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Le triomphe de la vérité

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Le Secrétaire Général de la CSA-Bénin, 110ème invité « Sous l’arbre à palabres »: « L’argumentaire syndical doit aller au-delà du cri »


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Rebelle ou réformiste ? Anselme Amoussou est un mélange des deux. Le Secrétaire général de la Confédération des Syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin) est un syndicaliste qui rejette la tunique traditionnelle de l’hypocrisie. « Sous l’arbre à palabre », cette semaine, la langue de bois a déserté le forum. Les mots sont crus et parfois cruels. Anselme Amoussou distribue les bons points et les mauvaises notes. Acteurs syndicaux, syndiqués, gouvernants, politiques, société civile…, tout le monde y trouve son compte, du moins chacun reçoit sa dose. Il expose la nudité du monde syndical béninois et fait des révélations sur les secrets des couloirs de négociations syndicats-gouvernement. Il ne se fait pas de cadeau, lui-même. Il étale sur la place publique ses propres insuffisances. Rencontre avec un syndicaliste singulier. On déguste et on se plaît dans ces délices faites d’un style sans oripeau.

 

Et si on en parlait

Quelles sont vos premières impressions en tant que 110ème invité ?
Je suis très honoré. Je connaissais déjà cette rubrique pour avoir suivi les passages des anciens Ministres François Abiola et de Delphin Koudandé. Vous avez également donné un cachet spécial à cette rubrique lors du 10ème anniversaire de L’Evénement Précis. Pour avoir vu un peu l’historique que le Dp m’a montré , cela prouve que c’est une très bonne initiative. L’Evénement Précis est un partenaire spécial de la CSA-Bénin. C’est aussi un organe qui fait preuve de beaucoup de professionnalisme. C’est un grand honneur pour moi et pour ma confédération. Nous sommes très heureux de nous retrouver ici. J’espère que nous allons avoir de très bons échanges.

Nous sommes dans une sorte de turbulence sociale. Que pouvons-nous retenir des médiations faites jusqu’à ce jour ?
La situation sociale actuelle nous interpelle tous, même si nous sommes au cœur et parties prenantes de l’impasse actuelle. Nous allons trouver les voies et moyens pour nous en sortir. En tant que partenaires sociaux, nous avons toujours répondu à tous les appels. On ne sait jamais d’où peut venir le déclic d’échanger efficacement et de sortir de la crise. Depuis que nous sommes en crise et que ça s’est complexifié, nous avons eu quatre demandes de médiation. Il y a d’abord eu le président du Conseil économique et social qui nous avait déjà rencontrés une première fois avant que nous n’allions vers le Chef de l’Etat. Quelques jours après, nous avons reçu l’appel du Chef de l’Etat. Je ne sais pas si c’est sa médiation qui l’a porté mais dans tous les cas, cette initiative est heureuse. Nous l’avions rencontré une seconde fois, la semaine dernière. Il s’est proposé de nous écouter et ensuite d’aller parler au gouvernement pour que nous puissions trouver la porte de sortie. La deuxième médiation est celle que vous avez suivie. Nous avons été contactés par l’église de Gbanamè qui a souhaité nous rencontrer. Nous avons saisi la perche. Lorsque vous êtes dans un mouvement de revendication et que la finalité n’est pas de paralyser le pays, d’avoir des visites politiques, vous ne pouvez que répondre aux personnalités qui proposent d’intervenir pour une porte de sortie. Nous avons rencontré Parfaite de Gbanamè avec tout son staff. Nous avons eu de très bons échanges et elle s’est proposée de parler avec le Chef de l’Etat qu’elle appelait « Patrice », tout le temps de notre entretien, ce qui justifie qu’il y a une connexion entre le Chef de l’Etat et l’église de Gbanamè. La dernière médiation, ce sont les religions endogènes qui ont souhaité nous rencontrer aujourd’hui (NDLR : le mercredi 07 mars 2018). Ils discutent déjà avec les autres secrétaires généraux et nous verrons le résultat. Mais, les médiations n’ont pas donné grand-chose. Malheureusement, il y a beaucoup de communications autour de ces médiations. Cela ne nous dérange pas, parce que chacun essaie de se vendre à travers les médiations qu’il peut proposer dans une crise, l’essentiel est que cela aboutisse à quelque chose de concret. Nous attendons de voir si les différentes médiations vont porter leur fruit. Nous sommes toujours au registre des engagements, des promesses de parler au Chef de l’Etat. Nous souhaitons simplement qu’il y ait l’ouverture d’esprit qu’il faut de la part du gouvernement pour permettre à ces médiations de se concrétiser.

Que revendiquent concrètement les secrétaires généraux des centrales syndicales ?
Le déclencheur des grèves a été la tentative de retrait du droit de grève à certains travailleurs. Mais avant cela, il y avait des situations dont nous avions déjà fait part au gouvernement à travers les négociations gouvernement-centrales syndicales. Pour résumer notre plateforme revendicative, il y a les questions de liberté parce que nous sommes de plus en plus mal à l’aise face à un certain nombre d’actes que le gouvernement pose en matière de liberté. Il y a une sorte de propension à ne pas respecter les textes de la République et nous avons dit au gouvernement qu’il est garant de l’application des textes et qu’il faut sentir l’envie de faire de la pédagogie. Pour exemple, le capitaine Trékpo que tout le monde connait, il y a aussi l’affaire BIBE, des interdictions de marche de la part des étudiants qui ont fait que les faits de liberté ont été inscrits sur notre plateforme revendicative. Nous avons ensuite les questions d’ordre matériel, le respect des engagements qui ont été pris. Au nombre de ces engagements, la question du statut particulier au niveau des enseignants, les problèmes soulevés par les acteurs de la santé qui n’ont été jamais réglés, les réformes qui ne sont pas inclusives, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux que nous sommes, la difficulté de vie pour les travailleurs et les citoyens en général. Tout ceci nous a amené à inscrire sur notre plateforme l’augmentation du point d’indice de tous les travailleurs pour améliorer le pouvoir d’achat qui s’est érodé. Il y a autant de questions que nous avons inscrites sur notre plateforme revendicative pour lesquelles nous avons eu l’habitude de dire qu’on ne veut pas tout, tout de suite, mais tout est dans la démarche, dans les propos qu’on peut tenir pour faire patienter quelqu’un, le traitement et la volonté de ne pas humilier dans le partenariat que l’on peut établir avec des confédérations que nous sommes. Notre plateforme revendicative est connue de tout le gouvernement mais nous sommes toujours dans l’impasse.

Vous étiez allés aux négociations. Qu’est-ce que le dialogue social a donné ?
Si le dialogue social avait été efficace, on ne serait pas là à parler de crise. Les gouvernements passent et on se rend compte que la qualité du dialogue social ne s’améliore pas toujours. Avec le gouvernement de Talon, il y a eu des signaux forts au début qui nous ont amené à avoir un certain espoir dans les négociations que nous pouvons avoir avec le pouvoir. Il y a eu la signature de la charte, la mise en place du Conseil national du dialogue social. Le Chef de l’Etat avait pris des engagements lorsqu’il avait rencontré les centrales syndicales. Il a dit qu’il rencontrera les partenaires sociaux à chaque fois que le besoin se fera sentir, pour échanger sur l’action du gouvernement. C’est resté un vœu pieu et a déteint même sur les discussions au niveau sectoriel. Ce que nous faisons et ne faisons pas connaître beaucoup, c’est les discussions au niveau sectoriel. Lorsqu’un affilié a un problème, qu’il vient se plaindre à une confédération, notre reflexe, c’est de chercher à rencontrer le ministre. Dieu sait que nous avons réglé beaucoup de problèmes du genre sans qu’il n’y ait aucune publicité autour. Il arrive qu’aujourd’hui, vous n’avez pas la réponse qu’il faut de la part des ministres du gouvernement pour essayer de trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Une confédération qui dépose une demande d’audience et qui n’a aucune réponse, j’ignore si vous savez ce que cela peut amener en termes de frustration par rapport à la qualité du dialogue social. Au Bénin, nous avons un environnement qui permet d’améliorer la qualité du dialogue social. Nous sommes en démocratie, nous avons une vieille tradition du dialogue social dans notre pays qui est un atout. Nous avons ensuite l’environnement institutionnel, différents cadres ont été créés au niveau sectoriel et national. Malheureusement, le troisième élément important pour réussir le dialogue social qui est le comportement des acteurs, leur jeu au dialogue social est dans toutes les difficultés, non seulement au niveau du gouvernement mais à notre niveau aussi. Nous n’avons pas toujours la formation qu’il faut d’un côté comme de l’autre, nous n’avons pas toujours l’ouverture d’esprit, la posture et l’attitude qu’il faut pour aller au dialogue social. En tant que partenaires sociaux, nous pouvons nous reprocher de considérer le dialogue social comme un bras de fer permanent, les crises, le jusqu’auboutisme, la propension à douter sans aucune flexibilité. Dans ce cas, les gens ont du mal à convoquer les sessions parce qu’humainement, il y en a qui ne supportent pas l’ambiance dans laquelle on discute. La grande partie revient alors au gouvernement, parce que le non-respect des engagements a creusé l’écart entre les partenaires sociaux et le gouvernement. On a besoin de faire beaucoup d’efforts.

