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Le triomphe de la vérité

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Opinion du Professeur Paulin Hounsounon-Tolin: Parlement béninois de « Majorité à géométrie invariable»


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Prof. TOLIN

INTRODUCTION
« Transhumance politique », « Majorité à géométrie invariable » et « Changement d’Ali Baba et maintien des 40 voleurs » caractérisent la démocratie béninoise. Le propos examinera donc le parallélisme entre l’idée de « Majorité à géométrie variable » et la « bonne et franche désertion » de Sénèque ainsi que le patriotisme et l’antipatriotisme de l’une ou l’autre pratique.

I/. MAJORITE A GEOMETRIE VARIABLE ET INVARIABLE
Ce fut au début de l’avènement du renouveau démocratique dans notre pays que la formule de « Majorité à géométrie variable » a été inventée et bien appliquée. Cette jolie formule signifie que si les projets soumis à l’appréciation de l’auguste Assemblée, par le président de la République, visaient l’intérêt général du peuple, ils auront la majorité nécessaire pour leur réalisation. Cela revient à dire que le président de la République ne peut pas s’attendre à une majorité acquise à sa cause à l’avance, mais qu’il y aura toujours une majorité qui saura faire preuve d’assez de patriotisme pour soutenir les vrais projets de développement de la nation ou s’y opposer sans vergogne. Le président actuel de l’Assemblée Nationale a déjà été président de notre Assemblée Nationale deux fois déjà. Il en est donc à sa troisième expérience. Au total, ils sont quatre anciens présidents et qui se réclament tous de la Mouvance gouvernementale, à en juger par les déclarations.
Ils ne peuvent donc pas dire qu’ils ignoraient l’idée de « Majorité à géométrie variable » qui avait permis aux Députés de bien jouer leur honorable rôle de représentants du peuple. Mais aujourd’hui, l’exécutif demande aux Députés de voter les lois concernant notre nation les yeux fermés et ceux-ci le font non seulement, mais déclarent aussi qu’ils vont soutenir les actions de l’exécutif. L’usage de la belle formule de « Majorité à géométrie variable » n’est plus de mise donc. Il faut soutenir coûte que coûte les actions du gouvernement quelles qu’elles soient. C’est bien cela une « Majorité à géométrie invariable » qu’il convient, dans notre contexte de « Démocratie de changement d’Ali BABA et de maintien des 40 voleurs », de comparer à la « bonne et franche désertion » qu’appliquait le philosophe Sénèque au Sénat du peuple de Rome. Une telle comparaison permettra de prendre la mesure de l’irresponsabilité et de l’antipatriotisme des premiers et du patriotisme du second.

II /BONNE ET FRANCHE DESERTION DE SENEQUE
Sénèque le Fils ou le Philosophe, l’un des trois Sénèque connus de la littérature latine, est un philosophe romain de l’époque impériale. Il fut le premier banquier et le premier fermier de l’humanité dont les domaines s’étendaient à perte de vue. Il fut aussi premier philosophe moderne et l’homme le plus riche de son temps dont la fortune personnelle équivalait au cinquième des revenus annuels du gigantesque empire des Césars. Il a été aussi sénateur et deuxième personnage de l’Empire. Mais il est encore plus connu comme le plus brillant avocat de son temps et le seul philosophe que les Romains pouvaient opposer et opposaient effectivement aux Grecs. En politique et en morale, son honnêteté, son détachement des biens matériels et son patriotisme ont été reconnus. Pour défendre l’éclectisme en bravade métaphysique, il nous rappelle la méthode qu’il appliquait au Sénat du « Populus Romanus » :
« La procédure qu’on applique au Sénat est, selon moi, bonne aussi en philosophie. Quelqu’un ouvre-t-il un avis qui correspond en partie à mon opinion ? Je l’invite à diviser la motion et j’appuie ce que j’approuve : ” Un denier, n’est pas de mauvaise frappe du fait qu’un barbare, qui n’a pas reconnu l’estampille officielle, l’a refusé.” ».
Cette procédure révèle donc de patriotisme et de réalisme politique de Sénèque. Un bon patriote doit savoir soutenir les motions de lois venant du camp adverse et qui visent l’intérêt de la patrie. Par contre, il doit savoir et pouvoir rejeter les motions de lois venant de son propre camp et qui ne viseraient pas l’intérêt général de la nation. Dans ces conditions, le principe de la « Majorité à géométrie variable » serait porteur de patriotisme. Un bon patriote ne peut donc pas déclarer à l’avance qu’il soutient les actions du gouvernement, car les Députés qui approuvent les actions du gouvernement à l’avance, transforment l’Assemblée en une faction.

