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Grossesses en milieu scolaire: Les rêves brisés des filles victimes à Bohicon


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Grossesse et école l’accord imparfait

Tomber enceinte en étant sur les bancs de l’école continue d’être, chaque année scolaire, le lot de centaines de jeunes filles de la commune de Bohicon dont les rêves brisés, mettent en péril l’avenir.

Marina S. a 16 ans. Cheveux courts, teint foncé et le regard fuyant, la jeune fille est élève dans un Collège d’enseignement général (CEG) de Bohicon, dans le département du Zou, à une centaine de kilomètres de Cotonou. Convoquée dans le bureau du directeur de l’établissement, une fin d’après-midi du mois d’octobre, la jeune fille peine à parler. Sous son uniforme kaki, un ventre arrondi trahit une grossesse de plusieurs semaines. « Je suis gênée et j’ai honte », finit-elle par lâcher, le regard fixé au sol. En classe de Première D, elle porte une grossesse de son petit ami, un élève. Lors des dernières vacances, elle a cédé aux avances de ce dernier. Elle raconte : « C’est arrivé pendant les vacances, quand j’ai quitté l’internat. Mon petit ami a dit que j’avais passé beaucoup de temps enfermée et qu’il voulait qu’on fasse l’amour. Quand je suis partie chez lui, je lui ai dit de mettre un préservatif. Il ne m’a pas écoutée et m’a dit qu’il n’en n’avait pas. On a fait l’amour sans capote. C’était la seule fois, mais je suis tombée enceinte ». A côté de Marina, Marimar. Agée de 17 ans et en classe de 3e, elle est tombée enceinte à la suite d’un viol commis par son petit ami. Ce dernier, élève en classe de 3e, l’a piégée, confie-t-elle, alors qu’elle était en vacances à Cotonou : « Il m’avait demandé de venir dans sa maison. Tous ses parents étaient sortis. On était dans la chambre de son grand-frère. Il a dit qu’il ne me laisserait pas sortir tant qu’on ne fera pas l’amour. J’ai tout fait pour ne pas coucher avec lui. Il voulait me déshabiller, j’ai refusé. Il a dit que si j’ose crier, il va me frapper. Il a bloqué mes deux bras. Je ne pouvais plus me débattre. Je l’ai supplié de mettre une capote. Il ne l’a pas fait. Il m’a forcée, sans préservatif ». Marina et Marimar ne sont pas des cas isolés à Bohicon. Comme elles, nombreuses sont les élèves de cette commune comptant 12 CEG à être victimes de grossesses en plein cursus scolaire.

400 grossesses en cinq années
Au cours de l’année scolaire 2016-2017, la commune a enregistré 81 cas de grossesses dans ses collèges. Selon les statistiques de la Direction départementale des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle du Zou, qui fournit ces statistiques, au cours des cinq dernières années scolaires, ce sont 380 grossesses qui ont été recensées à Bohicon sur un total de 1921 pour le Zou. 380 rêves perdus, 380 destins brisés, autant de vies gâchées. Piégées par une méconnaissance de leur corps et des moyens de contraception auxquels s’ajoutent un manque de communication avec leurs parents sur les questions de la sexualité, le difficile accès aux méthodes contraceptives et bien d’autres causes, les élèves enceintes n’échappent pas aux conséquences qui en découlent. De l’abandon des études aux avortements clandestins, parfois fatals, en passant par la perte d’estime de soi, les moqueries, le rejet par la famille, la destruction des projets de vie, etc…, ces conséquences sont aussi diverses que dramatiques.