Les dernières décisions du gouvernement sont relatives à la radiation. Ne mettez-vous pas les travailleurs en difficultés ?
Non. Le gouvernement est en train de s’enfoncer dans des abus. On peut être dans un pays pauvre et respecter les textes parce qu’on se dit chantre de la démocratie. Ce qui se passe aujourd’hui dépasse l’entendement. Le président Boni Yayi avait brandi les statuts et menacé de nous radier. Ce qui n’a jamais été fait. Le sage dit que « lorsque vous voulez faire croire à l’enfant que le soleil vous obéit, il ne faut plus attendre le soir avant de lui ordonner d’aller se coucher ». Quand on fait une menace, il faut être en mesure de l’exécuter. Je pense que le gouvernement est dans une mesure de communication, d’intimidation pour nous obliger à reprendre les classes. On fait la mauvaise option parce que dans quel état d’esprit je reprends le travail lorsque je suis intimidé. On peut être plus nuisible en étant présent qu’en étant absent pour fait de grève. Si je suis médecin et qu’on m’oblige à être au poste, je peux mal traiter un malade. Maintenant est-ce que nous avons des raisons d’être inquiets ? J’ai entendu le professeur Djogbénou communiquer abondamment mais il communique comme avocat. Chez les avocats, tous les coups sont permis, pourvu que l’on gagne. Il n’a plus la toge d’avocat. Il doit comprendre qu’il est aujourd’hui dans le service public et le juridisme à outrance n’apporte rien en termes d’évolution des uns et des autres. Nous parlons de légalité, c’est-à-dire de droit, du respect des textes. Ceux qui sont dans la fonction publique savent bien qu’il faut une procédure pour radier quelqu’un et qu’il ne revient pas à un ministre de la justice de déclarer quelqu’un en abandon de poste et de le radier. On n’a aucune inquiétude par rapport à ça. Aussi, on ne peut pas dire à quelqu’un qu’il est en abandon de poste parce qu’il a respecté un mot d’ordre de grève. Même si la grève est illégale, la suite logique n’est pas de le considérer comme en abandon de poste mais d’appliquer les sanctions administratives et pénales. Aussi, les textes de la république sont clairs. Il ne revient pas au gouvernement de déclarer qu’une grève est illicite. C’est la justice qui doit s’en occuper. Le gouvernement peut saisir la justice pour son avis sur le caractère licite ou illicite de la grève. Monsieur Djogbénou connaît tout ça ou fait semblant de ne pas le connaître, et comme nous savons manipuler mieux que lui la loi sur l’exercice du droit de grève en République du Bénin, on n’a pas de raison d’être inquiet. Ce qu’on évoque aujourd’hui et que malheureusement Monsieur Djogbénou a fait partager par l’ensemble du gouvernement, c’est qu’on nous reproche le défaut de PV constatant le désaccord. Lorsque vous êtes mécontent de votre autorité et vous alertez votre employeur, c’est ce dernier qui prend l’initiative de convoquer la séance de négociation. C’est l’employeur qui doit veiller à ce qu’il y ait un PV de séance de désaccord. Pouvons-nous aujourd’hui opposer à l’employer le défaut de PV ? Ce n’est pas possible. Deuxièmement, au niveau sectoriel, et depuis deux ans que le gouvernement est là, nous avons eu plusieurs séances de négociation. Lorsque j’offense mon épouse et que je reviens le soir, elle n’a pas besoin de parler pour que je sente qu’il y a un problème. On a des signaux, des propos, des paroles et quand on est un gouvernement sérieux, vous utilisez ces stratégies et on entre en négociation. La démesure aujourd’hui, c’est que la grève illégale n’a pas empêché le gouvernement de faire des défalcations. Quand la grève est illégale, on ne fait pas des défalcations. On applique les sanctions. On peut même confisquer les salaires.On fait des défalcations. Ça veut dire que vous confirmez que la grève est légale et que pendant deux jours au moins dans la semaine, les gens sont présents à leur poste. Donc, je pense que cette communication ne sert pas le gouvernement et nous, nous ne sommes pas du tout inquiets par rapport à cela. Vous savez, ce qui peut être gênant, c’est que notre ministre de tutelle soit présent et ne réagisse pas face à cette forme de communication. On a vu et déploré ça avec le président Yayi Boni où le gouvernement déployait les ministres dans le pays pour aller vilipender les uns et les autres. Et malheureusement, on retrouve ça encore chez des gens qui se disent tout à fait intelligents. On a du mal à croire que le changement de posture peut avoir autant d’impact sur la conviction que l’on a défendue. Donc, nous n’avons pas le sentiment de mettre nos camarades en difficulté. Et j’attends de voir combien d’enseignants il va pouvoir radier dans cette situation.

Nous approchons une année blanche !
Oui. C’est vrai. Et là, nous avons des raisons valables d’être inquiets. J’ai toujours dit que nous n’avons pas intérêt à évoquer la question de l’année blanche. Parce que déclarer une année blanche, relève d’une décision ou d’une volonté politique. Tout pays peut sauver une année. On peut même avoir moins de 400 heures d’enseignement et quand même décider de sauver une année. L’inquiétude devrait être autour de la qualité de l’enseignement, la qualité de l’année parce que je sais qu’ils vont faire les efforts et nous aussi, nous allons faire ce qu’il faut pour éviter aux parents d’élèves et aux élèves de connaître une année blanche. On l’évoque ou la brandit souvent comme une pression supplémentaire sur le vis-à-vis. Quand nous l’évoquons, nous le faisons comme si cela ne nous faisait pas peur que le gouvernement ne réagisse pas. Et quand le gouvernement l’évoque, il l’évoque pour que nous puissions avoir peur par exemple de ne plus avoir de salaire jusqu’à la nouvelle rentrée. Mais dans tout cela, je pense que les médiations qui se proposent, me semblent suscitées. Cela veut dire que le gouvernement lui-même a le souci de nous éviter une année blanche. Moi j’en ai connu deux dans mon cursus et je ne souhaite à personne de vivre ça. Nous devons, tous autant que nous sommes, faire les efforts qu’il faut. La pomme de discorde aujourd’hui, c’est la question des défalcations. Sinon, nous étions déjà prêts pour aller vers l’analyse sur les propositions faites par le gouvernement sur la question des statuts particuliers. Les négociations devraient reprendre, le jeudi 8 mars 2018. Nous espérons que le gouvernement fera les concessions qu’il faut. Dans tous les cas, nous, nous sommes prêts à faire des concessions. Nous sommes partis de 70 milliards, le gouvernement nous propose 1 milliard. Nous pourrons faire les débats à partir de là et voir dans quelle mesure il peut faire le petit effort qui va nous permettre de nous sentir en tant qu’enseignants, moins humiliés que tout ce que nous avons connu, ces dernières semaines. Donc l’année blanche, vous et nous jouerons notre partition pour que cela n’arrive pas. Et dans cette quête de sauver l’année, nous devons avoir l’implication de tous. D’abord, les parents d’élèves que nous n’entendons presque plus dans notre pays, la société civile que nous entendons très peu quand il s’agit des questions sociales. Si c’était une querelle politique, on aurait entendu plein d’acteurs se prononcer. Aujourd’hui, nous avons besoin que tout le monde intervienne. Non pas de façon partisane, mais en nous obligeant nous, acteurs de l’impasse actuelle, à nous asseoir pour trouver la solution qui permet à l’école de sortir de cette impasse.

L’une des qualités que l’opinion vous reconnaît, c’est votre tempérance par rapport aux négociations, votre posture d’homme pondéré. Mais on a de difficulté à comprendre que sur la question des défalcations, vous semblez aussi rigide. Si on sait que celui qui n’a pas travaillé n’a pas droit au salaire, pourquoi les défalcations opérées par le gouvernement font jaser ?
Merci pour cette question. Vous savez, le gouvernement a réussi sa communication sur cette question-là. Le gouvernement semble avoir réussi à nous présenter comme de super paresseux qui ne travaillent pas mais qui réclament quelque chose auquel ils n’ont pas droit. En fait, la revendication que nous formulons par rapport à la question de défalcation est une revendication liée au respect des textes de la république. Il ne s’agit pas pour nous de présenter cela comme une sorte d’aumône ou de mendicité que nous adressons au gouvernement pour lui dire pardon, nous n’avons pas travaillé, mais on a besoin de vivre. Et sur cette question, nous avons besoin d’être accompagnés par tous ceux qui ont une parcelle d’autorité, de leadership dans le pays.
Prenez la loi sur la grève. Nous avons suffisamment parlé de l’article 25. Dans cet article, vous verrez que sur les questions liées aux libertés, le gouvernement n’est pas fondé à opérer des défalcations sur les salaires quand vous allez en grève. Deuxièmement, sur les questions des droits acquis, le gouvernement n’est pas fondé à défalquer. Or, dans la grève qui nous intéresse aujourd’hui, la Cour constitutionnelle a déclaré contraire à la constitution le texte proposé par les députés. C’est une manière implicite de reconnaître que notre grève avait pour motif la défense des libertés. Ensuite, ne serait-ce que par rapport aux statuts particuliers des enseignants, les décrets ont été pris en 2015. Et quand vous lisez le dernier alinéa de ce texte, il est dit clairement que les statuts particuliers entrent en vigueur à compter de janvier 2016. Nous sommes là en pleins droits acquis. Et donc, quand vous avez respecté les textes et qu’en face il n’y a aucun respect des textes, votre revendication doit aller dans ce sens. Ce que nous posons comme préalable aujourd’hui, c’est que le gouvernement reconnaisse qu’il a violé les textes et qu’il prenne les mesures pour corriger. Il ne s’agit pas de revendiquer quelque chose auquel nous n’avons pas droit. Si le gouvernement avait procédé aux défalcations en respectant les textes, vous n’aurez vu aucun syndicaliste se plaindre. Ce qu’on aurait fait, ce serait d’aller chercher simplement nos salaires amputés et de la boucler. Parce que c’est honteux aussi de faire une revendication qui vous fait apparaître comme quelqu’un qui est complètement irresponsable. La dignité, c’est dans notre camp encore aujourd’hui. Simplement parce que nous demandons de respecter les textes. Si le gouvernement respectait les textes dans son action de défalcation, nous allons continuer de discuter avec lui, conscients que c’est que nous avons semé ce que nous sommes en train de récolter. Et c’est parce que nous connaissons les textes que lorsque nous voulons élaborer notre plateforme revendicative, nous veillons à ce qu’il y ait les deux motifs qui empêchent le gouvernement de procéder à des défalcations. Le gouvernement le sait très bien. C’est qu’il y a une sorte de rouleau compresseur qui a été mis en place par le pouvoir public pour nous obliger à céder. Et dans le cas d’espèce, nous sommes en train de parler d’égo en fait. Car, j’ai le sentiment que c’est une question d’égo. C’est-à-dire que le gouvernement se dit, si je cède, je vais apparaître comme un faible. Parce qu’il y a eu tellement de déclarations qui font qu’aujourd’hui ils sont dans une posture de ne pas reconnaître qu’ils sont en faute. Mais quand on est gouvernant et qu’on a le souci du développement public, on doit avoir l’humilité qui nous fait reconnaître qu’on est en faute et corriger comme il faut.
A l’enseignement primaire, le minimum pour valider une année, c’est 800 heures. Et actuellement nous sommes en train de franchir la limite à ne pas franchir. Même si on sauve l’année, les séquelles resteront. Les programmes risquent de ne pas être achevés et certainement que nous allons faire comme d’habitude, c’est-à-dire faire le bachotage pour faire donc des examens qui tiennent compte du niveau de l’enseignement que nous avons eu. Et ce n’est pas bon pour la qualité de notre système éducatif. Il faut vraiment que nous puissions évoluer pour sortir de là.