III / UNE ASSEMBLEE ET UNE FACTION
Sénèque nous apprend donc en bravade métaphysique que nous avons le devoir d’honnêteté intellectuelle de reconnaître la vérité, même si elle émane d’une école adverse et que c’est ce qu’il faisait quand il était Sénateur en ne rejetant pas systématiquement les motions de lois émanant de ses adversaires. De même, il n’approuve pas sans examen critique les propositions émanant de son propre camp. Ce principe de patriotisme et de réalisme politique, qu’il y a eu à expérimenter au Sénat de Rome, il le recommande en bravade métaphysique en prônant la « bonne et franche désertion » parce qu’il convient de reconnaître une vérité comme telle même si elle émane d’un adversaire. Dans son De otio, il écrit : « Et tu oses faire l’écho des commandements d’Epicure dans le camp de Zénon ! Une bonne et franche désertion, si tu es las de ton parti, vaudra mieux que la trahison. ».
Il nous apprend également comment son expérience de Sénateur du peuple de Rome lui a appris ce qu’un Sénat ou une Assemblée Nationale ne peut pas être : « Se ranger toujours à l’opinion du même homme peut convenir dans une faction, mais ne convient pas dans un Sénat… » Une Assemblée Nationale, qui est la représentation d’une nation, ne devrait donc pas donner sa caution de soutien, par avance, aux projets de société d’un gouvernement. Mais chez nous, les Députés se réclamant de la majorité présidentielle votent toujours à l’unanimité tout ce que l’Exécutif leur envoie et gardent silence sur certains sujets d’actualité comme les destitutions tous azimuts des maires démocratiquement élus. Ces destitutions des maires qui ne soutiennent pas le gouvernement en place ne renforcent nullement notre démocratie. L’injustice liée aux examens organisés pour les Licences et Masters des établissements privés. Beaucoup de nos concitoyens ont refusé de composer parce qu’ils ne comprennent pas que quand il s’agit du CEP, du BEPC et du BAC, notre Etat organise les examens conjointement pour les établissements publics et privés et autrement pour les Licences et les Masters. La question est de savoir ce qui justifie que l’Etat ne s’intéresse qu’au secteur privé dans le cadre des Licences et Masters. Mais les promoteurs de ces établissements avaient tellement mal posé le problème, que personne de l’extérieur ne pouvait leur venir en aide. Ils ignoraient que quand on refuse on dit simplement non. Ils auraient dû reconnaître le bien fondé des diagnostics faits par le gouvernement et s’étonner que le gouvernement de la rupture veuille corriger les tares de ce secteur par les mêmes acteurs d’hier. Evidemment, ils ne pouvaient pas exposer certains comportements des mêmes acteurs qui veulent mettre de l’ordre aujourd’hui dans ce secteur, sans se compromettre. Le dernier conseil des ministres fait bien aussi de passer sous silence le nombre de millions ou de milliards déjà mis de côté et le montant du complément à partager dans l’organisation de cet examen. Nous savons comment les examens se passent. L’examen qualifié de bien apprécié à l’étranger mérite bien d’être amélioré. Quand les résultats des premiers examens organisés par le gouvernement de la rupture étaient « catastrophiques », les réactions étaient nombreuses. Mais quand les résultats des seconds examens du même gouvernement ont été bons, personne ne s’était demandé ce qui s’était passé. Comportements exemplaires des surveillants, sans consignes lors des corrections et des résultats, il ne faut pas s’attendre à de bons résultats au CEP et au BEPC. Quant à l’organisation d’examen par l’Etat pour les Licences et Masters des secteurs privés, qu’est-ce qui justifie cela ? Etant du secteur public à un niveau élevé, je puis soutenir que les licences, les Masters et surtout les doctorats de la première université nationale du Bénin s’obtiennent beaucoup plus aujourd’hui par le kopeck que par de la connaissance. Cette université a-t-elle jamais sérieusement démarré les LMD ? Par ailleurs, ce sont les mêmes acteurs des universités publiques qui interviennent dans les universités privées. Tout se passe comme si on essayait de faire quelque chose pour montrer que l’on travaille. Bref, voilà autant de sujets à propos desquels notre Parlement, si la « géométrie » de sa « Majorité n’était pas invariable », aurait pu interpeller notre gouvernement. Ce sont ceux qui ont le plus combattu un candidat, devenu premier citoyen de la nation, qui deviennent du jour au lendemain ses plus fervents soutiens. Le Bénin pratique une « Démocratie de changement d’Ali Baba et de maintien des 40 voleurs » et de « Majorité à géométrie invariable » porteuse d’antipatriotisme.
L’idée de « Majorité à géométrie variable » offre un parallélisme intéressant avec la « bonne et franche désertion » et relève du réalisme politique et de patriotisme. Notre Assemblée Nationale ne peut donc pas logiquement ignorer l’idée de « Majorité à géométrie variable » qui est à même d’amener la représentation nationale à bien jouer son rôle de contrôle du gouvernement. Cette idée de « Majorité à géométrie variable », peut faire de nos Députés de vrais patriotes. Mais tout se passe aujourd’hui comme certains concitoyens parlaient de dirigeants cupides « Djagouda », Exécutif et Députés de « Majorité à géométrie invariable » veulent aussi appliquer au peuple l’adage relatif au Fon en visite en pays Nago. Les Nagos, dit-on, ne consomment pas de la viande de lézard, ce dont raffolent les Fons. Il s’est fait qu’un Fon se trouve en visite chez les Nagos. Les reptiles font leur va et viens quotidien sans se soucier de la présence des passants Nagos. Le Fon s’arrêta pour regarder les lézards. Ceux-ci s’arrêtèrent pour le fixer droit dans les yeux. Le Fon fit de même également. Les lézards, commencèrent à reculer. Alors, le Fon se mit à leur poursuite en criant « Comme vous me prenez pour un étranger, comme tel, je vous traiterai également … » On n’oserait pas croire que l’Exécutif et la « Majorité à géométrie invariable » veuillent vraiment appliquer à ce peuple cet adage.

