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Le triomphe de la vérité

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Edito: Des salaires et des accessoires


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La rumeur s’enfle et, probablement, elle ne s’éteindra pas tant qu’une clarification convaincante  ne sera pas apportée aux plus sceptiques sur les salaires dits politiques. Ceux-ci, ajustés aux contingences des primes et indemnités du passé, connaissent une inflation que le grand public ne comprend guère. Il faudra une pédagogie bien particulière pour venir à bout de la fronde qui s’est installée à ce sujet, tant l’opinion se sent trahie en raison des montants aujourd’hui divulgués  sur les réseaux sociaux. Face à la polémique, la meilleure manière de nous montrer la pertinence de ces traitements est de faire un tour dans le passé pour procéder aux comparaisons, chiffres à l’appui.

Mais même alors, il sera très difficile à ceux qui gagnent 60.000 ou 100.000 F de comprendre qu’un agent de l’Etat puisse gagner vingt ou trente fois plus que lui. La fureur populaire est compréhensible. Ceux qui savent que les anciens traitements salariaux des mêmes personnalités cachaient bien des primes et indemnités ainsi que de nombreux pourboires, savent que l’assainissement devait commencer, un jour, pour mettre fin au désordre. Cet assainissement accompagné de transparence absolue devrait permettre d’atténuer la corruption dans les sphères de l’Etat. C’est en cela que le tollé actuel a quelque chose de bon : le public saura d’ici quelques semaines ce que gagne chaque ministre. Ce sera une avancée énorme.

Mais ce qui risque d’arriver également, c’est une augmentation salariale généralisée. Ne nous faisons aucune illusion. La fronde sociale en cours par exemple dans l’enseignement primaire et secondaire pour la prise en compte des statuts particuliers, ne s’éteindra pas sans une augmentation salariale. Et c’est d’ailleurs pour cela que les rumeurs actuelles sur les salaires politiques tombent très mal pour le gouvernement. Elles l’obligent à faire des concessions, malgré l’état préoccupant des finances publiques. Les enseignants ne peuvent pas comprendre que les salaires politiques augmentent sans que les leurs ne connaissent le même sort. De la même manière, les agents des autres institutions et ministères pourraient bien entrer dans la danse tôt ou tard. Et, de la sorte, nous entrons progressivement dans une zone de turbulence dont personne ne peut prévoir l’issue.

Ce qui est évident, c’est qu’en procédant à toute augmentation salariale, l’Etat prendrait le risque de faire bondir la masse salariale. Autrement dit, la masse salariale, qui représente environ 50% des recettes fiscales actuellement, pourrait atteindre un seuil critique de 65%, contrairement aux normes communautaires fixées à 35%. Ce qui voudrait dire que les fonctionnaires à eux seuls, qui ne représentent pas 1% de la population, consomment presque ¾ des revenus du pays. En soi, il s’agit d’une grave anomalie que les politiques publiques devraient servir à réguler. Mais le contrecoup macroéconomique pourrait rejaillir directement dans la vie quotidienne.

Contrairement à ce que l’on peut penser, une augmentation généralisée des salaires débouchera immanquablement sur une hausse de l’inflation. Mais ce n’est pas tout. Tous ceux qui rêvent d’une augmentation généralisée des salaires dans la fonction publique, peuvent se rendre compte qu’elle entrainera immédiatement, non pas seulement l’inflation, mais aussi une hausse du salaire minimum qui, à son tour, pourrait agir sur le chômage. Le plus préoccupant reste au niveau des finances publiques.

Dans les années 2000, le Ghana a enregistré des taux de croissance économique très encourageants. Les fonctionnaires, profitant de l’embellie, ont exigé une augmentation salariale que l’Etat a fini par accorder. Mais les augmentations salariales ont projeté le pays dans une récession qui l’a contraint à recourir en 2015 à  un ajustement structurel auprès du Fonds Monétaire International (FMI).  Le gouvernement ghanéen a alors été contraint à un accord qui l’oblige au  gel des recrutements dans la fonction publique,  un relèvement de la fiscalité sur certains produits importés, la hausse des prix de l’électricité et de l’eau et des réformes douloureuses dans l’administration  publique. Il en est de même au Gabon lorsqu’en juillet 2015, le gouvernement a été contraint de mettre en place un nouveau système de rémunération, portant par exemple le SMIG à 150.000 FCFA et le salaire maximal à  1 140 000 FCFA contre 500 000 par le passé. Résultat, la masse salariale a bondi de près de 20%. Bien entendu, cette hausse a obligé le pays, déjà aux prises avec la baisse des cours du pétrole, à recourir à un ajustement structurel auprès du FMI. Et l’on connait les corollaires d’une telle thérapie.

Alors question : tout cela risque-t-il d’arriver au Bénin ? Dans la situation actuelle, ma réponse est sans ambages : c’est inévitable.

Par Olivier ALLOCHEME

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