Quel est l’avis de la CSA-Bénin sur la question du choix entre le syndicalisme et la charge administrative que prône le gouvernement ?
C’est le moment qui est mal choisi. Si non, c’est déjà une réalité au niveau de l’enseignement secondaire. Puisque dans l’enseignement secondaire, quand vous êtes directeur, censeur ou surveillant, automatiquement vous vous déchargez de votre fonction syndicale. Et c’est ce qui se fait déjà. Dans le primaire, nous n’avons pas voulu aller sur ce terrain, mais ça fonctionne plus ou moins bien. Aujourd’hui, le contexte fait que le gouvernement a trouvé là, une petite forme de pression sur les syndicats que nous sommes pour nous obliger donc à céder. Dans l’absolu, le gouvernement a raison. Il faut qu’on le reconnaisse. Il faut regarder un peu. Un censeur d’un établissement est le directeur des études. Lorsqu’il signe une motion de grève de son syndicat, il est censé respecter lui-même la motion qu’il a signée. Or, parmi ces administrés du collègue où il est censeur, il y a des gens qui vont respecter la motion de grève, et il y a d’autres qui vont choisir venir travailler. Comment peut-on venir travailler si le censeur n’est pas présent ? Or, si le censeur n’est pas présent c’est qu’il n’y a pas enseignement. Ça veut dire qu’il viole en quelque sorte la liberté de ceux qui ont envie de travailler. Toute la question est là. Et c’est valable pour un directeur d’école qui décide de signer une motion de grève et qui a parmi ses collaborateurs des gens qui veulent venir travailler.
Administrativement, le directeur d’école doit venir ouvrir pas sa classe, mais son bureau pour pouvoir gérer ceux qui vont venir travailler. Parce que, s’il y a un problème avec les élèves que l’enseignant qui n’est pas gréviste tient, c’est le directeur seul qui doit en répondre administrativement. Et donc de ce point de vue, il n’a pas le couvert du syndicat. Maintenant, est-ce que la solution c’est de demander aux gens de faire un choix ou c’est d’appliquer les textes le moment venu ? Si quelqu’un choisit de cumuler son poste de secrétaire général et son poste de directeur d’école, si quelque chose arrivait après, administrativement, il est responsable et sa hiérarchie peut l’interpeler. Je pense que le ministre de l’enseignement primaire n’a pas tort au regard des textes, au regard de la jurisprudence et même au regard des textes de l’OIT.
Mais, à voir le contexte, le moment, cela apparaît bien comme une menace. Dans le cas d’espèce, nous allons dire aux nôtres de résister. On peut sortir de la crise et ensuite l’application des textes peut venir. Je pense que si nous ne résistons pas, le gouvernement ne trouvera pas les voies et moyens pour que nous puissions sortir, les deux parties, honorablement, de la crise actuelle. C’est pourquoi, notre posture publique va être une posture de demander aux camarades de ne pas répondre pour l’instant. Mais quand on aura fini, le débat va pouvoir revenir et de façon responsable, nous allons pouvoir dire à nos militants que le ministre n’a pas tort en évoquant donc cette question-là.
Je voudrais revenir sur un aspect qui est la question de tempérament. J’ai l’habitude de dire que nous exerçons notre fonction syndicale avec nos prérequis et notre éducation. J’ai également l’habitude de dire qu’il n’y a pas deux personnes identiques sur cette terre. Chacun est différent. Malheureusement dans notre pays, vous savez, ce que vous avez dit comme fleur que certains peuvent me lancer par rapport à ma manière d’exercer ma fonction syndicale, ce n’est pas partagé. Aujourd’hui, beaucoup de personnes vous diront, c’est un mauvais syndicaliste,parce qu’il n’est pas assez bruyant, il n’est pas assez agressif. Parce que c’est ce qu’on nous a appris pendant des années. On nous a appris que le syndicaliste, c’est celui qui doit insulter le chef. C’est celui qui doit être à la limite impoli. Ça plait à la foule. Je vous assure, lorsque vous venez en assemblée générale et que vous relatez comment vous avez manqué de respect au ministre, comment vous lui avez crié dessus, comment vous l’avez insulté, on vous applaudit chaudement. Mais, souvent la question que les militants oublient de nous poser, c’est quand tu as fini de faire tout çà, qu’est-ce que tu as ramené ? Parce que, ca, nous l’avons expérimenté pendant des années. Quel est le résultat que nous avons eu ? Je ne cesserai jamais de le dire. Il n’y a pas de résultat. Malheureusement, les élections professionnelles sont en train de plomber et d’avilir l’action syndicale. Parce que nous avons tendance à regarder tous les travailleurs comme étant des électeurs potentiels qu’il faut ménager. La dernière fois, je disais, la plupart du temps, les positions publiques que nous prenons à la Bourse du Travail, sont folkloriques au moins à 50%. Parce que nous montrons aux travailleurs ce qu’ils veulent voir. Il nous arrive de cautionner des revendications complètement farfelues, parce qu’on ne veut pas prendre le risque de mécontenter un travailleur. Cela n’a aucun sens. Et c’est ça qui fait qu’aujourd’hui, vous pouvez sortir d’une négociation, annoncer par exemple à des enseignants qu’ils auront 10 mille francs comme prime d’habillement et qu’ils vous répondent :« ça ne vaut rien. C’est zéro ». Quel est le travailleur qui n’a pas droit à la prime d’habillement ? Tout le monde y a droit. Mais si moi, en tant qu’enseignant par ma détermination, par la mobilisation et par la lutte syndicale, j’observe que moi, on me la paye alors qu’on ne l’a pas payée à l’agent de santé, je dois apprendre à célébrer ma victoire. Nous ne savons pas célébrer nos victoires et donc quand nous sortons des négociations, c’est à qui communiquerait le plus pour être vu à la télévision, pour être entendu à la radio, parce que ça, nos militants nous voient et disent « Ouais ! C’est un bon secrétaire Général ». Et lorsque je communique, il faut que je dise que par rapport aux dix milles francs par exemple, on n’a rien eu. La négociation n’a rien donné. C’est nous-mêmes qui commençons d’abord par dire ça. Quand moi-même je commence à dire ça, qu’est-ce que j’attends du militant qui est à la base ? Il va minimiser l’effort qui a été fait, alors que nous oublions que la lutte syndicale, c’est des escaliers, c’est un pas après l’autre. Les 25% dont nous bénéficions aujourd’hui ont commencé par sept mille. Et à l’époque, des responsables syndicaux de haut niveau avaient traité ça d’argent de « kluiklui». Pourtant, ils ont été les premiers à aller les prendre. Les sept mille francs, par la lutte syndicale, sont devenus huit mille, puis dix mille, puis 25% et finalement 50%. En 2015, on a dit que Chadaré a pris cent millions, que Lokossou a pris cent millions, que Todjinou a pris cent millions et qu’ils ont vidé le statut particulier de son contenu. Les mêmes personnes n’ont aucune honte aujourd’hui à venir se mettre avec nous pour dire d’appliquer les statuts particuliers. Si on n’avait pas signé en 2015, on ne parlerait pas d’application. On parlerait encore de signature aujourd’hui. Donc, cette forme d’éducation que nous devons avoir vis-à-vis de nos militants manque parce que nous avons tous peur de perdre les élections professionnelles pour ne pas se retrouver au CES, pour ne pas se retrouver dans le conseil d’administration de la CNSS.
Moi, j’ai choisi de ne pas me mettre cette pression-là, autant que possible, tout en ménageant les miens, je dirai la vérité. Une revendication avec un militant qui ne me paraît pas pertinente, je prendrai sur moi le courage de lui dire : « ce que vous dites, cher ami, n’est pas pertinent, il vaut mieux faire autre chose. » Et donc, si nous ne commençons pas par faire ça, chaque jour que Dieu fait, nous apparaîtrons aux yeux de l’opinion publique comme des gens sans repère, des gens qui n’ont rien à proposer et qui ne sont que des contestataires. D’ailleurs, c’est ça qui fait qu’aujourd’hui, quand vous discutez avec le gouvernement et le Chef de l’Etat en l’occurrence, je vous assure, ce qui sort de leur bouche, montre leur état d’esprit par rapport à nous, syndicalistes. Moi, ma lecture est que, ils n’attendent rien de bon des syndicats. En fait, c’est ça. Peut-être que c’est leur formation de chef d’entreprise. Ils se disent « nous n’avons rien à leur vendre, nous n’avons pas de grandes propositions alternatives sur les grandes thématiques de l’heure ». Notre discours consiste à dire :« Je proteste contre les lois liberticides, il faut augmenter les salaires… » Et comme argument, nous n’évoquons que, comme la dernière fois, « un ministre a acheté une nouvelle voiture » ou bien « vous donnez de gros salaires à des ministres ». Alors qu’aujourd’hui, nous avons besoin de faire une autre forme de syndicalisme avec des chiffres, avec des données pour confondre l’interlocuteur. Au lieu de dire « Je demande 50% d’augmentation de salaire, parce qu’on a donné deux millions cinq cent mille aux préfets », je dirai : « Je demande 30% d’augmentation de salaire sur la base du budget, sur la base des recettes, j’ai mes chiffres moi-même, j’ai fait analyser par mes experts à moi au niveau du syndicat ». Et lorsque je parle ainsi, le gouvernement doit se dire : « Attention, il connaît la réalité ». On a besoin d’aller vers là et j’espère que les organisations professionnelles vont s’organiser rapidement pour que nous puissions redevenir nous-mêmes. Parce que pour l’instant, on n’est pas encore devenu nous-mêmes à cent pour cent.

Que pensez-vous des grèves depuis plus de dix et quinze ans dans le système éducatif béninois et de la multiplication des entités syndicales à la base ?
Le système éducatif béninois est victime des syndicats, victime des gouvernants et victime du silence des parents d’élève en général. C’est vrai que nous avons une flopée de syndicats. C’est même gênant puisqu’aujourd’hui à l’enseignement primaire, nous sommes plus de 150 syndicats de base, à l’enseignement secondaire, on tourne autour de 70 syndicats de base. Ce n’est pas gérable, honnêtement. Mais là également, c’est une conséquence des élections professionnelles. Parce que n’importe quel syndicat qui naît est encouragé par les confédérations pour venir. La CSA Bénin a plus de mille affiliés, la CGTB mille également et ainsi de suite. Alors que si nous faisons une analyse objective, nous remarquerons que le taux de syndicalisation baisse pendant que le nombre de syndicats augmente. Regardez les tentatives de mobilisation que nous avons à la Bourse du Travail. En réalité, ce n’est pas honorable pour nous. Que sept confédérations décident de faire une mobilisation à la Bourse du Travail ou bien de marcher et on ne voit que l’effectif que nous avons l’habitude de voir. Ça veut dire que nous avons déjà un problème pour convaincre les nôtres de la pertinence de notre action. Le taux de syndicalisation en Afrique tourne autour de 5 voire 6%, maximum 7%. Mais au Bénin, le taux officiel tourne autour de 4%. Même parmi les 4%, si on demandait à chaque travailleur quelle est ta confédération d’appartenance, vous verrez que c’est des syna… partout. Or, les élections professionnelles font qu’il y a cette course-là. Nous sollicitons, nous encourageons la création des syndicats. Quand l’autre est dans un secteur et que je ne suis pas là, je cours susciter la création d’un second syndicat pour mettre pieds dans sa maison. Deuxièmement, le traitement que le gouvernement fait de l’action syndicale, concourt également à ça. Le responsable syndical est vu aujourd’hui comme un privilégié, un apparatchik, je suis là où on discute, je peux éviter d’être affecté, j’ai des missions. Donc, on voit l’action syndicale non pas comme un service pour les autres, mais comme un service pour soi. Quand vous apparaissez une ou deux fois à la télévision, tous vos camarades pensent qu’il a décollé. C’est comme ça que l’on voit l’action syndicale. Donc, ça suscite des vocations, tout le monde veut venir et devenir syndicaliste. La dernière chose sur la question de la prolifération, c’est que nous refusons l’application des textes sur la représentativité syndicale. Normalement, si on devait tenir compte de l’application rigoureuse des textes sur la représentativité syndicale, vous n’entendrez au Bénin que trois confédérations. C’est trois confédérations qui devaient s’asseoir pour discuter avec le gouvernement et ça devrait se démultiplier vers la base. Au niveau de la base, ce sont nos fédérations qui devraient discuter avec les ministres au niveau sectoriel parce qu’il y a la CSTB première, la CSA-Bénin deuxième et la CGTB troisième. Mais, pour ne pas se mettre en difficulté, parce qu’on ne maîtrisait pas tellement les plus représentatifs, les gouvernements passés ont choisi de biaiser l’application des textes, et donc d’appeler tout le monde. Et, le moment venu, on compte. On dit 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, c’est sept confédérations. Il suffira donc d’en maîtriser quatre pour dire :« J’ai la majorité, donc on ne peut pas aller à l’action ». C’est une manière de diviser pour régner qui nous conduit à cette anarchie. Ce que nous demandons au niveau de la CSA-Bénin, c’est que dès que nous allons organiser les élections professionnelles prochainement, c’est annoncé pour cette année, si on le fait c’est que de façon rigoureuse, il faut qu’on applique les textes. Ça va nous discipliner. Ça va faire que si je ne suis pas représentatif, ce que je vais faire, c’est de donner mes revendications à ceux qui sont représentatifs pour parler en mon nom ou alors, de chercher à faire des unions claniques ou des fusions pour que nous puissions revenir à la norme.

