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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les malheurs de l’éducation


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Godomey-Togoudo se trouve à moins de deux kilomètres de Cotonou. Son école primaire publique affiche quatre groupes pédagogiques et donc un besoin minimal de 24 enseignants. Mais jusqu’à la semaine dernière, il n’y avait que quatorze enseignants dans cette école primaire. L’une des directrices explique qu’elle est obligée, depuis le début de l’année scolaire, de faire la navette entre le CI et le CM2. Et tout visiteur peut le constater aisément : il y a des classes sans enseignant. Comment forme-t-on donc ces âmes innocentes dans ces conditions ?

En réalité, la situation de cette école n’a rien d’étrange. Les classes jumelées ou les classes multigrades sont une réalité constante de l’école béninoise depuis longtemps. Avec la gratuité des inscriptions en vigueur depuis 2007, les défis se sont accrus. D’autant d’ailleurs que les directeurs d’écoles n’ont plus comme auparavant le droit de recruter des enseignants localement payés (les agents communautaires). Le jonglage est permanent, au détriment de la qualité de l’enseignement. Le choix effectué par l’Etat au profit de la quantité, est éminemment politique. Il permet d’afficher partout que le taux brut de scolarisation est passé de 94,1% en 2003 à presque 130% en 2017, étant entendu que l’on note au primaire une présence massive d’enfants en âges non scolaires. Mais dans la réalité, la qualité constitue le talon d’Achille de l’école béninoise. Un seul constat pour s’en convaincre. Environ 80% des cadres béninois, toutes catégories confondues, préfèrent envoyer leurs enfants dans le privé. Le plus curieux, ce sont les enseignants du public qui, pour l’écrasante majorité, ont leurs propres enfants dans le privé. Quant à ceux qui sont plus fortunés, ils n’attendent que le Bac pour envoyer leurs rejetons à l’étranger poursuivre des études dont la plupart trouvent aujourd’hui de répondants dans les universités locales, qu’elles soient publiques ou privées. C’est dire…

En dépit de tout, l’école béninoise fait des efforts de qualité plombés par un manque criard de matériels pédagogiques et d’un personnel enseignant qualifié. Ayant fermé ses écoles normales pendant près de deux décennies, le Bénin manque d’enseignants formés. Et ce qui est valable pour le primaire et le secondaire l’est davantage au supérieur où des filières entières sont tenues à bout de bras par des retraités qui meurent, pour ainsi dire, la craie à la main. Mais ce qui peut retenir l’attention de tous, c’est la disparition, presque partout, des bibliothèques scolaires, depuis le primaire jusqu’à l’université. Non seulement, elles sont victimes de la désaffection généralisée pour le livre, mais encore des pénuries de salles de classes, dans un environnement de jonglage généralisé. Les livres disparaissent donc au fil du temps pour laisser place à une pédagogie de la répétition du maître ou du professeur qui n’incite pas l’apprenant à la recherche mais le contraint au psittacisme pédagogique.

Plus encore, la politique éducative manque d’âme. Former un citoyen de type nouveau capable de s’adapter à son milieu, a-t-on dit, dans les années 2000, pour introduire les nouveaux programmes devenus depuis Approches Par compétences (APC). Mais quel est ce citoyen de type nouveau que nous avons, près de deux décennies après les premières expérimentations ? Ce citoyen est-il vraiment différent des anciennes générations ? Fondamentalement, rien n’a changé en l’individu béninois, sauf sa conscience plus aigue des problèmes de gouvernance.

Je pense au contraire qu’un système éducatif du XXI ème siècle dans un pays pauvre comme le nôtre, doit mettre un accent primordial sur les valeurs nationales et patriotiques qui construisent une nation. Autrement dit, tel que nous assistons, impuissants, au délitement des valeurs nationales d’amour de la patrie et de sacrifice de soi, il est urgent d’asseoir la riposte patriotique en inculquant à tout Béninois dès le bas-âge des notions comme : le patriotisme, la fierté d’être béninois, la nécessité du sacrifice pour la nation…Je reste convaincu d’une chose : rien de durable ne se construit en éducation, sans poser le socle des valeurs.

Le Bénin dépense environ 26% de son budget 2018 au profit du secteur éducatif. La récente conférence sur le financement du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) qui a eu lieu à Dakar du 1er au 02 février 2018, a montré à tous, les besoins énormes en financement dans le secteur à travers le monde. Faut-il en arriver à une sorte de téléthon pour la qualité de l’éducation au Bénin? Nous risquons d’en arriver là, un jour.

Par Olivier ALLOCHEME

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