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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec le Professeur Bertrand Mbatchi, Secrétaire Général du CAMES: « Le CAMES promeut le savoir, gage de l’émergence des pays africains »


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Arrivé au Bénin dans le cadre du cinquantenaire du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES) qui se tiendra du  28 mai au 2 juin dans la capitale nigérienne, Niamey, le sixième Secrétaire Général  du Conseil, le Professeur Bertrand Mbatchi,  s’est entretenu avec plusieurs autorités béninoises pour la réussite de ce grand événement. Très décontracté, il s’est prêté au micro de votre quotidien, L’Evénement Précis, pour passer au peigne fin les avancées enregistrées lors de ces  50 dernières années ainsi que les perspectives du Cames pour le rayonnement de l’enseignement supérieur en Afrique et dans le monde. Lisez plutôt…

 

L’Evénement Précis : Vous êtes depuis quelques jours à Cotonou. Comment se passe votre séjour ?

Professeur Bertrand Mbatchi : Mon séjour se passe très bien. J’ai l’habitude de séjourner dans le cadre de ma fonction ou à titre personnel au Bénin. Je me sens chez moi.

Qu’est-ce qui explique votre présence à Cotonou surtout que le CAMES n’est pas en session ?

Ma présence est partie de la dimension communication. J’ai également un rôle de représentation dans les Etats. J’ai eu à rencontrer la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique avec qui j’ai parlé du cinquantième anniversaire du CAMES qui se tiendra du 28 mai au 2 juin 2018. Nous avons évoqué aussi le prochain programme des comités interafricains du Cames qui va se tenir au Niger en juillet 2018. Nous avons aussi discuté des dispositions mises en œuvre pour le renouvellement des experts qui vont animer les comités puisque les experts qui ont conduit ces conseils pendant deux mandats consécutifs doivent céder la place à de nouveaux experts. Je leur ai aussi parlé de la dématérialisation des programmes du Cames dans le cadre du numérique.

Après 50 ans de vie, quelles sont les avancées qu’on pourrait retenir du Cames ?

50 ans de vie, c’est autant peu que beaucoup. A l’échelle humaine, c’est l’âge de la maturité mais à l’échelle institutionnelle, ce n’est encore rien. En termes d’avancées, c’est d’avoir réussi cette intégration scientifique et universitaire au plan communautaire. Nous avons des experts qui portent la marque Cames. La marque Cames est respectée dans le monde entier. Elle a cette particularité que les autres espaces d’enseignement supérieur n’ont pas. La marque Cames a cette capacité d’assurer l’accréditation, la promotion des enseignants-chercheurs de différents pays à partir des mêmes référentiels. Nous avons un modèle à revendre aux autres. C’est cette capacité que nous avons de disposer des experts sur plusieurs chantiers. C’est un atout pour le développement. On peut regrouper cette expertise pour faire des consultations à l’extérieur, valoriser leurs capacités et les vendre à l’extérieur. Nous avons pu organiser ces capacités en  réseaux thématiques de recherches en créant 12 programmes thématiques de recherches qui occupent les experts de certains pays sur des thématiques d’actualité. Le Cames a aussi réussi à créer un cadre de concertation des ministres de l’Enseignement supérieur des pays membres du Cames. Cette possibilité leur permet des se retrouver chaque année et d’échanger pour mener une dynamique d’ensemble de manière communautaire. C’est un espace créé pour améliorer les choses. Le Cames a également un comité de pilotage scientifique qui réunit les recteurs d’université de l’espace Cames et les responsables des recherches académiques. C’est aussi une plateforme d’actions où on peut changer des expériences. Si on veut agir, on a besoin d’outils pour aller loin. Le Cames constitue un conseil régional d’assurance qualité et d’accréditation. Qualité parce que ce qui est qualitatif est prisé et les pays n’auront pas des problèmes de grèves si les conseils que nous donnons sont appliqués. L’accréditation permet l’autoévaluation et l’évaluation à l’externe de sorte à transformer les faiblesses en défis dans l’élaboration des plans stratégiques et personnels du développement. Pour moi, le Cames est un outil performant que les pères fondateurs ont mis à notre disposition. Il s’agit de le préserver, de disposer des ressources importantes en matière de promotion de développement.

Nous constatons que c’est les écoles privées qui courent souvent vers le Cames pour les  accréditations. Comment l’expliquer ?

Cette situation peut s’expliquer par la peur, une perte de mémoire et une forte appréciation. A la création du programme de reconnaissance et d’équivalence de diplôme, il n’y avait pas d’établissements privés. C’était un programme créé pour le public. C’est ensuite que le privé est arrivé. Cette initiative du privé, pour se faire entendre et répondre à certains critères, se sent à l’heure actuelle le plus intéressé par ce programme. La qualité ne se décrète pas mais se construit au fur et à mesure. Je pense que les responsables des établissements publics doivent être interpellés parce que c’est le regard externe qui permet de dire que ce qui est fait est bon ou mauvais. Cette opportunité permet de voir si les diplômes obtenus sont en cohérence avec le besoin de l’emploi, si on respecte les exigences pédagogiques que l’institution impose et que l’Etat a eu à valider dans le cadre d’une reconnaissance nationale. Lors du dernier conseil des ministres du Cames, il a été recommandé que des dispositions soient prises pour permettre au public de trouver le chemin de l’évaluation.