Notre système éducatif, du fait de l’action des syndicats, est en grande difficulté

Vous savez, aux Etats Unis, sans que cela ne soit écrit dans les textes, dès que vous devenez président de la République, vos enfants doivent aller à l’école publique. Même si vous avez les moyens pour les envoyer dans le privé, ils viennent à l’école publique. C’est le minimum de respect que l’on peut avoir pour son peuple. Je dis ça parce que si les gouvernants avaient leurs enfants dans les écoles publiques, notre système éducatif aurait certainement un autre traitement. Il y aurait un autre traitement des problèmes de l’école. Ensuite, notre système éducatif est victime de la politisation à outrance. Je ne peux pas comprendre qu’on refuse de sanctionner même nous enseignants quand nous sommes en faute parce qu’on a quelqu’un qui connaît quelqu’un qui peut intervenir. Et il y a la syndicalisation sauvage, j’en ai parlé. Aujourd’hui, vous touchez à n’importe quel agent de l’Etat, il est d’un syndicat, vous ne pouvez pas y toucher. Ça nous fait du mal et ça contribue aujourd’hui à la dégradation du système éducatif. Du temps du président Yayi, j’ai suivi la question du harcèlement sexuel en milieu scolaire. Sur la table d’un conseiller technique d’un ministre, il y avait une pile de plaintes sur des enseignants qui avaient été auteurs de harcèlement, de grossesses, de viols, etc. Mais, ce que nous faisons, nous administratifs et syndicats, c’est que nous protégeons. C’est un exemple pour vous dire un peu le refus d’appliquer les textes. C’est nous qui intervenons auprès des parents pour dire :« il accepte de l’épouser donc, il va faire les trucs là et on ferme les yeux ». Alors qu’on oublie qu’on a déscolarisé une fille qui n’était pas préparé au mariage que l’on fout dans une relation de mariage sans regarder les conséquences. Les camarades sont là, l’administration fait en sorte qu’on préserve le cas pour ne pas lui couper le salaire, tout un tas de choses qui montrent que nous sommes tous coupables. Tous coupables. Quand j’étais encore au primaire, je m’amusais à regarder une collègue, une doyenne, elle est maintenant à la retraite. Quand elle vient à l’école, au plus tôt, c’est 08H30. Quand elle vient, une minute après, vous allez constater que les élèves commencent par balayer la classe à nouveau, parce que madame trouve que ce n’était pas très bien fait. Ensuite, vous constaterez un élève venir au seuil de la salle essuyer les chaussures de madame. Parce qu’elle vient avec le haut talon, et pour circuler dans la classe, elle a des tapettes. Donc lui il vient essuyer ça.Dix minutes après, vous allez voir deux enfants sortir avec une glacière et un torchon, sortir de l’école pour aller lui acheter à manger. Quand elle a fini de manger, vous avez un silence dans la classe et quand vous allez là, vous la verrez en train d’écrire les leçons du jour au tableau, et là, elle prend sa chicotte et gare à l’élève qui copie mal ou qui salit son cahier. Parce que, c’était quoi le principe ? Tous les enseignants ont compris comment se fait le contrôle pédagogique dans l’enseignement primaire. Vous allez voir des conseillers pédagogiques, des inspecteurs vanter les mérites d’un enseignant. C’est à, dire, je suis allé dans sa classe, il est super, c’est un modèle. Vous savez ce qu’ils ont regardé ? Ils ont regardé la décoration de la classe. Ensuite, ils regardent les cahiers de devoir, est-ce que c’est corrigé, est-ce que c’est bien tenu ? Ensuite, on regarde votre cahier de préparation, est-ce que les fiches sont là, est-ce que vous avez rempli les cahiers toutes les semaines. On n’a pas le temps de vous voir en situation de classe. Et, comme tout le monde a compris, vous allez voir des enseignants venir en classe, et qui mettent un soin particulier à corriger les devoirs aux heures de classe, aux heures de cours, qui mettent un soin particulier à préparer leur cahier, à aller emprunter des fiches d’autres collègues et à les classer. Vous verrez des enseignants qui décorent leu classe comme ce n’est pas possible, et ça suffit pour être des modèles. On n’a plus le temps de revoir ne serait-ce que l’accompagnement pédagogique. Malheureusement, on nous confine dans des revendications de survie au quotidien, parce que quand je n’ai pas le salaire qu’il faut, je dois courir.Ça devient une revendication, ça embarque tout le monde et on n’a pas le temps pour poser comme revendication les vrais problèmes de l’école et du système éducatif. Si nous pouvons travailler à sortir de là, ce serait très bien et ça passe donc par l’assainissement du paysage syndical.

Est-ce que les enseignants affiliés à la CSA-Bénin cotisent à la fin de chaque mois ?

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Les syndicats affiliés donnent 45.000f par an. Le militant ne le paye pas directement à la CSA-Bénin. Le militant paye à son syndicat de base. La plupart du temps, vous avez 1000f par an, 2000f maximum pour certains et les gens ne payent pas. Pour les syndicats de base, ça ne vient jamais à 100% mais à la CSA-Bénin, nous sommes l’une des rares confédérations où on fait obligation aux syndicats de base de payer, ce qui a fait que l’année dernière, nous avons pu récupérer autour de 7 millions sur les cotisations, ça fait moins de 20% de ce que nous attendions malheureusement. Vous savez, le militant ne se sent pas responsable, parce que justement, on ne le responsabilise pas assez. On ne veut pas l’effaroucher. On se dit :« si je leur réclame trop de cotisations, ils vont partir chez l’autre ». Donc, on se tait. Deuxièmement, pour la subvention de l’Etat que nous prenons, tout le monde crie « voilà, ils ont reçu 200 millions, on n’a plus besoin de payer ». La CSA-Bénin prend autour de 19 millions.

Si l’IGE vient, la CSA-Bénin va-t-elle se plier à un audit ?
Absolument. Même quand l’IGM était venue du temps du SG Lokossou, la CSA était prête. Puisqu’après avoir dénoncé la manière d’utiliser les services de l’IGM, nous étions prêts. Nos documents sont toujours là. Vous savez, c’est le minimum que vous puissiez faire quand vous ne voulez pas qu’on vous emmerde. Et, nous avons une démocratie au niveau de la CSA Bénin. Nous avons tenu notre Conseil confédéral, il y a quelques jours.Vous faites le point et si vous avez des difficultés, c’est d’abord là que ça commence, vos problèmes en tant que leader. Donc, si l’IGM ou IGE doit venir demain, la CSA-Bénin est prête et va l’accueillir sans problème, à condition que ce ne soit pas utilisé comme une sorte de représailles. L’Etat a le droit de venir regarder là où il met de l’argent. Parfois nous considérons que le syndicaliste peut tout. C’est-à-dire, peut tout contester, peut tout refuser, parce que nous n’avons pas toujours la vertu qu’il faut. Au niveau de la CSA-Bénin, même si on n’est pas des saints, nous essayons autant que possible, d’avoir les outils qu’il faut, d’avoir les documents qu’il faut. Si vous venez là, vous verrez les documents dans nos archives depuis dix ans qui sont conservés pour les besoins de la cause au moment venu.

La main sur le cœur, s’il vous était demandé de comparer la stratégie de dialogue du président Talon avec son prédécesseur Boni Yayi, que diriez-vous ?
Je dirai qu’aujourd’hui, quand nous mettons le dialogue social au niveau le plus élevé, c’est-à-dire, rencontrer les deux chefs d’Etat en termes de discussion, la qualité de l’écoute est très bonne aujourd’hui. Je m’explique. Parce que c’est difficile lorsque vous rencontrez quelqu’un et que vous ne pouvez pas placer un mot, vous êtes complètement frustré. Aujourd’hui, au moins la personne se tait et vous écoute quand vous parlez. C’est une qualité pour le dialogue social qui peut améliorer la pratique du dialogue social. Maintenant, au niveau ministériel, je dirai qu’on n’est pas sorti de l’auberge. Sinon, il n’y a pas tellement de différence, parce que ce sont des hommes qui sont là. Ce sont des hommes qui proviennent de notre opinion publique, de notre société. On a un vrai problème aujourd’hui. C’est que le regard que le Béninois qui a une parcelle d’autorité, une parcelle de pouvoir, pose sur le syndicat, est un mauvais regard. Donc, vous avez des ministres qui, une fois devenus ministres, pensent que le syndicat, c’est le mal qui va m’empêcher de travailler. Ce qui fait que ça transparaît, ça déteint sur les rapports que vous avez avec vos partenaires sociaux. C’est comme ça et ça n’a pas changé depuis Yayi jusqu’à maintenant.
Dernière chose, c’est que sous le président Yayi, malheureusement ou heureusement, il avait le social ce que nous appelons le social fait que lorsque vous tenez un peu, vous obtenez rapidement plus ou moins ce que vous souhaitez. Aujourd’hui, nous sommes en train de faire un autre apprentissage en quelque sorte de quelqu’un qui pense que quand il a parlé, il a parlé et puis c’est fini. La crise de confiance, elle ne date pas de maintenant, elle était là sous Yayi, et elle continue de demeurer. Je le dis parce que si vous regardez, on semble ramer à contre-courant. Quand nous sommes sorti de chez Talon, la dernière fois, dans un dialogue social qui fonctionne, dans un dialogue social où les partenaires ont confiance les uns en les autres, nous aurions pu faire une suspension. Je dis bien, nous aurions pu faire une suspension. Pourquoi ? Parce que nous sommes partis rencontrer le dernier étage. Il n’y a plus personne après ça. Et, quoi que l’on dise, il a pris des débuts d’engagement. Sur la convention collective, il dit : « Si vous vous entendez sur un consensus avec le ministre des finances, je l’applique ». Sur le cas Trékpo, il dit : « Bon, ce n’est pas fermé ». Lorsque vous communiquez à la sortie d’une audience comme ça, vous communiquez correctement pour montrer que même ce qui est pris comme un début d’engagement, vous le présentez comme un engagement, c’est une manière de mettre de la pression supplémentaire sur celui qui a pris l’engagement.
Vous informez l’opinion « Ah il a dit telle chose. Même s’il n’avait pas l’intention de le faire, je crois que ça le touche et ça peut l’ébranler ». Et quand vous sortez de là et, humainement quoique l’on dise, c’est un Chef de l’Etat qui a aussi son égo. « Ils sont venus me rencontrer moi le dernier recours, je leur dis, je vais faire telles choses et ils disent qu’ils vont attendre que je les fasse ». Ça peut le dédouaner de son engagement et il peut se dire : « Bon, je ne suis pas pressé ». Et vous entrez à nouveau dans le cercle infernal. Vous vous dites : « il ne l’a pas fait, c’est un menteur ». Il dit : « je ne l’ai pas fait parce qu’ils ne m’ont pas fait confiance ». A quel moment, on va rompre la chaine ? Mais si vous étiez sortis en demandant une suspension, vous n’auriez pas été compris parce qu’on dira que sur la base d’un simple engagement du Chef de l’Etat, ils ont repris et tout de suite, on dira aussi ce qu’on dit des autres : le vocabulaire habituel : « des vendus, ils ont pris de l’argent, des corrompus, ils sont dans la sauce, etc. » Et ça également conditionne les sorties et les déclarations d’un certain nombre de personnes parmi nous. Vous entendez certains secrétaires généraux qui vous disent :« ils vont nous dire que nous avons pris de l’argent ». Comment le leader peut-il avoir peur comme ça ? Pourquoi ne peut-il pas simplement regarder sa conscience ? S’il ne se reproche rien, autant avancer et créer le déclic pour corriger les mœurs. Mais de ce point de vue, nous devons cesser d’être des esclaves de notre base. C’est vrai que nous devons suivre la base, mais le leader n’est pas au niveau de la base. Le leader doit éclairer la base à des moments donnés. Le leader doit pouvoir synthétiser les informations que forcément la base n’a pas et la convaincre que nous devons aller dans telle direction. Je suis persuadé que peut-être, si on avait créé ce précédent en suspendant la motion de grève et que le Chef de l’Etat n’avait pas respecté ses engagements, aujourd’hui, toute l’opinion publique serait d’accord avec nous si nous déclenchons à nouveau un mouvement de grève. Aujourd’hui, c’est vrai, la mobilisation paraît forte, ça aussi, on me le reprochera certainement si ça sort, de reprocher des choses qui jouent contre nous-mêmes. Mais la réalité est que si vous-mêmes observateurs, vous regardez, vous verrez que les confédérations sont censées lancer un mouvement pour paralyser le pays, n’est-ce-pas ? Mais à la date d’aujourd’hui, nous avons paralysé seulement le système éducatif. Je suis une faîtière. Je suis gêné lorsque je signe une motion et que l’ORTB qui est mon affilié n’est pas en grève et que l’ASECNA qui est mon affilié n’est pas en grève et que les seuls qui me soutiennent, ce sont les enseignants. Ça nous interpelle et normalement, si nous sortons de cette crise, chaque Confédération devrait comprendre que nous avons à travailler pour restaurer la confiance entre la base et nous. Si nous déclenchons quelque chose, ça ne dure pas. Ça ne doit pas durer lorsque vous paralysez vraiment. Quel est le gouvernement qui peut résister à deux jours de fermeture de l’aéroport de Cotonou ? Quel est le gouvernement qui peut résister à une politique de perturbation de la politique de l’eau potable ? Si la SONEB décide d’être nuisible, vous comprenez ce que je dis. Nous devons travailler à restaurer notre capacité de mobilisation. Ça passe par la gestion que nous faisons de nos syndicats. Ça passe par le leadership que nous incarnons aux yeux de nos travailleurs, de nos mandants parce que s’ils n’ont pas confiance en moi, s’ils pensent que si Anselme Amoussou déclenche un mouvement, c’est seulement pour se remplir les poches, ils ne me suivront pas. Voilà un peu notre difficulté.
Un employeur, lorsqu’il voit ça, peut faire le têtu et faire durer une grève parce qu’il estime que nous allons finir par nous fatiguer et par être lâché par les enseignants. Heureusement pour nous aujourd’hui, les enseignants sont toujours aujourd’hui, entrain de tenir. Et c’est seulement ça qui fait qu’on nous invite pour demain. On espère qu’on va s’en sortir. En tout cas, au niveau de ma Confédération, nous travaillons à être beaucoup plus proches de nos militants. On aurait gagné beaucoup en termes de mobilisation et en termes de capacité de nuisance pour que le gouvernement puisse nous respecter un peu plus que ce qui se passe actuellement.

