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Le triomphe de la vérité

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Edito: La pauvreté ne recule pas


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C’est une information dont le Bénin se serait bien passé en ce moment. Selon deux nouveaux rapports produits sur le Bénin par le Fonds Monétaire International (FMI), ces dernières années sont marquées par l’évolution rapide de la dette publique intérieure, qui est passée de 8,6 % du PIB en 2013, à 33,6 % en 2017, atteignant 60 % de l’endettement total. L’institution pointe du doigt également la vulnérabilité du secteur bancaire ainsi que le poids du secteur informel. Même si elle met en relief une croissance économique relativement stable de 5,2% en moyenne ces trois dernières années, l’institution signale l’inquiétante évolution de la pauvreté. Le taux de pauvreté est passé de 36,2 % de la population à 40,1 % entre 2011 et 2015. En clair, 4 Béninois sur 10 vivent aujourd’hui en-dessous du seuil minimal de pauvreté. La faible productivité du pays est le principal facteur pouvant expliquer cette courbe, notamment dans le secteur agricole. C’est donc une pauvreté qui touche surtout les zones rurales, avec des répercussions inévitables en zone urbaine.
Selon le FMI en effet, la croissance économique du Bénin ne crée pas suffisamment ou très peu d’emplois, puisqu’elle est adossée à des secteurs capitalistiques comme la banque, les télécommunications et les activités maritimes au port de Cotonou. On ne saurait occulter l’influence de la situation économique du Nigeria, marquée par une récession historique qui a impacté le commerce informel, notamment dans les zones frontalières. Environ 50% de nos compatriotes vivant dans ces zones sont affectés. Ainsi donc, nous avons beau gloser sur notre démocratie et ses élections qui s’enchaînent, la pauvreté ne recule pas dans notre pays. Plus précisément, au lieu de reculer, elle progresse, touchant les couches les plus vulnérables constituées des petits commerçants, des petits paysans, des artisans, des personnes du troisième âge, les sans emploi et les plus bas revenus.
Le diagnostic réalisé par le FMI était pourtant prévisible. Même si les agrégats macroéconomiques se sont améliorés, la réalité est que le Bénin produit peu. En termes de produits vivriers, les ambitions agricoles du pays sont enterrées par les importations massives qui n’encouragent pas les producteurs. Quelques cas typiques pourraient nous servir d’illustration. Le premier, c’est le riz. Il y a quelques semaines, j’ai suivi le ministre nigérian de l’agriculture qui a laissé entendre que 2017 a permis au pays d’atteindre un taux d’autosuffisance en riz pour environ 90%. C’est-à-dire qu’actuellement, le pays satisfait 90% de sa consommation en riz à partir de ses propres productions. Il y a quelques années, lorsque le Nigeria a lancé son programme d’autosuffisance en riz, j’ai fait partie de ceux qui ont douté de sa faisabilité. Aujourd’hui, le pays est en passe de la réaliser à cause de la mise en branle des synergies et d’une forte volonté politique. Non seulement, la politique agricole a été mise en place pour atteindre cet objectif à travers l’organisation des producteurs, la mise en place des semences de qualité et des produits phytosanitaires moins chers, mais aussi d’un encadrement technique approprié. Tout cela ne s’invente pas, cela s’organise. En aval de cette politique agricole, une politique commerciale l’a accompagnée, permettant de limiter férocement les importations de riz dans le pays. Autrement dit, il vous sera très difficile d’amener légalement du riz aujourd’hui au Nigeria, parce que le pays veut protéger coûte que coûte ses producteurs qui sont dans les villages et ont aussi besoin de vendre pour avoir des revenus. Alors question : pourquoi ne pouvons-nous pas mettre en place cette politique au Bénin pour que les petits producteurs de chez nous, ceux qui ne vont pas au port, ceux qui ne sont pas dans les GSM et autres banques, puissent avoir aussi un revenu ?
Deuxième exemple, le secteur des huiles alimentaires. Le Bénin en importe massivement des pays asiatiques, et à bas prix. En tablant sur la qualité et la nécessité de sauvegarder la santé des populations, le Bénin pourrait valablement contrôler l’entrée sur son territoire de ces produits, en ouvrant par la même occasion l’opportunité à des huiliers locaux d’organiser les producteurs de chez nous pour fournir des matières premières utiles à une transformation porteuse d’emplois et de revenus. Non seulement, nous contrôlons efficacement ce qui atterrit dans les assiettes des Béninois, mais en même temps, nous pouvons donner des emplois et des revenus à des gens qui sont loin dans les villages.
Oui, le contrecoup de ces politiques, c’est l’amenuisement des recettes douanières apportées par les produits dont il s’agit. Mais le FMI nous a déjà montré qu’il vaut mieux lutter contre la paupérisation des gens les plus vulnérables que d’enrichir les oligarchies du commerce d’importation.

Par Olivier ALLOCHEME

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