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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’héritage infini


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Ce mercredi 28 mars 2018 s’achève au siège des Nations Unies à New York une exposition sur le thème : « Se souvenir de l’esclavage : le dire fort ». Elle met en valeur le travail de 22 architectes descendants d’esclaves célébrant la persévérance, la créativité des peuples noirs. Cet événement démarré le 05 mars, constitue le point d’orgue de la célébration de la journée internationale du souvenir des victimes de l’esclavage le 25 mars. Ce jour-là, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres a tenu à rappeler qu’environ 15 millions d’Africains ont souffert de l’esclavage et de la traite pendant trois siècles, c’est-à-dire trois cents ans. Le secrétaire général des Nations Unies a noté à l’occasion que la traite transatlantique constitue un chapitre honteux de l’histoire humaine. Et que cette célébration devrait aider à prendre conscience des dangers du racisme.
Pendant trois siècles donc, des millions d’Africains ont été déportés aux Amériques, tirés de leurs terroirs, violentés, tués, et brisés à jamais. Des millions d’autres, sous le coup des maladies et des révoltes dans les navires négriers, ont été jetés à la mer, disparus à jamais dans les flots. L’historien français Jean-Michel Deveau estime que le commerce négrier et l’esclavage constituent l’une « des pires tragédies de l’histoire humaine en termes d’échelle et de durée ». Ce fut en tout cas, la plus grande déportation de l’histoire et un facteur déterminant dans l’économie mondiale. On n’oubliera pas qu’elle a favorisé l’accumulation de capitaux en Europe et servi à la première révolution industrielle au XVIIIème siècle. Le boom économique des Etats-Unis n’a pu être réalisé au XVIIIème siècle, sans ces masses humaines réduites à l’état de bêtes.
A contrario, la traite et l’esclavageseront à la base du dépeuplement de l’Afrique, vidée de ses bras valides et de ses élites. Le corollaire en est plus tard la colonisation et l’indépendance factice dont nous continuons d’être les victimes.
L’on se demandera pendant longtemps encore comment des êtres humains, y compris en utilisant la Bible, ont été capables de commettre des atrocités que même notre imagination au XXIème siècle, est incapable d’appréhender. Comment des évêques et des papes ont pu donner leur onction à cet abominable commerce et ces pratiques abjectes pendant plus de trois siècles ? Comment aussi ont-ils réussi à faire croire plus tard que leur religion est faite d’humanisme et qu’elle est même une religion de paix, de tolérance et de miséricorde ? Ce sont des questions qui resteront pendant longtemps sans réponse.
Mais, alors qu’elles affleurent en nos consciences, une autre tragédie a été passée sous silence. Il s’agit de la traite arabe mise en évidence par l’historien sénégalais Tidiane N’Diaye qui a publié un ouvrage sur le sujet : Le génocide voilé. Elle commence en l’an 652, date à laquelle un traité de paix, connu sous le nom de Bakht, entre l’émir Abdallah ben Saïd et le roi de Nubie Khalidurat stipule, entre autres avantages, la livraison chaque année de 360 esclaves des deux sexes en échange de l’absence de guerre. Ce fut le début d’un long processus pendant lequel l’Afrique fut mise à sac, ponctionnée par des prélèvements réguliers de populations emmenées en esclavage dans les pays du Golfe jusque dans l’empire Ottoman. Cette traite des noirs par des arabo-musulmans ne s’achève- officiellement – qu’au XXème siècle. « Du VIIème au XVIème siècle, pendant près de mille ans, …, [furent déportés] près de dix millions d’Africains avant l’entrée en scène des Européens », écrit l’historien sénégalais.
Le poids de ces captures fut lourd. Stanley, le tristement célèbre explorateur, le constata lors de ses voyages : « La capture des 10 000 esclaves par cinq expéditions d’Arabes n’a pas coûté la vie à moins de 33 000 personnes ».
Il s’agit là de personne qui périrent en se défendant et en protégeant leur village lors des razzias. Il faut y ajouter celles qui moururent sur le bord de la route de la captivité faute de soin et de nourriture, ou de ceux qu’on laissa pour morts sur les routes parce que n’étant pas jugés suffisamment intéressants commercialement parlant.
Voilà donc le continent africain qui se débat aujourd’hui dans des problèmes économiques et sociopolitiques difficiles et parfois incompréhensibles. La clé est peut-être dans ce passé traumatisant qui a déstabilisé l’être africain.
Il est désormais établi que ces traumatismes ont laissé sur la psychologie des peuples noirs des séquelles indélébiles. Elles se répercutent sur nos pratiques culturelles sous formes de peurs, de frayeurs, de méfiance ou de défiance désormais ancrées dans nos mœurs politiques ou nos relations sociales. Ce sont des résurgences modernes auxquelles la psychothérapeute Anne Ancelin Schützenberger (décédée il y a quelques jours) a consacré des travaux scientifiques mondialement connus.
Il y a plus d’un siècle que l’esclavage s’est achevé, mais l’on ne peut nier l’évidence : son impact durera encore longtemps.

 

Olivier ALLOCHEME

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