Sur le terrain, qu’est-ce que vous avez senti dans la détermination de vos militants ?
Ils sont très déterminés. On était à Parakou, à Dassa-Zoumé, à Abomey, c’était le ras-le-bol, parce que le gouvernement a commis beaucoup d’erreurs. Dans sa volonté de nous nuire, il n’a pas fait attention à tout et donc en violant les textes, il confisque les salaires de tout le monde. Même ceux qui n’étaient pas en grève n’ont pas le salaire aujourd’hui. Et ça fait que même des gens qui voulaient ouvrir leurs classes n’ont pas eu les moyens pour prendre le carburant pour aller en classe. Ceux qui ont conseillé ça au gouvernement, n’ont pas été de bons conseillers. La détermination est vraiment intacte. Ce que nous avons fait, c’est de les encourager à maintenir cette mobilisation mais en même temps, c’est de les préparer pour que nous ne soyons pas dans la démesure parce qu’on parle souvent de main invisible, j’ai entendu ça du gouvernement. On parle souvent de main invisible et on oublie que la main invisible exploite une situation réelle de mécontentement. Donc si on ne veut pas de main invisible, il faut travailler à éviter des sujets qui fâchent et la main invisible n’aura pas de prise pour venir manipuler les gens. J’ai vu, ces derniers temps, des mouvements plus ou moins spontanés des élèves descendus dans la rue. Je veux croire que c’est spontané. Si c’est spontané, le gouvernement a intérêt et également nous, à comprendre que les enfants sont en traind’exprimer quelque chose dont nous devons tenir compte pour sortir rapidement de la situation actuelle. Si ce n’est pas spontané, je dis que c’est grave ce que nous sommes en train d’apprendre aux enfants. C’est vrai que c’est une querelle qui ne concerne que nous, ils ont intérêt à ce que les adultes s’entendent pour ne pas sacrifier leur avenir mais il ne faut pas que des gens profitent de la situation pour aller vers des situations qui peuvent nous compromettre demain. C’est pour cela qu’au niveau de la CSA-Bénin, nous avons toujours dit que nous devons tout faire pour que l’action syndicale ne ressemble pas à l’action politique parce que si c’est le cas, si le gouvernement a des informations ou des preuves que nous sommes en connexion avec des politiques, il n’aura jamais l’écoute qu’il faut face à nos revendications. Il va penser que notre véritable objectif, n’est pas de régler le problème que nous posons, que c’est ailleurs et donc qu’il n’a pas intérêt à régler le problème que nous posons.

Que retenir de la situation de défalcation de salaire et quel point peut-on faire aujourd’hui des subventions aux syndicats depuis l’avènement au pouvoir de Talon ?
Pour les subventions, on a des arriérés de 2010, je crois, que le président Boni Yayi avait refusé de payer. Le Chef de l’Etat actuel a fait payer la moitié de cet arriéré. Il reste cent millions de francs Cfa que le gouvernement nous doit au titre de l’année 2010. On n’a pas encore reçu la subvention de cette année mais je pense que lorsque le budget va être mis en exécution, ils vont pouvoir régler ça. Pour la première question, nous prenons les salaires le 20 de chaque mois, tout le monde le sait. Ils ont payé les salaires défalqués aux autres travailleurs mais pour les enseignants, ils l’ont gardé jusqu’à aujourd’hui. Je crois qu’ils ont commencé hier. La confiscation du salaire, ça fait dix jours, du 20 à maintenant. Les défalcations vont jusqu’à 50% pour certains. C’est vrai, tout le monde n’a pas été défalqué. Ceux pour qui on a rendu compte, ont été défalqués et ça vient davantage compliquer les discussions que nous aurons demain avec le gouvernement. C’est vrai que ça peut paraître prétentieux de notre part, nous enseignants de dire que notre situation est particulière et que si on fait défalcation à des agents de santé, qu’on puisse ne pas la remettre parce qu’ils ne peuvent pas rattraper le travail qui n’a pas été fait, dans notre cas plus ou moins, si nous nous entendons demain et qu’on sort de l’impasse actuelle, on va réaménager le calendrier, on va prendre sur nos temps de vacances et nos temps de congés pour pouvoir rattraper. Cela veut dire, ce pourquoi on nous a punis en défalquant, a été remis en place. Il y a des raisons valables de pouvoir dire pour les enseignants, on peut ne pas défalquer. C’est le plaidoyer que nous allons faire vis-à-vis du gouvernement pour que les défalcations qui n’ont pas respecté les textes puissent être corrigées.

Monsieur le SG de la CSA-Bénin, quand on prend le fonctionnement des organisations syndicales, de plus en plus, on constate que le personnel se plaint des conditions de travail.
Ça veut dire que vous connaissez la maison. C’est vrai qu’il y a des collaborateurs qui sont payés par la confédération. Je veux parler d’abord de la CSA-Bénin. Nous avons trois employés. Ils sont déclarés normalement depuis le début à la CNSS. Nous veillons à ce que ça soit toujours payé, les cotisations patronales sont reversées, les salaires sont en augmentation tous les deux ans au niveau de la CSA-Bénin. Vous pouvez vous renseigner. La seule chose que nous n’avons pas encore faite, c’est de leur souscrire une assurance maladie pour eux et leur famille. Nous sommes en train de réfléchir pour voir les voies et moyens pour aboutir à cela. Mais c’est vrai, il y a des confédérations aujourd’hui qui n’ont pas encore déclaré leurs employés. C’est vrai que dans la maison, il y a des gens qui sont à des salaires qu’il n’est pas bon de révéler ici. Il y a des employés qui n’ont pas toujours le traitement que nous-mêmes en tant que travailleurs, nous réclamons du gouvernement. Et ce n’est pas reluisant pour nous. La difficulté est que chaque Confédération est autonome et gère ses employés comme elle l’entend. Nous avons l’habitude de dire que le jour où des gens viendront faire des reportages et des agents de la maison vont parler, ça va être une mauvaise publicité pour nous. Vous savez qu’il y a une collaboration plus ou moins aujourd’hui entre nous secrétaires de confédérations. Il y a des choses que nous pouvons dire parce que nous avons des problèmes de querelle de personne, et de ce point de vue, nous pouvons avoir les consensus qu’il faut pour que ceux qui doivent corriger un certain nombre de choses dans le traitement qu’ils font de leurs employés, puissent rapidement les corriger. Tout n’est pas reluisant, c’est vrai mais c’est le lot quotidien de tout le monde dans le pays. Nous essayons autant que possible d’être des modèles parce que c’est gênant de revendiquer des choses que vous n’appliquez pas vous-mêmes à vos collaborateurs.