Un frein à l’épanouissement des jeunes filles
Si la grossesse est un accomplissement dans bien des cas, elle peut aussi constituer un handicap majeur dans certaines situations, singulièrement quand elle survient lors d’un cursus de scolarisation où elle devient un frein à l’épanouissement et à l’éducation des jeunes filles. En classe de 3e dans un collège de la commune, Nadège, pour avoir côtoyé des filles victimes du phénomène, en sait quelque chose. « C’est très difficile pour une élève de porter une grossesse. Une de mes amies est enceinte. Elle ne travaille pas bien en classe. Elle passe son temps à dormir, quand le professeur explique le cours. Parfois elle manque les cours pour aller aux consultations prénatales», témoigne Nadège. Dans l’impossibilité de concilier grossesse et école, certaines élèves sont contraintes d’abandonner les études sans autre forme de procès. Larissa a été obligée de le faire. Deux fois mère en l’espace de quatre ans et demie, et avant d’atteindre la classe de 3e, la jeune femme, orpheline de mère « se cherche », aujourd’hui au marché Sexi de Bohicon. « J’étais encore sur les bancs, l’année passée. Cette année, j’ai décidé d’abandonner parce que je ne m’en sortais plus. J’avais du mal à retenir les cours. Je me perdais entre les études et mes responsabilités de mère devant prendre soin de ses enfants », raconte la jeune femme de 22 ans qui vit dans la famille du père de ses enfants. Devant son étalage de produits de beauté, elle espère faire grandir son commerce afin de mieux s’occuper de ses enfants et épauler le père des gosses. Ce dernier, après la classe de première a dû laisser tomber les études, à un an du bac, pour une formation de carreleur qu’il effectue à Cotonou. Pour d’autres victimes, la situation est beaucoup plus dramatique. « Certaines sont abandonnées à elles-mêmes et doivent se prendre en charge. Des parents sortent la fille carrément de la maison. Il y a d’autres filles qui restent à la maison mais dont les parents ne se soucient même pas», fait remarquer Ganiatou Wassi, superviseure de l’ONG Action pour le développement et l’épanouissement de la famille (Adef) dont les activités comportent un volet dédié à la sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes. Bien qu’elle n’ait pas été renvoyée de la maison familiale par ses parents, Marina n’en subit pas moins leur colère. Depuis l’annonce de sa grossesse, il lui est devenu impossible de parler avec son père qui a coupé tout dialogue avec elle. « Quand je salue papa, il ne me répond pas. Maman essaie de me parler », confesse la gamine qui se prépare à enfanter. Du côté de Marimar, qui espère affronter le Bepc dans quelques mois, le soutien des parents ne fait pas encore défaut. Elle a la chance de pouvoir compter sur eux, surtout pour les médicaments que la famille du père de son futur bébé n’assume toujours pas, malgré la promesse faite. « Ses parents ont dit à mes tantes qu’ils vont m’aider, mais jusqu’à ce jour, ils ne l’ont pas fait. Ils n’ont pas encore commencé par les médicaments », déplore la future mère.

Le maintien à l’école, l’approche du CEG 4 de Bohicon

De 2011 à 2016, le CEG 4 de Bohicon a enregistré 43 grossesses. Moins de deux mois après la rentrée de l’année scolaire en cours, déjà 5 cas sont déjà recensés. A défaut de mettre un terme au phénomène dont l’ampleur ne faiblit pas, les autorités de l’établissement mettent tout en œuvre pour maintenir les filles à l’école. « Nous avons mis à contribution les femmes qui vendent à manger au sein du collège. Dès qu’elles remarquent les signes de grossesse chez les élèves, elles nous le font savoir. On appelle l’élève qu’on met à l’aise. On prend des renseignements sur l’auteur. On met en garde les autres élèves contre les moqueries pour éviter que les filles soient traumatisées. Quand on a des plaintes dans ce sens, on punit sévèrement les fautifs. On dialogue beaucoup avec elles », explique Septime Sondjo, surveillant général du CEG 4. Après l’accouchement, elles reprennent « automatiquement » les cours, rassure Septime Sondjo qui en veut pour preuve, le cas d’une élève de la classe de 3e qui, après avoir accouché en mai, a immédiatement repris les cours et affronté un mois plus tard les épreuves du Bepc. Il ajoute : « Une autre est actuellement à la maison. Elle est à un mois du terme de sa grossesse. Ses parents sont venus dès le premier jour de la rentrée nous le signaler pour qu’on ne la classe pas parmi les cas d’abandon. Si elle accouche et si sa santé lui permet, elle reprendra les cours en même temps ». Même s’il se réjouit que les filles soient ainsi encouragées, Septime Sondjo reste convaincu que l’essentiel du travail doit se faire en amont, dans la prévention, à travers la sensibilisation des jeunes filles et jeunes garçons, de manière à combler leur déficit d’information en matière d’éducation sexuelle et leur ignorance des méthodes contraceptives pour leur éviter les conséquences désastreuses telles que les grossesses non désirées en milieu scolaire.

Flore S. NOBIME

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