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Le triomphe de la vérité

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Edito: S’accrocher à l’industrie


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Il y a une évidence : l’économie béninoise, 28 ans après la conférence nationale, sort difficilement des errements du passé. Et il y a un impératif : la reconstruire.
Mais la reconstruction en elle-même n’est possible qu’à la condition de prendre conscience de ces errements. En sortant de 17 années de dirigisme marxiste, l’économie béninoise de 1990 était déjà dans la tombe : faillite du système bancaire, neuf mois d’arriérés de salaires aux fonctionnaires, gel des recrutements et des avancements dans la fonction publique, une récession historique (on était à une croissance économique négative d’environ – 2% en décembre 1989), signature d’un programme d’ajustement structurel avec les institutions de Bretton Woods sous des conditionnalités draconiennes…Les maux étaient longs comme un bras, et les solutions appliquées avec rigueur ne pouvaient qu’avoir des contrecoups sociaux et politiques difficilement supportables. Voilà l’état des lieux en 1990-91.
Le régime Soglo qui s’était attaqué à ces maux réussit des prouesses rentrées dans l’histoire. Mais toutes les prouesses ont leur mélancolie. Et l’austérité, sous tous les cieux de démocratie, même si elle génère la croissance, échoue toujours à créer une croissance inclusive. Parmi toutes les réformes, il y en eut une qui ne fut jamais menée à son terme : celle de l’éducation. Après avoir connu la grande nuit du PRPB, ce qui lance un pays qui veut s’en sortir, c’est l’éducation, et surtout l’éducation de qualité. Les réformes des finances publiques, malgré leurs succès, avaient échoué à voir loin. Et en voyant loin, les institutions de Bretton Woods et les cadres béninois ont oublié une donnée fondamentale des politiques anti-crises : on n’hypothèque jamais l’avenir d’un peuple. Sortir de la crise à brève échéance était une chose, appréhender l’avenir en était une autre. Et si l’on veut sortir des crises des finances publiques avec succès, les secteurs vitaux comme l’éducation et la santé devraient impérativement échapper à la hargne des réformateurs pour des raisons évidentes : préparer l’avenir pour qu’il ne ressemble en rien au passé et surtout qu’il puisse soutenir une reprise économique durable. On eut droit à des colmatages sous la dictée des bailleurs de fonds dont on sait qu’ils ne s’en tenaient qu’aux chiffres en oubliant les hommes.
Un autre revers de ces réformes reste la mise en place d’une économie capable de se passer de l’aide publique au développement. On ne le dira jamais assez : le Bénin d’aujourd’hui est le fruit des progrès dus aux succès des réformes conduites suite à la Conférence nationale. Mais il manqua un Houphouët-Boigny, un visionnaire capable d’indiquer la nécessité d’asseoir des filières agricoles, halieutiques et pastorales durables. Le coton a été mis en route, mais il a fallu ces dernières années pour que le cajou et les ananas démarrent un semblant d’organisation en filière, souvent sans l’appui de l’Etat. Plus encore, l’industrie continue de balbutier. L’écosystème des industries reste encore fragile. Il fallait en effet un visionnaire capable de lancer les cultures de rente, tout en favorisant la mise en place d’une industrie locale consommatrice de ces produits agricoles. En travaillant aux cultures de rente, la plupart des Etats africains oublient de se poser la question capitale : qu’est-ce que nous pouvons transformer sur place en produits finis exportables ?
Car, aussi longtemps que l’économie de marché existera, les matières premières à elles seules ne représentent pas une alternative de choix. Elles doivent être couplées avec une industrie locale capable d’exporter. Là, l’on règle à la fois l’équation de l’emploi mais aussi celle de la production intensive et de qualité. A la décharge de nos dirigeants, il faut reconnaître que cette solution requiert la mise en place d’infrastructures de base que sont les routes, l’énergie et les télécommunications dont le financement nécessite de gros moyens. Rappelez-vous d’où nous sortions en 1990…Et le drame de la monnaie qui rend encore nos produits manufacturés peu compétitifs sur le marché international.
Aujourd’hui, la situation est plus que jamais propice à la mise en place de l’industrie. Mais il y faut une plus grande protection du mince tissu industriel local par un contrôle plus renforcé des importations. Notamment, la mise en place d’une fiscalité qui décourage l’entrée sur notre territoire de produits dont beaucoup sont subventionnés par des fonds publics étrangers pour concurrencer et tuer nos productions locales. Il faut que les filières agricoles soient au service de notre industrie et non de la spéculation internationale dont on connaît les pratiques. Et alors question : pour un pays qui importe plus de 95% de ses vêtements, à quoi sert-il au Bénin de développer le coton ?

Par Olivier ALLOCHEME

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