Vous avez pris les rênes de la CSA-Bénin, il y a un an. Si vous deviez présenter un bilan, quelle est la touche que Anselme Amoussou a pu apporter à cette Confédération syndicale ?
Ce qui a changé, c’est peut-être la forme de communication de la Confédération. Je pense que nous essayons d’être le plus objectif possible dans la communication et dans les prises de position. Ce qui a changé, c’est notre présence dans la presse qui n’est plus une présence de circonstance. Mais nous opinons sur des questions précises avec des déclarations qui engagent toute la Confédération. Ce qui a changé, c’est le respect rigoureux des instances, des échéances. Depuis plus d’un an que nous y sommes, nous n’avons jamais raté une réunion du bureau. C’est une réunion par mois, il nous arrive d’en faire plus d’une. Et c’est ça qui protège une organisation, le respect des textes. Et finalement quand vous intervenez, vous apparaissez comme quelqu’un d’intelligent alors que vous avez profité seulement de l’avis des autres que vous avez pris. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui la CSA-Bénin a un site internet qui va faire bientôt dix mois et qui nous permet d’être beaucoup plus visible aussi bien à l’interne qu’à l’international. Ce qui a changé, c’est notre présence au niveau de la CSI où nous sommes de plus en plus impliqués dans différents programmes. Ce qui a changé, c’est le partenariat avec ceux qui peuvent nous aider éventuellement parce que la forme de collaboration a peut-être évolué. Ce qui a changé aussi, c’est que aujourd’hui nous avons créé au niveau de la CSA-Bénin, notre institut de recherches parce que nous avons compris que l’argumentaire syndical doit aller au-delà du cri. Nous avons donc créé l’institut de recherches pour pouvoir faire des études sur les questions qui concernent le monde du travail pour nous permettre d’avoir des éléments de discussion qui soient des éléments autres que le langage et la rhétorique habituelle. Quand on était avec le Chef de l’Etat, il avait proposé à un moment donné de dépouiller le budget ensemble. Lorsque vous n’avez pas fait l’analyse budgétaire, vous ne pouvez pas être un interlocuteur valable. Il peut rapidement vous flouer. L’institut nous permet de faire ces genres de recherches et de former des gens pour que le moment venu, nous puissions avoir de la matière pour exercer la fonction syndicale. C’est une bibliothèque que nous avons rénovée. Aujourd’hui, quand vous venez au niveau de la Bourse du Travail, il vous suffit de taper sur un clavier de la CSA-Bénin pour retrouver le document que vous recherchez. On n’en avait pas à une certaine époque. Et puis, nous étions dans six départements sur douze, à la date d’aujourd’hui, la CSA-Bénin est présente dans dix départements sur douze et demain, nous allons installer le onzième département qui est le Plateau et avant la fin du mois de Mars, nous serons présents dans le douzième département. Ce qui a changé enfin, c’est la proximité avec les travailleurs. Notre leitmotiv, c’est de se dire à la limite, nous n’avons pas de nouveaux affiliés, de nouveaux militants CSA-Bénin. Nous voulons mieux nous occuper de ceux qui se disent aujourd’hui nos militants et ce de point de vue, dans la perspective des élections professionnelles, si ceux qui se disent aujourd’hui militants votent pour la CSA-Bénin à 60%, ça suffit pour que nous soyons la première Confédération. Ce qui marche le plus et qui m’a permis de voir encore davantage est que le travailleur béninois ne veut même pas que vous régliez ses problèmes. A la limite, quand je caricature un peu, c’est de pouvoir se dire :« je suis venu, on m’a écouté, on a cherché la solution avec moi, nous avons échoué ensemble ». Et c’est ce que nous faisons. On avait prévu 1000 francs pour la formation dans le budget passé, nous sommes passés à 500 fois ce qui se faisait. Nous étions présents et on a formé les militants dans tous les départements. Ça fait qu’aujourd’hui, la CSA-Bénin peut se sentir fière de pouvoir compter sur les travailleurs lorsqu’elle va décider donc de faire des regroupements. Nous avons l’intention de continuer sur la même lancée, cette année.

Quelles sont vos relations avec votre prédécesseur Dieudonné Lokossou ?
Je suis obligé de garder de bonnes relations avec le SG Dieudonné Lokossou. Je suis obligé par mon éducation de garder de bonnes relations avec lui parce que vous avez beau être super intelligents, pour accéder à la tête d’une Confédération, si vous n’avez pas les soutiens et l’accompagnement qu’il faut, vous allez échouer. Je ne peux donc jamais oublier que cet aîné a porté mon ambition avec moi pour que je sois à la tête de cette Confédération.
Je sais également que j’ai beaucoup appris à ses côtés pendant que j’étais son adjoint et que cette expérience est en train de m’aider aujourd’hui à bien gérer la Confédération et voir autrement un certain nombre de choses. Je l’ai entendu dire tout comme le SG Todjinou dans certains cercles. Vous savez, on peut avoir de très bonnes relations avec quelqu’un et ne pas devenir esclave de la personne. Et là également, ma nature ne me permet pas de faire des compromissions qui peuvent m’avilir. Quoi qu’on dise, c’est Anselme Amoussou qui est là et c’est mon bilan qu’on fera et non encore le bilan du SG Lokossou. Il a parlé également du retrait du droit de grève. J’ai souri car, je me rappelle qu’on a retiré le droit de grève aux douaniers et aux forestiers et que ce n’était pas Anselme Amoussou qui était là. J’ai souri parceque je me rappelle qu’on faisait des regroupements à la Bourse du Travail pour menacer sur un certain nombre de choses. Nous avions menacé le gouvernement de faire partir le commissaire central de Cotonou, le préfet d’entre temps. L’avions nous obtenu ? Donc moi, je n’aurais pas fait cette forme de communication. Mais cela ne me dérange pas. Là également c’est une question de tempérament. Il y a des gens qui sont partis de la Bourse et qui ne sont plus jamais revenus pour critiquer les gouvernants. Je prends le cas du SG Kakaï-Glèlè qui vient quand on le sollicite. En ce qui concerne le SG Lokossou, c’est donc son tempérament de se prononcer sur toutes les questions concernant la gouvernance actuelle. Quand vous avez été dans le feu de l’action pendant une période donnée, c’est progressivement que vous allez prendre de nouvelles habitudes. Donc, mon cher ami, j’ai de très bonnes relations avec le SG Lokossou mais je ne vais pas vers lui au quotidien pour qu’il me dise ce que je dois faire. Je peux recevoir des conseils de lui quand il m’appelle pour me dire que je vais dans le décor. Je suis donc ouvert aux conseils mais pas des instructions. Ces dernières, je peux les recevoir de mes mandants. Donc chacun vient exercer son mandat et attend que les militants apprécient. Beaucoup de choses ont été écrites dans la presse qui ont failli envenimer les relations avec le SG Lokossou de sa part, parce qu’il avait sa lecture d’un certain nombre de choses. La Bourse du Travail est un environnement tellement concurrentiel et pour certains, tous les coups sont permis. Donc connaissant l’attitude des uns et des autres, certains peuvent chercher à envenimer la situation. C’est à moi de savoir faire les efforts qu’il faut pour que le crash ne survienne. Ce matin, le SG Lokossou était dans mon bureau pour me faire un petit bonjour et s’il devrait y avoir des malentendus, on va toujours se comprendre. Cela étant dit, c’est Anselme Amoussou qui est là, et c’est Anselme Amoussou qui fera le bilan le moment venu avec les militants.

Est-ce que l’effectif des syndicats affiliés permet à la CSA-Bénin de déclencher une grève et de bloquer à elle seule l’administration publique ?
La CSA-Bénin est beaucoup plus présente dans le privé dans le parapublic que dans le public. Donc paralyser l’administration publique est possible mais l’idéal c’est d’avoir une unité d’action. Mais nous pouvons faire mal. Je vous ai donné l’exemple de la SONEB, de l’ASECNA, la SBEE, l’ORTB, la CNSS, bref un certain nombre de structures stratégiques qui sont toutes affiliées à la CSA-Bénin. Le jour où nous allons mettre en place le fonctionnement, la stratégie qu’il faut pour que nous puissions nous sentir vraiment concernés par une action déclenchée par la Confédération, la CSA-Bénin n’aura besoin de personne pour se faire entendre. Et l’exemple que je donne toujours, c’est l’ASECNA. Je dis, même si ces travailleurs pourront faire deux heures de grève, ça suffirait pour qu’un gouvernementvous appelle pour discuter. C’est une forme de pression que la CSA-Bénin peut utiliser pour se faire entendre. Au Bénin, le syndicat n’est écouté que quand il peut être nuisible. Donc c’est à nous de travailler pour améliorer notre capacité de nuisance. Je suis suffisamment gêné quand je vois que sur 11 fédérations que j’ai à la confédération, il n’y a qu’une seule fédération qui suive le mouvement déclenché. Ça pose un problème. Cela veut dire que j’ai encore du boulot. Si nous ne travaillons pas chacun à l’interne pour accroître notre marge de manœuvre, on risque de ne plus être écouté. L’intersyndicale que nous sommes en train de mettre en place aujourd’hui à la Bourse du Travail a des hauts et des bas, où il y a beaucoup de coups bas aussi. La dernière fois qu’on a fait la marche du 20 Octobre 2017, j’ai été fier de voir la CSA Bénin mobiliser plus de militants que les autres. C’est de très bons signes. Cela a suffi pour que les gens commencent par monter des coups pour nous nuire. Comme quoi, Anselme Amoussou est l’homme de Talon, il a reçu de l’argent pour s’acheter une voiture de 18 millions de FCFA. Vous entendrez ça parceque c’est la marque de fabrique d’un certain nombre de camarades qui pensent que c’est de cette manière que l’on peut garder la tête des Confédérations ou que l’on peut améliorer son score pour les élections professionnelles. C’est pour cela que notre réponse à nous, c’est de discuter avec les gens. Quand vous faites ça, les médisances tombent.

Donc les Confédérations sont aussi en pré campagne pour les élections professionnelles
Absolument. Chaque fois que quelqu’un prend la parole, il a dans son petit coin de la tête, les élections professionnelles. Et donc ça n’arrange pas non plus la sortie de crise. C’est difficile de parler en tête-à-tête avec un leader qui quelques minutes après, quand il va au micro, c’est autre chose que vous entendez. Et là, il s’adresse aux électeurs potentiels. Je prends un exemple. Nous sommes entrain de parler de statut particulier et tout le monde entend parler de 8 arrêtés. Subitement, on nous dit qu’il faut balayer les 8 arrêtés pour prendre maintenant la question de l’indexation. C’est vrai que c’est une revendication contenue dans le décret mais les projets qui ont été travaillés n’ont pas touché la question de l’indexation. Parce que les enseignants même ont estimé que c’est un gros morceau qu’il faut réserver pour plus tard. Mais parceque quelques enseignants commencent par réclamer l’indexation, des leaders syndicaux ont souhaité qu’on oublie les 8 arrêtés pour brandir la question de l’indexation. Comme cela, on n’est pas responsable et conséquent envers nous-mêmes. Si vous revenez à la table de négociations avec le gouvernement pour dire que désormais de laisser tomber le point relatif aux arrêtés, pour apporter un nouvel élément, c’est grave. Mais on le fait parcequ’on veut plaire aux gens. Les travailleurs même ont compris cela. Vous avez des formes de pression par les canaux et aux moyens de communication. Vous recevez des messages où on vous dit « C’est tout ou rien. Si vous revenez sans l’indexation, on va vous lyncher et on vous attend lors des élections professionnelles. C’est les 8 arrêtés ou rien ». Le syndicat ne fait pas ça. C’est un peu maintenant, un peu demain et un peu après demain pour avoir le tout dans trois jours. C’est le niveau où vous mettrez la tension que vous aurez à trouver les moyens pour apaiser. Donc chaque fois que moi j’interviens dans mes assemblées générales, je demande aux travailleurs de résister et de comprendre en même temps que nous ne pouvons jamais tout avoir. C’est triste face à un gouvernement qui cherche aussi à

nous humilier, alors que c’est de la dignité de l’enseignant qu’il s’agit. Par mon expérience alors que j’étais porte-parole du Front, j’arrivais à me mettre au-dessus de la mêlée. Qu’on dise que Anselme Amoussou a porté de nouvelles chaussures et donc c’est Talon ou Yayi qui lui a donné l’argent, je m’en fiche complètement. Donc, je me dis que nous devons avoir cette attitude-là si nous voulons vraiment nous donner la chance de changer la manière de regarder le syndicat, de changer la manière de faire le syndicalisme. Sinon, le risque que nous prenons est grand et n’arrange pas les travailleurs. Vous avez vu le reflexe des députés en voulant nous retirer le droit de grève ? C’est un réel problème qu’ils ont mal traité. C’est le réflexe qu’un gouvernement peut avoir face à quelque chose qui lui apparait comme un désordre. Or, c’est lui qui décide. Aujourd’hui, le risque est encore là pour le syndicat quand on parle d’encadrer.