Où en sommes-nous avec la réforme relative à la dotation des universités des cellules d’assurance qualité ?

Dès notre arrivée en 2011, nous avons fait adopter le plan stratégique de développement du Cames. Il est composé de 7 axes complémentaires et l’un d’eux est qu’il faut asseoir la démarche qualité dans les établissements d’enseignement supérieur et au niveau du Cames. A cet effet, il faut mettre en place des cellules d’assurance qualité pour encourager les pays à  créer des structures dédiées à l’assurance qualité au plan national. A ce niveau, un guide a été élaboré, validé par le conseil des ministres et sera bientôt mis à la disposition des utilisateurs. La balle est maintenant du côté des utilisateurs.

Le Cames veut lancer les olympiades universitaires. Partagez avec nous la philosophie, le processus et les implications de ce projet

Les olympiades ont déjà été lancées. La première édition est en cours d’exécution. La phase nationale qui a été lancée a déjà pris fin. Chaque pays a organisé une compétition et il faut avoir une moyenne pour participer à la phase internationale qui va commencer à la fin du mois de mars. Cette phase s’organise en deux étapes. La première partie au niveau national et la seconde, au niveau international. La première partie consiste à faire une évaluation de manière numérique. On pose le sujet qui est traité pendant un temps donné, les réponses sont envoyées au Cames qui, grâce à un logiciel, corrige et envoie les résultats. La seconde partie qui est internationale, concerne tous les retenus. Elle se fera à Ouagadougou où se tiendra la commémoration du cinquantenaire du Cames. Un jury composé des professionnels et scientifiques, va juger du projet de recherche ou professionnel présenté par le candidat. L’idée c’est de montrer que le Cames s’intéresse directement aux étudiants. Lorsque les diplômes sont évalués, c’est pour permettre aux étudiants d’avoir de l’emploi. Mais cette fois-ci, ils vont se confronter aux autres et parler du Cames au quotidien. Ceci, pour nous permettre d’assurer la promotion du numérique comme outil d’apprentissage et de communication car, il faut utiliser les techniques modernes d’apprentissage. Les étudiants n’auront plus peur du numérique qui est un outil qui permet d’apprendre à se faire évaluer. Pour démocratiser l’apprentissage par le numérique, nous avons mis en place un autre outil d’évaluation et de formation à distance qui permet d’évaluer tous les enseignements.

Comment se porte le LMD dans l’espace Cames, si on devrait l’évaluer ?

Il faut recadrer les choses. Il ne faut pas que ce système LMD soit perçu comme un effet de mode. Il y a des règles et le LMD doit être conçu pour répondre à un problème donné avec la flexibilité que cela occasionne. Le LMD, c’est le L, le M et le D. Tout le monde n’a pas besoin d’aller au D. C’est les meilleurs et selon les besoins du pays qu’on va jusqu’au D. Si la formation D ne fait que des chômeurs, il faut la fermer et ouvrir une autre qui est plus pertinente. C’est beaucoup d’engagement, de souplesse, de la rigueur. Le LMD est une stratégie, c’est à repenser en prenant des textes juridiques fermes et en l’insérant dans le cadre du développement national.

Expliquez-nous le processus de promotion en grade à travers les divers concours que vous organisez, chaque année

Le concours concerne certains secteurs des lettres et d’économie. On a le concours en science juridique, économie, politique et de gestion puis, le concours en médecine et en production animale. On a ensuite la promotion de titres qui se fait à partir d’un examen de dossier. Il y a toujours une évaluation de dossiers en ce qui concerne les concours. L’enseignant doit être présent, traiter les épreuves qui lui seront soumises, présenter ses articles et autres recherches. S’il réussit, il passe à une autre étape où il doit présenter encore ses articles. Dans le cas des médecins, on les met devant un malade avec pour objectif qu’il fasse un bon diagnostic. Pour ce qui concerne les enseignants, ils ont la possibilité de passer de l’étape d’assistant à Maître-assistant puis, de Maitre de conférence à Professeur titulaire, selon leurs exigences.

En quoi le Cames profite-t-il aux étudiants ?

Le Cames profite aux étudiants de manière indirecte parce que nous essayons de faire de l’enseignant quelqu’un de compétent. C’est pourquoi on change les critères afin qu’ils répondent aux normes internationales. Si quelqu’un est enseigné par  un bon enseignant, on dit qu’il sera bien informé. L’autre façon que le secteur public de l’enseignement supérieur a tendance à négliger, c’est la qualification du diplôme en passant par un programme externe des experts. On s’assure que la formation qui est dispensée répond aux normes. Ainsi, l’étudiant sera formé et peut au niveau régional, aller d’un pays à un autre. C’est une garantie pour l’étudiant. Un autre atout pour les jeunes est la création des olympiades universitaires du Cames. Cela va permettre aux jeunes étudiants d’échanger entre eux, de porter et de parler des valeurs du Cames.

