisé par Gérard AGOGNON

 

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