Vos propositions d’encadrement de grève
Vous savez, la loi qui est là, a suffisamment encadré. C’est pourquoi, nous, on a pris l’initiative de solliciter des échanges avec des députés de la mouvance comme de l’opposition pour leur dire qu’il faut qu’ils aillent relire la loi sur la grève. Tout est prévu et lorsque par exemple, je refuse une réquisition, les sanctions sont là pour être appliquées. C’est eux qui refusent d’appliquer les textes. Lorsque je fais une grève sans service minimum et je viens à la télévision parler de grève sans service minimum dans le secteur de la santé, c’est un manque de formation, de discernement parceque c’est une communication qui n’arrange pas et qui ne valorise pas l’action syndicale. Or, les textes ont prévu des sanctions. Parlant de l’article sur la réquisition par exemple, l’article 12 fixe les conditions de réquisition des services essentiels. L’article 17 permet au gouvernement de réquisitionner même dans les services qui ne sont pas essentiels. On a repris le même texte que l’article 12, mais cette fois-ci au lieu de parler de services essentiels, on a parlé de services stratégiques. C’est eux qui définissent ce qui est stratégique. Donc si nous devons relire et encadrer à nouveau, c’est de prendre ce qui est là et de regarder pas dans l’intention de nuire, mais de nous discipliner parce que nous également, on a besoin d’être disciplinés dans l’usage que nous faisons de la grève. Quand je vois des gens organiser des piquets de grève, et fermer le portail d’un établissement scolaire, ils sont en marge de la loi et peuvent être punis par la loi. Mais ils ne le savent pas. Quand je fais un piquet de grève et que j’empêche un collègue qui veut travailler de faire son travail, je suis sous le coup de la loi. Donc, on a besoin d’échanger avec les députés pour faire l’encadrement qui nous permette de sauver l’essentiel et non pas enfoncer davantage le pays dans une crise sans lendemain.

Trop de grèves au Bénin ?

Sans langue de bois, il y a trop de grèves au Bénin. Il y a trop de grèves et cela n’est pas imputable aux travailleurs. Vous avez la forme de syndicalisme que mérite chaque gouvernement que vous avez en face. Quand vous réalisez que c’est la grève qui est le déclencheur du dialogue, après que vous aillez tout fait, vous ne pouvez qu’aller vers ce moyen. Mais de l’extérieur, on peut penser qu’il y a trop de grève et on pouvait faire les efforts qu’il faut dans les deux camps pour qu’il y en ait moins. Aujourd’hui, on est en grève et c’est quand ça dure et touche la santé et l’éducation, que les parents commencent à parler. Sinon, on est en grève dans d’autres secteurs, cela ne dit rien à personne. Cela nous interpelle également en tant qu’acteurs sociaux. Le gouvernement a besoin de regarder autrement le syndicat et le syndicat a besoin de donner une autre image de lui. C’est important. Je donne toujours l’exemple de l’ancienne ministre de l’enseignement maternel et primaire, Christine Ouinsavi. Elle était enceinte et a fait des mois à éviter d’écouter les syndicats. Non pas parce qu’elle ne voulait pas discuter mais parce qu’elle avait peur de la manière dont les discussions se déroulaient. C’est des cris, des injures et autres. Ce qu’elle ne supportait pas. Là, quelle peut être moi mon efficacité en tant que syndicat si je n’arrive même pas à m’asseoir avec la personne ? Si je fais fuir mon employeur, je ne peux jamais être efficace pour les miens. Quelle est cette forme de syndicalisme qui reproche à son responsable syndical d’être en bon terme avec l’employeur ? Lorsqu’on me voit sourire avec un ministre, mon employeur, c’est que je suis déjà vendu. Pour ma part, quand j’étais porte-parole du Front, le ministre Soumanou Moudjaïdou, alors qu’il était conseiller du Chef de l’Etat, et qu’on avait engagé une grève qui nous conduisait à reprendre les classes sans rien obtenir, c’est lui qui s’est proposé comme médiateur. En son temps, il a voulu qu’on vienne au Palais, j’ai refusé pour éviter qu’on dise que je suis vendu. On lui a proposé la Bourse du Travail, lui-même a refusé. Finalement, c’est dans les locaux de la Sonacop qu’on s’est retrouvé. Or, on avait déjà fait intervenir feu le Président Zinsou, le Cardinal Gantin, l’imam de Cadjèhoun et autres qui ont échangé avec nous sans suite favorable. Mais c’est Moudjaïdou qui n’était pas ministre qui a tenu trois heures de discussion avec nous. Pour le second rendez-vous, j’étais en ville quand on m’a appelé pour me dire que le Chef de l’Etat veut nous recevoir à telle heure. On s’est par la suite retrouvé là-bas et c’est la nuit-là que nous avons pu obtenir le reversement, les 25%, le logement et autres. C’est ceux à qui on ne pense pas qui peuvent aussi aider à sortir d’une crise. Donc si vous restez fermés en considérant que quand vous êtes proche d’un employeur, vous êtes vendus, c’est faux. En ce qui me concerne, je ne resterai jamais loin de quelqu’un. Si on m’appelle pour discuter, j’y vais. C’est ce qui est issu de négatif après la discussion que je peux refuser. C’est pour cela que certains parmi nous avaient refusé d’aller rencontrer Parfaite de Banamè. Je suis allé. Encore que si ce qu’on raconte est vrai, potentiellement, c’est la meilleure médiation aujourd’hui. Si c’est vrai que la première dame est « Daagbovi », regardez tout ce qu’on peut régler sous l’oreiller.

En termes de lutte contre la corruption, Transparency International révèle que le Bénin a fait un grand pas. Quelle est votre lecture de cette prouesse ?
Je ne peux pas dire que la corruption a reculé. Ce que je constate est qu’il y a eu des représailles, des sanctions sur des faits de corruption. Et vous savez bien que ces genres de mesure disciplinent. Aujourd’hui, on sait que des ministres ont été inquiétés. On sait que des gens sont gardés à vue, ou en détention préventive pour avoir posé des actes qui les ont rattrapés. Je pense que c’est positif pour nous. Et il faut qu’on commence un jour. Je ne suis pas de ceux qui pensent que parce qu’on n’a pas attrapé par exemple le directeur de publication de votre journal qui a aussi volé en même temps que moi, on n’a rien fait. Je ne suis pas de ceux qui raisonnent ainsi. Parce que je me dis que si Talon fait de la lutte sélective contre la corruption, demain quelqu’un fera aussi de la lutte sélective contre la corruption. Mais au moins déjà, ceux qui ne sont pas avec Talon, et qui ont été des voleurs savent qu’ils ont des raisons d’avoir des inquiétudes. Demain, ceux qui ne seront pas avec le Président de demain et qui auront des dossiers de vol aujourd’hui, auront aussi des raisons d’être inquiets. Et déjà, cela discipline. Moi j’ai un cousin qui est commissaire de police, à qui on a fait restituer des fonds. Il ne les a pas détournés, mais les a utilisés pour acheter du carburant dans son véhicule personnel. Mais il a tout restitué. Et désormais, pour toucher à l’argent de ce commissariat, il fait très attention. Si on peut développer ce genre de réflexe, c’est tant mieux pour nous. Et je pense qu’au –delà de ce cas, il y a de gros dossiers de corruption. Et il est à souhaiter que la lutte aille loin. Que le Chef de l’Etat ne s’arrête pas en si bon chemin, mais qu’il sache aussi que demain, cela peut le rattraper. C’est la jurisprudence qu’il faut créer et il est en train de le faire. Moi je l’encourage à aller plus loin. La petite corruption va certainement continuer. Mais c’est petit à petit que nous allons atteindre les objectifs en matière de lutte contre la corruption. Nous avons besoin d’avoir des modèles et le chef de l’Etat et son gouvernement doivent être des modèles dans le cas d’espèce, en sachant bien que tous les actes que vous posez peuvent être interprétés comme des actes ciblés contre des opposants. Mais si un opposant a des choses à se reprocher, ce n’est pas à moi de le défendre aujourd’hui. Vous avez beau être opposant, si vous avez des dossiers qui vous rattrapent, il faut avoir le courage d’y faire face. L’on ne doit pas chercher à impliquer les travailleurs dans la bataille qui n’est pas la leur et qui n’a rien à voir avec leurs revendications.

Toujours dans la lutte contre la corruption, les syndicats avaient demandé la publication des audits. Le gouvernement l’a fait et a envoyé les dossiers à la justice. Mais il y a des interpellations tous les jours?
Mais cela aussi est bon. C’est ce que nous avons demandé. Et nous souhaitons qu’on aille encore plus loin. Il y a d’autres dossiers non moins importants comme Icc Services, machines agricoles, avec des ministres qui sont impliqués mais qui ne se sentent pas du tout inquiétés. Donc, il faudra aller plus loin. Le Chef de l’Etat a dit qu’il mènera la lutte sans état d’âme. Et on a vu avec l’ex Dg Cncb Antoine Dayori qu’il avait fait nommer lui-même et qui est aujourd’hui en détention préventive pour des faits qui lui sont reprochés. J’espère qu’on amènera bientôt également Sacca Lafia devant la justice pour s’expliquer ainsi que d’autres. Les interpellations pour moi, sont donc bonnes en ce sens que, même dans le cas du dossier BIBE/CNSS, ce à quoi nous devons faire attention est qu’il ne faut pas que le gouvernement juge les personnes impliquées avant le procès. Mais au-delà de cela, est-ce que vous savez que désormais dans les conseils d’administration, les gens font très attention ? Parce que nous considérons notre présence au sein de ces instances, comme étant une sorte de passe-droit et on ne fait pas toujours attention à tout ce qu’on signe et à tous les actes que l’on pose. Mais depuis qu’on évoque ce dossier-là, les gens sont très prudents. Ils regardent deux fois le document avant de signer. Si ce réflexe peut se développer, ce serait une très bonne chose. Même si ce sont des opposants, moi en tant qu’acteur social, j’applaudis.

Des demandes de levée d’immunité parlementaire sont actuellement sur la table des députés. Vous avez applaudi également quand la nouvelle a été rendue publique ?
Oui, je l’ai fait, en espérant que tout ceci est sincère et ne ressemble pas à du folklore. C’est un peu comme nous aussi en tant que Confédérations, lorsque l’ex inspecteur général d’Etat était venu nous voir à la Bourse du Travail et on avait refusé, parce que pour certains parmi nous, il n’était pas question qu’un jour, quelqu’un vienne nous contrôler. Ce n’est pas parce qu’on est dans une certaine position qu’on doit être au-dessus de la loi.

Donc, vous acceptez, vous autres le contrôle ?
Pourquoi pas. Le contrôle n’a qu’à venir. Nous sommes prêts. De la même façon, ce n’est pas parce que je suis député, ou parce que j’ai volé et je m’arrange avec mon argent pour me faire élire, j’irai me refugier à l’Assemblée Nationale. Il y a des gens qui ne devraient pas parler dans ce pays, mais qui parlent beaucoup. Et donc si la levée peut se faire, ce serait une très bonne chose. Mais je ne suis pas certain que cela se fera, parce qu’ils vont certainement se protéger comme ils l’ont fait dans un passé récent.

Et s’ils le faisaient ?
Ce serait un très bon modèle, un très bon exemple et un très bon signal qu’ils auraient envoyé dans le peuple et à tous ceux qui ont des dossiers et qui vont se réfugier dans notre parlement pour éviter d’être poursuivis. Ce serait en tout cas un très bon signal à l’actif de cette mandature-là.

Vous ne croyez donc pas à l’engagement récent du Chef de l’Etat devant le président français qui a dit qu’il ne pliera pas ?
Vous savez, ce n’est pas lui qui va traiter la demande de levée d’immunité. Et j’ai appris à me méfier des engagements des hommes politiques, surtout béninois, car entre ce que l’on déclare devant un micro et la réalité, il peut y avoir parfois une marge. J’attends donc de juger sur pièce. Il a dit qu’il ne va pas reculer sur le dossier de la corruption. J’attends donc de voir comment il va faire lui-même, par rapport aux dossiers dans lesquels ses proches sont impliqués. Dans tous les cas, vous savez que notre rôle également, c’est d’attirer l’attention et de rappeler un certain nombre d’engagements aux gouvernants.

