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Le triomphe de la vérité

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Edito: Ils ont bien fait


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Les Etats-Unis ont averti les dirigeants de la Communauté des Etats d’Afrique Orientale (EAC). Pour Washington, l’interdiction programmée de l’importation de friperie à partir de 2019 viole les conditions mises en place pour étendre l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). De fait, en mars 2016, les chefs d’Etats de la région (Ouganda, Kenya, Tanzanie, Rwanda, Burundi, Sud Soudan) se sont entendus pour interdire l’importation de la friperie à partir de 2019 dans leurs pays. Ceci fait partie du plan Vision 2050 et de la politique industrielle destinée à donner un nouveau souffle au secteur manufacturier en le faisant passer d’une contribution actuelle de 8,7% au PIB de la région à 25% en 2032.
Les Etats-Unis ont expressément demandé au Rwanda, à la Tanzanie et à l’Ouganda de baisser leurs tarifs sur les friperies à leurs niveaux d’avant 2016. L’extension de l’initiative AGOA en 2016 permet aux exportations des pays d’Afrique de l’Est d’aller aux Etats-Unis, mais la décision prise par ces Etats constitue un précédent capable de bloquer les produits américains en Afrique orientale. D’autant que l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda ont procédé, dès 2017, à des augmentations fiscales sur les friperies afin de protéger leur secteur textile.
Le cœur du débat est là en effet: pourquoi les populations doivent-elles continuer à porter des vêtements des morts au moment même où dans notre pays nous cultivons du coton de bonne qualité et que nos industries textiles ont aussi besoin de prospérer ? Cette question ne concerne pas seulement les pays d’Afrique de l’Est mais aussi et surtout ceux d’Afrique de l’Ouest et principalement du Bénin. Le Bénin constitue une plaque tournante du commerce de friperie en Afrique de l’Ouest. Notre pays alimente les marchés nigérians, nigériens et maliens avec des quantités qui ne cessent de croitre d’année en année. Ceci procure au Trésor Public de précieuses ressources fiscales. En même temps, de nombreux commerçants, grossistes, demi-grossistes et détaillants en tirent profit. Mais nous sommes les premiers à nous plaindre du déficit commercial du Bénin face à la massification des importations. Et nous sommes encore plus nombreux à nous plaindre de l’absence d’un véritable tissu industriel capable de porter le secteur secondaire et d’absorber le flot de jeunes diplômés sortant des centres de formation. Il est évident qu’en important des friperies, l’industrie textile nationale ne s’occupera que de ce qu’elle fait actuellement : égrener du coton et produire du tissu écru à faible valeur ajoutée.
La friperie est bon marché et d’accès facile aux couches populaires. Mais en même temps, elle tue l’industrie locale et ne rend pas vraiment service à l’artisanat national. Les couturiers et les couturières seront toujours pauvres dans notre pays, si la plupart des vêtements que nous portons viennent d’ailleurs. Et l’on continuera de considérer ces nobles métiers comme des professions pour ceux qui ont échoué à l’école, alors qu’ailleurs elles contribuent à faire des milliardaires. Nos prêt-à-porter ne feront toujours que la promotion des vêtements cousus ailleurs. Parce qu’en réalité, les métiers du textile ne peuvent prospérer dans un environnement où les rebus de la consommation occidentale inondent le marché.
Mais il y a aussi les pressions, nationales et internationales issues des lobbys bénéficiant du statu quo. En début 2017, le président rwandais Paul Kagamé disait : « C’est le choix que nous avons trouvé à faire. En ce qui me concerne, faire ce choix est simple, nous devons faire face aux conséquences que cela implique. Même lorsque nous devons affronter des choix difficiles, il y a toujours un chemin…Le Rwanda et d’autres pays de la région qui sont membres de l’AGOA, doivent faire autre chose, nous devons développer et accroitre nos industries.» L’Afrique orientale est l’un des plus gros importateurs des friperies américaines, britanniques et chinoises. Dans le même temps, un pays comme l’Afrique du Sud a interdit l’importation des friperies.
Ce dont il s’agit ici, c’est de courage politique et de vision économique. En faire usage au Bénin ouvrira de grands pans de notre économie à la création de richesses et surtout d’emplois massifs pour le futur. Cette politique a besoin d’être implémentée au Bénin.

Par Olivier ALLOCHME

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