IV /LE CHRIST EST MORT UN VENDREDI SAINT, ET CELA EST BIEN FAIT
Quid, quid est, que Dieu bénisse le premier citoyen de ce pays afin qu’il ait la sagesse de bien nous diriger. Mais quant à celui qui pouvait bien amener les Députés à bien contrôler les actions du gouvernement par l’idée de « Majorité à géométrie variable », et ne le fait pas, que dieux et déesses le maudissent. Que le Diable le patafiole ! Celui-là… comme un ami m’a dit en 2011 à propos de la quête, non sans raison mais sans cesse, d’être premier citoyen de ce pays… Le Christ est mort un vendredi saint et cela est bien fait pour lui. C’est un prêtre qui aime rester auprès de ses biens parce qu’il en a. Il est donc avare, car un avare est celui qui a des biens dont il n’aime pas se séparer. Comme biens de ce curé, se trouve un manguier et dont les mangues sont à maturité que les gamins maraudent. Le curé obligé d’aller célébrer l’eucharistie, doit baisser la garde de surveillance de son manguier. Mais de l’autel, il pouvait continuer sa surveillance. Au moment de son homélie où le curé disait le « Christ est mort un vendredi saint », un gamin dégringola du manguier. Il dit « Cela est bien fait pour lui ».Voilà comment « Le Christ est mort un vendredi saint et cela est bien fait pour lui ». Celui qui fait fi aujourd’hui de « Majorité à géométrie variable » s’il avait raté sa quête d’être le premier citoyen de ce pays, si la « nature s’enivre » (Gbè nou ahan mou on), il pourra encore obtenir ce joli et glorieux titre. Bonne santé et longue vie donc à notre premier citoyen. Qu’il ait 1000 mandats à son actif donc plutôt que de voir l’autre obtenir ce titre. Car l’idée de « Majorité à géométrie variable » pouvait mieux aider à la consolidation de notre démocratie. Alors « Gbè ma nou ahan mou gbé dé o » afin que la « Grande chose » (Nou da xo o) n’advienne pas. La grande chose ? On vint annoncer le décès de son père à un fou. Il remercia les mânes de ses ancêtres et leur promet davantage de dévotion à leur service afin d’éviter « Nou da xo o ». Peu après, ce fut le décès de sa mère. Il témoigna de sa gratitude aux déités et leur demanda de lui éviter « Nou da xo o ». Interpellé au sujet de ce « Nou da xo » dont il craint tant l’avènement. Sa réponse « édésou ma gbè gali o » : sa propre mort. Longue vie donc au premier citoyen de ce pays plutôt que l’« enivrement de la nature » qui pourrait …

CONCLUSION
« Majorité à géométrie variable » et « bonne et franche désertion » relèvent de patriotisme et de réalisme politique. Notre Assemblée Nationale actuelle pouvait davantage aider le gouvernement si ses Députés de la majorité faisaient preuve de patriotisme et pratiquaient de la « Majorité à géométrie variable ». Deux politiques d’action du gouvernement retiennent mon attention : Déguerpissement des lieux publics et la commission d’installation des membres du Conseil National pour l’Education (CNE). La première, participe plus au développement du pays, de mon point de vue, que la fameuse révision de la constitution : fluidité de la circulation dans nos villes et destruction des ghettos… Mais l’Etat semble avoir laissé un préfet gâcher cette politique… La récupération politique de cette politique semble découler des agissements d’un préfet qui semble être en mission pour quelque chose et par quelqu’un. Pour la seconde politique, relative au CNE, la durée de cette commission est raisonnable ainsi que les missions qui lui sont assignées et le choix de son président. Philomathe, pétri d’expériences de gestion des affaires décanales, pédagogiques et ayant interpellé déjà les recteurs de l’UAC et de Parakou au sujet de la crédibilité de nos Licences, Masters et Doctorats, le président de cette commission n’œuvra pas pour l’échec d’une politique si salutaire à notre système éducatif, come ce fut le cas de la politique de déguerpissement avec un préfet qui semble ignorer, avec la complicité de l’Etat, l’adage Fon « Ahossou non Zon nou mè, tcho é non xa ayi kpa » pour la réussite correcte de la mission. Mais ce n’est qu’avec une « Majorité à géométrie variable » de Notre Assemblée que les vraies politiques de développement seront moins politisées et bien suivies.

Paulin. HOUNSOUNON-TOLIN, Dr en Sciences de
l’Education Paul Valéry, professeur titulaire des
universités, Philosophie antique et Antiquité tardive
Email : paulintolin@gmail.com

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