Que pensez-vous de la gouvernance Talon ?
Je pense que cette gouvernance a besoin d’être humanisée. Parce qu’on peut ne pas être compétent pour faire une mission, mais la réussir parce qu’on a du cœur. Et ça, je pense que le gouvernement a besoin d’assimiler cette mission là, si tant est qu’il veut vraiment entrer dans l’histoire comme il le souhaite et être applaudi comme le messie dans notre pays.

Quelle est la place que vous accordez aux femmes au sein de votre Confédération ?

C’est le gros problème des syndicats, aussi bien en Afrique en général qu’au Bénin en particulier. Mais au niveau de la Csa-Bénin, ce que nous faisons est que nous concédons un certain nombre de choses pour la promotion de la femme. Vous ne verrez dans aucune délégation de la Csa- Bénin, l’absence de la femme. Nous y veillons. De plus, le poste de troisième secrétaire général a été concédé à une femme. Et dans tous les bureaux pour les mandats de la Csa, vous verrez toujours au moins une femme dans les quatre postes qui forment le secrétariat général. En dehors de cela, nous avons également le comité des femmes que nous soutenons dans la présence aux côtés des femmes, dans la sensibilisation et dans la formation pour leur permettre de s’épanouir davantage.

L’Assemblée nationale a engagé le pas avec l’initiative d’un projet de loi dans ce sens. A l’occasion de cet entretien, quel message avez-vous à lancer en direction des femmes pour mieux se faire représenter dans les grandes instances de décision ?
Il faut que les femmes cessent de considérer qu’on doit leur faire la promotion. Elles peuvent se promouvoir elles-mêmes. Il faut qu’on cesse également de folkloriser la revendication concernant la promotion de la femme. Et que le discours soit un discours, non pas de mendicité, non pas d’aumône ou de faveur, mais un discours d’engagement à prendre la place qui leur revient. Car tant qu’elles vont rester dans la posture de demandeuses de la bonne volonté des hommes, on aura encore beaucoup de chemins à faire. J’encourage les députés à aller dans ce sens. Pour les syndicats, au niveau régional et international, le pourcentage est de 30% au moins. Mais là encore, cela révèle un peu la prétention des hommes, sinon pourquoi pas 50%? On devrait aller là. Ce serait une très bonne chose. Et on a besoin que les gouvernants donnent l’exemple. C’est pour cela que je pense que le président Talon n’est pas un très bon exemple en matière de promotion de la femme. Il suffit de regarder la composition de son gouvernement et aussi le discours qui a conduit à la formation de ce gouvernement quand il demande de lui permettre de ne pas prendre cela comme étant une considération dans la formation d’un gouvernement. On a besoin en tant qu’homme public de faire un certain nombre d’efforts, de donner le holà et le ok pour que les autres puissent suivre.

Conclusion
Je voulais vous remercier sincèrement. Pour discréditer Anselme Amoussou, on raconte que je suis un homme de Talon. Certaines Confédérations ont déjà suscité des médiations dans cette crise. Mais ils ne le diront pas publiquement. Je voudrais profiter de votre invitation pour dire que la médiation n’est pas une forme de faiblesse dans une confrontation sociale. Au contraire, lorsque vous n’avez pas les moyens de faire la confrontation, c’est intelligent de faire le contournement pour gagner. Donc, la médiation, c’est une très bonne chose. Mais on nous a appris que c’est mauvais. Je me souviens encore d’une situation en 2011, où je n’étais plus porte-parole du Front. On nous a sollicités pour une négociation à Tchaourou. Quand les gens ont appris ça, ils ont estimé que nous y étions allés pour prendre des millions chez Yayi. C’était une histoire qui m’a marqué au début, mais qui m’a permis de m’endurcir pour faire face à tout ce qui se raconte aujourd’hui sur moi et de considérer que la lutte syndicale au Bénin a besoin d’être réformée. Et on ne peut faire des réformes qu’avec des leaders qui savent ce qu’ils font, et là où ils veulent aller. Je voudrais compter sur la presse pour qu’on y arrive. Car, je suis ce que je suis aujourd’hui grâce à la presse. C’est par les débats, vos articles que j’ai été connu pour pouvoir faire savoir ce que nous faisons aujourd’hui. Nous avons actuellement beaucoup de projets à la CSA-Bénin. En son temps, nous viendrons vers vous, pour recueillir vos propositions capables de nous orienter, dans l’atteinte de nos objectifs. Car, nous reconnaissons que nous communiquons mal à la Bourse du Travail. Je voudrais à nouveau remercier votre organe, si vous le permettez, remercier Emmanuel Gbéto, l’un de vos éléments, qui a été le premier à m’approcher quand j’ai été élu. Je n’oublie pas non plus Windy qui était venu avec Emmanuel pour me donner des conseils en termes de communication. Je voudrais souhaiter que cette collaboration puisse se poursuivre et vous garantir que nous sommes ouverts à toute sorte de propositions qui peuvent améliorer notre action. Dans le feu de l’action, je peux aussi me retrouver dans l’erreur. Si vous le remarquez, dites-le moi. Je suis un homme ouvert aux critiques. Je les adore d’ailleurs. Cela me permet de m’améliorer. Je dis souvent que j’ai la chance d’être moins âgé, et donc d’être proche de votre génération. Je suis convaincu que cela devrait faciliter les rapports entre nous. Une fois encore, je vous remercie.

 

Carte d’identité
L’éclosion d’une vocation
Au début, Anselme Amoussou n’était pas fondamentalement destiné à la lutte syndicale. « Dans mon cursus primaire, dit-il, j’ai été une fois désigné responsable, non pas parce que j’étais visible, mais plutôt parce que j’étais bon travailleur et c’est mon maître qui avait décidé. » Et puis, plus jamais il ne sera responsable de classe durant son cursus scolaire,« parce que cela ne m’intéressait pas de gérer les conflits et les humeurs des gens », avoue—t-il aujourd’hui. Mais c’est après l’école normale qu’il a faite dans la première promotion d’instituteurs bacheliers, qu’il s’est vu obligé de s’engager dans la lutte syndicale. « On avait des préoccupations plutôt spécifiques qui n’étaient pas suffisamment relayées par les syndicats existants. J’étais donc dans le Zou et j’avais réuni un certain nombre de camarades pour que nous créions une amicale au départ, mais qui est devenue un syndicat. C’était en 2002 à Bohicon ». Là encore, au moment de former le bureau, conscient d’être loin du centre nerveux des décisions qu’est Cotonou, il décide de laisser son poste de secrétaire général à quelqu’un d’autre. Celui-ci trouve d’autres débouchés et sort du syndicat, contraignant les camarades d’Anselme Amoussou à se référer à lui. En tant que secrétaire général adjoint, il devait assurer le relais.« J’étais à Abomey et il me fallait faire les navettes pour venir à Cotonou. J’ai eu la chance que pendant la période, la plupart des problèmes que nous avions ont été réglés. Peut-être à cause de la manière avec laquelle j’abordais nos problèmes avec le ministre Jean Bio Chabi Orou et ensuite les autres ». Devenu secrétaire général par la force des choses, il sollicite alors une affectation à Cotonou pour être beaucoup plus efficace. Il est donc affecté comme enseignant dans son ancienne école où il avait été élève, à Houéyiho. C’est en effet à l’école primaire publique de ce quartier de Cotonou que le syndicaliste fait ses premiers pas d’écolier. Né en 1971 à Cotonou, il est issu d’une famille polygame d’une trentaine d’enfants. Quatrième enfant parmi les sept de sa mère, il reconnaît avoir vécu dans une ambiance d’entente créée par son père, un infirmier de l’armée. « Il a réussi à faire la cohésion entre nous, car si vous me voyez avec mes demi-frères et demi-sœurs et si on ne vous dit pas que nous sommes des consanguins, vous ne le saurez jamais. » CEFEB à l’école primaire publique de Houéyiho, BEPC au Collège Aupiais en 1986, puis Bac en 1991, série D, Anselme Amoussou entre à l’université. Problème : après s’être inscrit en Physique-Chimie, il doit y renoncer pour faire une licence de Lettres Modernes. A l’époque, l’Etat proposait une pré-insertion professionnelle pour l’enseignement primaire. C’est ce qu’il tente et est affecté dans une école primaire de Djidja dans le département du Zou. Admis en 1998 au concours de recrutement à la fonction publique, le syndicaliste d’aujourd’hui fait partie de la deuxième promotion d’instituteurs bacheliers formés à l’Ecole normale de Parakou. Il entre dans la vague des premiers enseignants béninois formés pour le Nouveau Programme d’Etude ayant servi à la mise en place de l’Approche par compétence. Ce qui lui a permis d’être formateur des formateurs de cette approche pendant de longues années.Kpataba dans les Collines, Zazoumè dans le Zou puis Cotonou, Anselme Amoussou sert comme instituteur et devient même directeur de l’école primaire de Sètovi. Mais il passe un BTS puis une maîtrise professionnelle en Tourisme et hôtellerie. Ce qui lui permet d’être affecté à l’enseignement professionnel. Il enseigne depuis 2010 au Lycée technique d’Akassato. Après avoir participé en 2005 à la mise en place du Front d’action des syndicats des trois ordres d’enseignement, il en devient porte-parole en 2008. Parmi les batailles gagnées, il cite volontiers l’amélioration de la prime de logement, les 25% du point indiciaire, le reversement des enseignants vacataires… Le Front étant affilié à la CSA-Bénin, le SG Dieudonné Lokossou a vite remarqué son leadership et l’a alors appelé à ses côtés en tant qu’adjoint.Depuis 2017, il est Secrétaire général de la CSA-Bénin et tente d’imprimer sa marque. « Je vous avoue que tous ceux qui m’ont connu avant que je ne devienne syndicaliste s’étonnent et se demandent si c’est vraiment la même personne, j’étais plutôt effacé », affirme-t-il. S’il est vrai que les nécessités de la vie peuvent révéler les qualités d’un homme, son histoire personnelle s’écrit au présent dans une CSA-Bénin en proie à de nombreuses mutations.

 

Intimité

Adepte de la franchise

Marié et monogame, Anselme Amoussou est père de quatre enfants, dont l’aîné 21 ans aujourd’hui, est issu d’une première union qui n’a pas prospéré. Une spécificité : tous ses enfants font l’école publique. « Vous savez, dit-il, le jour où moi je vais placer mon enfant dans le privé, c’est le jour où je serai sûr qu’il y aura des mouvements de grève. Parce qu’en dehors des risques de grève dans l’enseignement public, c’est là qu’il y a la qualité. » A table, il a des goûts plutôt simples : « Si vous me servez akassa avec piment, ça peut faire mon bonheur. Vous me servez wokoli (pâte d’hier) avec piment, je vous avoue que j’adore. J’aime beaucoup le riz aussi. » En termes de boisson, le syndicaliste n’aime pas vraiment l’alcool et préfère une Coca bien glacée. Voulez-vous être son ami ? Soyez donc franc et direct comme lui-même, et évitez les grossièretés : « Je déteste aussi l’hypocrisie. Mais malheureusement, on est présentement dans ça et je suis obligé de faire avec », affirme-t-il.

 

Réalisation: La Rédaction

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