S’il vous était donné de faire une lecture du fonctionnement des établissements privés au Bénin, que diriez-vous ?

De manière générale, j’ai créé, aidé et accompagné les établissements privés d’enseignement supérieur à se regrouper en un réseau appelé le Ridepes. L’objectif, c’est d’avoir une plateforme d‘échanges entre eux et le Cames. Dans tout Etat, il y a des volontaires et des brebis galeuses. Il y en a qui sont vraiment à la pointe, qui tutoient et dépassent même certains établissements publics parce qu’ils sont à la pointe de l‘innovation. Notre objectif est d’amener tout le monde, à travers le Ridepes, à un niveau de qualité plus élevé. Pour y arriver, il faut une synergie entre les Etats qui donnent la première habilitation à ouvrir une école et une discipline. Si l’Etat se fourvoie à donner ce droit à n’importe qui, nous ne remettrons pas en cause cet Etat qui a le devoir de veiller sur la qualité de ces enseignements.

Dans un passé récent, vous êtes intervenu dans un bras de fer qui a opposé le Patronat des Etablissements privés d’enseignement supérieur (PEPES) au gouvernement béninois dans l’organisation ou non des examens nationaux. Comment appréciez-vous le dénouement de cette crise ?

C’est du passé. Le dialogue est une vertu à préserver et le Cames ne fait que des propositions. Nous donnons des conseils et c’est à chaque Etat d’en tenir compte. Chaque état a un projet à réaliser et on ne peut pas se mettre en désaccord avec les projets d’un Etat.

Quelles sont les perspectives du Cames pour un enseignement supérieur rayonnant ?

Il faut établir un code d’éthique et de déontologie. Nous avons un génie en Afrique mais qui ne s’exprime pas, à cause d’un problème d’égo. Il faut un code d’éthique et de déontologie pour éviter le trafic d’influences et les exclusivités. Il faut aussi qu’on passe à la modernisation des outils de travail. Il faut que le numérique prenne sa place pour un mode de gestion moderne. Il faut qu’il y ait une traçabilité du système d’information dans les établissements. Il faut utiliser le numérique dans toutes les dimensions, recherche, pédagogie, innovation et autre. Le numérique est aussi un grand secteur porteur d’emploi. Aujourd’hui, les soumissions de dossiers au Cames se font en ligne et apportent assez d’avantages. Il y a aussi la valorisation de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’éducation où des guides ont été mis en place pour savoir comment monter en grade au sein du Cames. Il y a également le renforcement des partenariats, et le renforcement de la communication. A ce sujet, nous avons mis sur pied un réseau international de référence institutionnel qui est le réseau africain malgache de communiquant de l’enseignement supérieur, dont les membres pourront vulgariser les informations propres au Cames. Les innovations, les problématiques et leurs résolutions sont ainsi vulgarisées pour contribuer à un changement de paradigme et de mentalité.

On vous voit par moment avec le coach Patrick Pognon. Pourquoi ?

Je voyais le coach à Sikka Tv. Il avait certaines positions qui m’interpellaient souvent au changement. Il s’est donné avec beaucoup de passions à éclairer les uns et les autres.

A quoi le coaching peut-il servir dans les universités africaines ?

Les jeunes étudiants sont perdus. Ils doivent vivre avec toute leur potentialité et c’est à nous de les ouvrir. Les potentialités sont malheureusement émoussées et c’est à nous de les aider. Je crois que le travail est d’amener les uns et les autres à repenser autrement. Je suis persuadé que la jeunesse doit avoir cette formation complémentaire qui éveille la confiance en soi et qui crée de nouveaux élans dans le sens de la construction. Le coaching peut bien participer à la transformation des universités africaines si elle est pratiquée par des hommes et femmes qui savent éveiller la conscience.

Que diriez-vous, professeur, pour conclure cet entretien ?

Le Cames est un outil formidable. La marque Cames est respectée dans le monde. Nous devons nous battre pour son attractivité. Nous avons des experts qui peuvent faire des consultations. Nous avons un réseau de compétences, des banques de données de milliers d’experts. Le Cames est là pour répondre aux problèmes de développement du continent. Le Cames est une plateforme qui veut et doit être le leader incontournable du développement des Etats membres à travers l’enseignement supérieur et la recherche. L’émergence tant attendue des pays africains passe par le savoir et le Cames est là pour promouvoir ce savoir.

Entretien réalisé par Rastel DAN et Alphonse KOUNOUHO

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1 thoughts on “Entretien avec le Professeur Bertrand Mbatchi, Secrétaire Général du CAMES: « Le CAMES promeut le savoir, gage de l’émergence des pays africains »

  1. Communication CAMES

    Le cinquantenaire du Cames se tiendra du 28 mai au 2 juin dans la capitale burkinabé Ouagadougou, et non à Niamey comme indiqué dans l’introduction.

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