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Le triomphe de la vérité

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Edito: Arrêter le droit de tuer


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Imaginons la suite de la grève dans le secteur de la santé. Les syndicats ont obtenu la satisfaction de toutes leurs revendications. Ils ont amassé plein d’argent, leurs arriérés de primes ayant été versés par l’Etat. Ils ont le sourire et clament partout que le Chef de l’Etat est désormais un dieu. Votre neveu qui est dans le secteur prévoit d’acheter une nouvelle parcelle. Votre sœur, également dans le secteur, s’en va directement au marché pour s’acheter les nouveaux Vlisco. Mais il y a quelques jours, votre fils récemment hospitalisé au CNHU, a rendu l’âme, faute de soins. L’épouse de votre oncle du village a connu le même sort. Elle est morte au centre de santé de la localité pour les mêmes raisons. Les agents de santé ont obtenu leurs droits, mais les morts, eux, qui donc les ressuscitera ?
A vrai dire, on ne peut nier leurs droits aux travailleurs de la santé. Les frustrations accumulées et l’intransigeance des autorités ont conduit à des positions radicales préjudiciables au dialogue social. Dans bien des cas, le manque ou l’absence de dialogue est à la base de la radicalisation des positions et des incompréhensions qui ont amené au pire. Chacun clamera la mauvaise foi de l’autre. Le gouvernement, même sans le dire, croira que les syndicats sont aux mains d’extrémistes aux intentions douteuses. Il est vrai aussi que la collusion de plus en plus en ouverte entre syndicats et politiques constitue une entorse de taille à l’éthique syndicale. L’opposition, qui a tendance à utiliser les travailleurs comme des chevaux de Troie, a passablement réussi son coup : créer et entretenir une fronde sociale permanente contre le gouvernement.
Mais les syndicats ont bon dos de ressortir leurs vieilles ficelles. Ils savent que les salaires et avantages politiques faramineux horripilent la population impuissante. Ils savent depuis toujours qu’il s’agit là d’une fibre sensible et facile sur laquelle les syndicats tirent avec un succès jamais démenti. Les politiques ont peur de perdre leurs privilèges, peur que ces privilèges soient divulgués dans la masse… et cèdent. A la prochaine vague de grèves, les mêmes stratagèmes, les mêmes sous-entendus complices, les mêmes morts, et les mêmes silences.
Qui donc osera parler des morts des centres de santé où le service minimum n’est qu’un leurre ? Dans des villages où les centres de santé privés sont inexistants, les grèves tuent dans l’indifférence généralisée. Et, puisque ce sont des pauvres, personne ne croit venu le temps de se poser les questions qui en valent la peine.
Au nom de la démocratie qui a donné tous les droits, y compris celui de tuer, les acteurs de la santé manifestent leur colère légitime. Mais ont-ils le droit de vous tuer, vous et vos proches ? Le jour où la communauté répondra d’un « non » massif à cette question, nous trouverons les moyens d’éradiquer les morts stupides qui frappent des familles entières lors des débrayages des corps de la santé. A vrai dire, les populations s’en remettent à Dieu, en faisant semblant de supporter l’aberration. Chacun veut lire dans la mort de son père ou de son fils, l’expression d’une certaine volonté divine. Presque personne ne veut penser que les policiers, les gendarmes, les agents des eaux et forêts, sont aussi des citoyens à part entière à qui l’on n’a pas donné le droit d’aller en grève.
Et pourtant, l’on sait que les fonctionnaires de police par exemple, ont de nombreux problèmes au Bénin. Il suffit de les écouter pour savoir qu’ils ont d’énormes difficultés, au regard des inepties de l’administration et de la non-satisfaction de leurs revendications légitimes. Et l’on sait qu’une journée de grève chez les policiers se paie cash en braquages et autres actes de brigandages.
Il faut désormais tenir les agents de santé (et pourquoi pas les enseignants aussi) sur le même palier que les militaires et les paramilitaires. Il ne s’agit pas d’empêcher une corporation de jouir de ses droits démocratiques, mais de sauvegarder les droits humains les plus élémentaires, c’est-à-dire le droit à la vie, le droit aux soins. Le dire ainsi, c’est reconnaître qu’il y a des sacrifices à faire par tout le monde pour que nous ne soyons plus menacés par une mort stupide dans les hôpitaux.

Par Olivier ALLOCHEME

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